Masterpiece?
Resident Evil aka BioHazard est un jeu qui décide d'utiliser les codes du cinéma d'horreur (dont je ne suis pas vraiment friand) pour créer ou orienter un genre selon l'angle qu'on adopte pour...
le 15 avr. 2014
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Si le jeu vidéo grand public peut aujourd’hui être assimilé à des jeux violents assez facilement, c’était moins le cas fut un temps où les grands succès commerciaux du média sur console abordaient plutôt un esthétisme bon enfant. Il y avait déjà des exceptions bien sûr avec de grandes licences comme Mortal Kombat, Castlevania... mais je me souviens qu’à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ce qui était cool et faisait dark c’était de jouer à Resident Evil de Shinji Mikami. Sauf que moi j’étais jeune et bien que fasciné par cet univers très différent de mes chers Spyro j’étais une tanche et je n’ai pas du tout fini ces jeux difficiles auxquels je ne comprenais rien. Ce n’est que vingt ans plus tard que je m’y suis replongé avec un tout nouveau regard. La critique étant longue, je vous propose une petite sonate au clair de lune pendant la lecture.
Le maniement très rigide m’a beaucoup ennuyé à l’époque et même plus tard quand j’ai voulu m’y remettre, la prise en main, les fameux tank controls qui font qu’on est excessivement lent à se déplacer en pleine action, ne m’a jamais été évidente et bien que j’ai pris quand même a minima le coup de main avec les années, ça reste problématique pour moi avec cet épisode qui ne fait pas grand chose pour les compenser, contrairement à ses suites. Fort heureusement, la visée assistée de la version Director’s Cut sorti un an après rectifie un peu le tir (sans mauvais jeu de mot), même si je pense qu’il devrait il y avoir une option pour l’activer ou la désactiver à loisir comme dans Resident Evil 2.
Il est à noter que ce gameplay a effectivement pas mal évolué au fur et à mesure que Capcom reproposera le jeu dans différentes versions et peut même être bien plus souple dans la version HD mais je ne parle ici que de la version Playstation 1 originale. Il y a tout de même de bonnes idées dans ce maniement dès cette première version comme pouvoir orienter le tir en haut ou en bas qui est bien utilisée avec des ennemis volant ou rampant au plafond ou au sol mais plus généralement je ne le trouve pas génial, sans que ce soit là que mes reproches soient les plus grands.
Le problème majeur pour moi c’est la gestion de l’inventaire limité qui est ici très gênante. L’idée est excellente puisqu’elle force à rationaliser ses ressources qui en deviennent précieuses mais l’exécution est terriblement maladroite. Sans même parler d’incohérences stupides comme le fait qu’un lance-roquette prenne autant de place qu’une clef ou que la malle finit par être trop bordélique sans la moindre option de tri, ça ce n’est pas très grave. La cause du problème est double : les objets clefs ne sont pas distingués des autres et on ne peut pas déposer un objet par terre. Un seul de ces deux problèmes serait problématique s’il était seul mais là les deux combinés au concept d’inventaire limité ont rendu mon expérience de jeu trop pénible inutilement.
Je ne supporte pas ces allers-retours aux malles pour un oui ou pour un non parce que je ne sais jamais quand j’aurais besoin de tel item, quand j’aurai besoin de tel soin, quand j’aurai besoin d’une arme lourde… Si on ne connaît pas le jeu par cœur ou si l’on ne suit pas une soluce pas-à-pas, on passe son temps à se perdre pour retrouver les malles parce qu’elles ne sont pas indiquées sur la map même une fois découvertes et les plans récupérés. C’est super lourd et être sans arrêt gêné parce qu’on est pas foutu de ramasser une clef qu’on vient de trouver ou de combiner directement une herbe sur le sol avec une herbe dans notre inventaire ça a fini par me gâcher mon expérience de jeu, bien plus que pour ses suites qui feront des petits efforts pour atténuer le problème.
Il y a plein de petites lourdeurs désagréables et stupides avec ça, par exemple il faut utiliser un item pour sauvegarder. Que les sauvegardes soient limitées en nombre pourquoi pas ? Ça nous oblige à être plus attentif, ça renforce la tension, ça pose un dilemme ludique… Mais qu’à chaque fois on nous oblige à retirer un ruban encreur du coffre pour qu’une fois rechargée la partie, on doive le remettre dans le coffre, ça n’a pas de sens. C’est qu’un détail qui de façon isolé ne pose pas de réel problème mais c’est l’accumulation qui finit par en poser. Il y a bien quelques bonnes idées, comme le fait qu’une clef puisse être jetée une fois qu’elle est devenue inutile mais c’est trop rare pour contrebalancer suffisamment les problèmes et en faire un gameplay que je pourrai qualifier, en toute subjectivité, d’abouti.
