T'auras tout le temps quand tu seras mort

Si il y a bien une chose qui restera à jamais mystérieuse, c'est la mort. Ah ouais, elle commence bien cette critique.
Je vais vous donner un autre truc mystérieux dans la vie: Nongünz.

Nongünz est un jeu mystérieux. Les menus sont cryptiques. La progression est obscure. L'objectif est occulte. Et tout un tas d'autres adjectifs semblables. Et sincèrement ? c'est plutôt chouette.

Là où beaucoup d'autres jeux décident de tenir la main de leurs joueurs et de TOUT leur expliquer, au risque de les noyer sous des montagnes de textes, Nongünz prend le parti opposé, et nous lâche sans vergogne dans son univers entièrement dénué de tutoriel. Au tout début du jeu, j'ai trouvé vraiment amusant de fouiller le menu et de découvrir à quoi chaque section et bouton pouvait bien correspondre. Pareil lorsqu'il a fallu explorer le Cimetière, hub central du jeu d'où vous organiserez vos excursions dans la Crypte.
D'ailleurs, notez bien que ces noms que j'utilise n'ont rien de canoniques: je nomme les trucs dont on va parler simplement pour que ce soit plus clair pour vous !

La plupart de votre temps de jeu, vous allez le passer dans la Crypte: un gros donjon à l'organisation procédurale qui contiendra à chaque étage les poncifs du genre: salle du trésor, marchand et boss de fin de niveau. A vous de planifier votre trajet dans les couloirs afin de perdre le moins de points de vie et de vous équiper au mieux, en vue de buter le gros méchant, et passer à l'étage suivant. Et si vous tombez à zéro PV, pfuiiiit, c'est retour à l'entrée, à poil, et on se retape tout.

Maintenant, vous allez vous dire: ah bon d'accord, mais c'est quoi le truc qui change par rapport à Rogue Legacy par ezzemple ?
Très majoritairement, le principe des roguelike aujourd'hui c'est de générer une zone blindée de loot, de protéger ce loot par un tas d'ennemis, et d'empêcher le joueur d'accéder à tout ce loot en le forçant à avancer: timer, course poursuite, ennemis invincibles, barre de vie uniquement déplétive... tous les moyens sont bons. On apprends au joueur à pondérer ses choix, mais souvent rapidement, ou dans l'urgence.
Nongünz, en principe, ne va jamais vous forcer. Lorsque vous allez mourir et perdre votre loot, ce sera par manque de skill, par précipitation très souvent, ou parce que vous n'étiez pas équipé correctement pour l'occasion. Peur de perdre cette Carte rarissime que vous venez tout juste de trouver, peur de perdre tous les crédits que vous accumulé ? Pas de panique: quittez le donjon par l'une des fenêtres et déposez le tout au Cimetière. Pas assez de crédits, plus assez de points de vie ? Relax : ouvrez le menu de pause et attendez que les crédits montent tout seuls, ou brûlez quelques Cartes pour remonter vos PV.

Avec ces mécaniques en tête, le jeu se joue alors d'une toute autre manière.
On fait quelques runs pour piller le premier étage, ramasser des Cartes d'équipement, des Armes et des Crânes. Revenu au Cimetière, on prépare l'attaque du boss, on invoque une bonne grosse arme à munition explosives sur l'Autel, on trie ses cartes, et enfin quand tout est prêt... on replonge à nouveau dans la Crypte, en espérant être assez bien stuffé pour niquer sa gueule à ce gros batârd.
Et pourtant, le jeu n'est pas vraiment cool.

Vous vous souvenez de quand j'ai dit "en principe" ?

Nongünz, en principe, ne va jamais vous forcer.

Alors que toute les mécaniques du jeu incitent à prendre son temps, rester en vie, économiser, et être précis, le gameplay du jeu, nerveux et exigeant, va régulièrement vous taper sur les nerfs.
En plus du tir et du saut, vous disposez d'une esquive peu maniable et d'un pouvoir spécial qui vous serviront à échapper aux tirs et aux griffes des monstres ennemis. Couplé à un level-design peu permissif, le placement des ennemis vous laissera peu de choix quand à l'approche qu'il vous faudra utiliser, vous forçant à vous mettre toujours plus en danger, vous rendant vulnérable.

Nongünz n'est pas n'importe quel jeu: derrière sa fascination pour le monde des morts, il veut nous apprendre les vertues de la patience et de la modération. Deux qualités qui sont provoquées, mises à l'épreuve par ce gameplay nerveux, et finalement si frustrant. Quoi de plus rageant que de perdre tout son attirail sur une bêtise, et de recommencer à zéro après tout ce temps investi dans la collecte de Cartes équipement et de bonnes Armes !
Oui, il faut le dire, le temps est votre monnaie la plus précieuse dans ce jeu. Concrètement, et comme je le disais plus haut, le temps qui passe vous octroie des crédits. Attendre une dizaine de minutes sur le menu de pause pour acheter un item chez le marchand : c'est une vraie technique qui marche ! Farmer le premier étage est une étape presque obligatoire si vous voulez vous en sortir au boss et dans les étages suivants. Et vous aurez besoin de temps pour vous familiariser avec les contrôles

Nongünz ne vous demandera pas d'être un spécialiste de l'urgence et de la précipitation.
Nongünz existe pour tester et questionner votre rapport au temps.
Ce temps investi, cette frustration, sont tout à fait logiques compte tenu des thèmes mis en avant par le jeu. Mais je pense qu'il y a un problème d'échelle. J'ai joué trop longtemps pour un résultat trop médiocre. Je n'ai pas le sentiment d'avoir été suffisamment récompensé pour mes actions. Est-ce que l'absence de récompense est une autre thématique du jeu ? Je n'ai sincèrement pas le temps de vérifier, et malheureusement je pense que je ne l'aurai jamais.

Ou peut-être quand je serais mort ! Ha !