Une autre bonne idée mal utilisée c’est les niveaux de difficulté qui influent à la fois sur les statistiques de notre personnage et des ennemis mais aussi sur le nombre d’items trouvables combiné à la difficulté induit par le personnage contrôlé ayant plus ou moins de place dans l’inventaire, ça serait une bonne idée si l’inventaire n’était pas complètement foiré. Je peux passer outre le maniement rigide mais les allers-retours débiles et frustrants à foison à cause de l’inventaire mal fichu là je suis pas d’accord. L’expérience de jeu en est grandement plombée et ça je ne peux que le sanctionner par la sous-note sévère, surtout que les années suivantes verront des titres au game-design proche contourner le problème d’une façon ou d’une autre, même si ce jeu a pour lui le mérite d’être arrivé avant les autres bien sûr.
Par où commencer ? Les liens entre les personnages sont mal expliqués, je dirais que c’est le premier problème. Il n’y a pas d’intro à proprement parler pour nous expliquer qui on est, pourquoi on est venu et quelle relation on a avec nos collègues ? À chaque fois que je croisais un autre personnage je me disais mais à quelle équipe est-ce qu’il appartient ? Comment mon personnage le connaît ? Pourquoi est-ce que mon personnage lui fait confiance ? C’est que des questions comme ça qui sont pour moi le signe d’un scénario mal raconté bien que très simpliste en réalité.
Je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas fait un pitch de départ plus simple mais aussi plus clair, on incarnerait par exemple des flics locaux de Racoon City, et pas une espèce d’unité d’élite dont on sait pas trop ce que ça implique, enquêtant dans les montagnes d’Arklay suite à la disparation de civils là-bas. On en profiterait alors pour montrer que Jill et Chris se connaissent et bossent ensemble depuis quelques années et sont devenus amis, pour finalement atterrir dans le manoir et ensuite une équipe spéciale arrive sur les lieux et à la manière d’Half-Life se révèlent là pour ne sauver personne mais effacer les traces avec Wesker qui les manipulerait.
Pour moi, ça aurait raconter la même chose mais plus efficacement. Là non seulement c’est pas très bien raconté, mais en plus il y a beaucoup d’invraisemblances dans les cinématiques, les dialogues sont surjoués comme c’est pas permis, les personnages en deviennent sans charisme... Jill Valentine sera beaucoup plus charismatique à mon sens face au Némésis que dans ce manoir. C’est un bilan très mauvais que je dois dresser de ce point, qui je le sais n’est pas un problème pour certains parce qu’on s’en fout de l’histoire on est dans un jeu vidéo avec des flingues et des zombis ou parce que c’est marrant parce que ça fait nanard, je ne suis d’accord personnellement avec aucun de ces deux points.
Côté positif, ou pas totalement négatif, la narration par texte à trouver, si c’est un procédé un peu fainéant, marche à peu près sur certains textes où l’on comprend un peu ce qui s’est passé ici et il y a même quelques pistes pour les futurs épisodes de la série, comme cette mystérieuse Ada mentionnée à un moment. Ce qui montre qu’il y avait quand même une vision à long terme pour la saga, ce qui est une très bonne chose pour un premier épisode qui a su fermer son histoire tout en pensant à ses éventuelles suites, son plus grand mérite peut-être, mais ça ne va pas non plus très loin, pas suffisamment pour constituer un réel point fort.
Redécouvrir le scénario sous deux angles différents selon le personnage incarné était également une bonne idée mais comme les personnages génériques sans charisme et le scénario mal raconté et pas bien intéressant sont de la partie, forcément c’est un coup d’épée dans l’eau supplémentaire. Comme pour le gameplay, tout n’est pas à jeter, il y a quelques bonnes idées mais des gros problèmes plombent l’essentiel et là encore la sous-note est sévère mais sincère. Quant à savoir si elle est juste, ma critique n’est jamais que l’expression de mon point de vue et de mon expérience de jeu comme toutes mes critiques, je ne vous impose en aucune façon de la partager mais je vais tout de même essayer de l’adoucir un peu avec la dernière partie.
Le parti pris visuel de base qui consiste à avoir des éléments en 3D dans des décors pré-calculés je trouve ça un peu bancal, à l’époque ça pouvait paraître révolutionnaire mais aujourd’hui, que ça a mal vieilli ! Je préfère encore un jeu tout en 3D, ce que la Playstation 1 permet sans problème, ou tout est à la même qualité si on peut dire. Là, les modèles 3D des personnages ou des ennemis notamment sont très différents des décors et ça fait très bizarre à l’œil. Néanmoins, le jeu est sorti vraiment en début de vie de la console, en 1996, donc je peux encore le comprendre à cette époque-là, même si ça reste gênant aujourd’hui.
Le jeu a profité tout de même d’une réalisation solide si on met de côté ce parti pris. Les étuis des balles virevoltent à chaque coup de feu, le personnage contrôlé a une animation différente s’il est blessé ou inactif depuis un moment, tous les objets de l’inventaire ont une modélisation 3D qu’on peut observer d’autant que ça a un réel intérêt, les ennemis peuvent se démembrer au fil des coups encaissés, la griffe avec laquelle un Hunter nous frappe se retrouve ensanglantée… Tout ça témoigne quand même d’un travail certain que je ne peux que reconnaître et respecter, encore plus pour un titre ayant vu le jour au début d’une génération de console.
Il y a un esthétisme rétro assez sympa avec le recul, ça va des ordinateurs aux VHS en passant par les machines à écrire dans ce manoir pourtant déjà vu à l’époque dans le jeu vidéo, à tel point que maintenant que je vois une machine à écrire dans n’importe quel autre survival-horror j’associe ça instinctivement à un clin d’œil pour Resident Evil. Les décors se renouvellent tout en étant relativement cohérents autour de ce manoir ayant sa propre identité bien que des manoirs comme ceux d’Alone in the Dark ou Clock Tower avaient placé la barre bien haut. Il peut néanmoins être difficile de revoir ça aujourd’hui et de l’apprécier pleinement quand la version Rebirth en propose une sérieuse mise à jour. Il est malhonnête d’en tenir rigueur à cette version PS1 mais forcément ça rentre en compte et ça tend à la rendre obsolète au moins sur le plan visuel.
Par contre, sur le plan audio le jeu est beaucoup plus résistant au temps avec des thèmes angoissants à souhait et en accord avec leur lieu, apaisantes à l’occasion et permettant de souffler... réalisés par 3 compositeurs, dont 2 majeurs de Capcom. Rien que le silence brisé au lancement de la partie par la percussion réverbérée et la grosse voix bien rauque lançant l’iconique « Resident Evil » délivre toute la maîtrise du sujet en fin de compte, surtout dans cette utilisation savante des silences faisant la place au sound-design qui fait monter la tension qui finit toujours par arriver avec efficacité ou même à l’inverse l’annonce d’une save room par ses petites notes emblématiques avant d’apparaître visuellement.
Les angles de caméra fixes ont leur avantage mais aussi leur inconvénient. L’avantage c’est que ça renforce l’angoisse à coup sûr puisqu’en général on ne voit pas une menace que l’on ressent qui peut très bien se retrouver à un mètre de nous. L’inconvénient c’est qu’en plein combat ça peut être handicapant pour rien quand subitement le jeu décide de nous montrer autre chose que ce qu’on vise parce qu’on vient de franchir la limite entre deux plans. Cette mise en scène est bien utilisée pour l’angoisse mais se mêle mal à un gameplay qui n’avait vraiment pas besoin d’un problème supplémentaire.
Les cinématiques d’introduction et de fin façon je me crois dans un film, je n’aime pas trop non plus, ça a tellement rien à voir avec la direction artistique en temps réel, c’est tellement grossier avec un générique sans intérêt qui n’a rien à foutre là. À moins de les regarder avec un second degré en tête j’ai du mal à les apprécier, alors qu’elles ouvrent et concluent l’aventure tout de même. Par contre, les cinématiques en jeu avec une mise en scène subjective pour présenter de nouveaux ennemis sont très pertinentes pour le coup et ça permet de renforcer la dimension horrifique de l’expérience. Les graphismes sont donc partagés entre un âge certain et des choix discutables mais quelques bonnes idées et un soin du détail réel, sans oublier la bande-son largement maîtrisée.
Resident Evil a popularisé un genre majeur du jeu vidéo, Resident Evil a été un phénomène de sa génération, Resident Evil fut un des jeux les plus ambitieux en début de vie de la Playstation One mais Resident Evil a vieilli ! Ses nombreux inconforts, maladresses d’écritures et problèmes de gameplay en font maintenant un jeu sur lequel j’ai du mal à m’amuser comme je le peux sur des autres survival-horror sortis ne serait-ce qu’un peu plus tard sur la même machine comme Parasite Eve ou Silent Hill, ou même ses suites directes Resident Evil 2 et 3. Il est probable que ces derniers doivent leur existence à son succès mais ça n’en fait pas moins un jeu que je trouve surestimé aujourd’hui, une expérience horrifique authentique mais obsolète.
Créée
le 2 juin 2017
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