Resident Evil aka BioHazard est un jeu qui décide d'utiliser les codes du cinéma d'horreur (dont je ne suis pas vraiment friand) pour créer ou orienter un genre selon l'angle qu'on adopte pour analyser l'objet. Je vais tenter de rendre hommage à cette oeuvre malgré ma culture assez maigre de ce type de jeu.
On retrouve clairement du "Alone in The Dark" dans RE1. Manoir pour oppresser, plan de caméra fixe pour suggérer, mobilité réduite pour étouffer. Cependant Capcom ajoute trois éléments à la formule pour définir l'identité de la série, et s'adapter intelligement à la technologie de son support.
Elément 1: L'acting.
Le jeu est parsemé de rares, mais très marquantes, cinématiques tournées avec des vrais mauvais acteurs. Le tout sonne terriblement cheap, au point qu'on se croirait dans une mauvaise série B. Est ce un choix ou juste un terrible raté? Je ne saurais me prononcer (manque de donnée) mais je trouve que cela plonge directement dans l'ambience. Le jeu contient une part de dialogue en américain, alors que le jeu est de production japonaise. Là, c'est clairement un choix, une volonté de faire un projet qui référence le cinéma occidentale, "avec des vraies voix de cain-ri dedans".
Elément 2: L'action.
Le jeu décide de mettre à la disposition du joueur tout un tas d'armement qui est au coeur du gameplay. Les armes et munitions de bases sont rares, les armes puissantes le sont encore plus. L'ajout de cette mécanique de jeu créé une tension sans précédent. "Je te donne du matos, la question est: faut il l'utiliser maintenant, ou faut il le garder pour plus tard?"
Cette réponse, on ne l'obtiens qu'à la fin du premier run où le jeu va révéler sa deuxième nature nettement plus stratégique. Le premier run, lui, nous plonge dans l'embarras, au même titre que notre inventaire qui, lui aussi est limité. Pour mettre en valeur ce matériel, le jeu nous propose un bestiaire très "série B" également, que je ne spoilerai pas pour des raisons évidentes. Lui aussi nous force à faire des choix anxiogènes: "Tirer, ou fuir?"
Elément 3: S'adapter au support
La PS1, c'est de la 3D expérimentale. Le choix de faire des décors en 2D est super intelligent du point de vue immersif. La caméra fixe est elle aussi parfaite pour avoir une vision lisible de l'action.
La PS1, c'est des loading infinis. Le choix de faire de ses loadings des éléments de tension avec l'animation de la porte qui s'ouvre, est là aussi un choix inventif et efficace pour l'immersion.
La PS1, c'est la carte mémoire et les sauvegardes. Le choix de faire un système de sauvegarde payant avec une monnaie (le ruban encreur) permet de garder la thématique du "choix cornélien oppressant" sans nuire à la difficulté du jeu (problème inhérent à l'auto save / save slot gratuit, comme on retrouve dans de nombreux jeux du XXIème siècle).
Ces 3 éléments définissent RE: l'hybride "survival action".
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Apparté sur l'évolution de BioHazard:
Bien que la part d'action grandira d'épisode en épisode, le gros basculement se fait au 4.
Le changement de position de caméra , la mobilité accrue et le nouveau bestiaire de RE4 réorientera une nouvelle fois la série RE. Cette série mute d'épisode en épisode pour explorer de nouveaux horizons, et fait l'effort de ne pas nous ressortir le même jeu, tout en cherchant tant bien que mal à conserver son lore, ce qui est appréciable en ce siècle où les gameplay se sclérose par peur de décevoir le fan, le joueur, ou le lambda.
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Dernier point sur RE1 avant d'entamer la conclusion. Le jeu nous propose deux réalités coexistantes, deux héros. Un film ne peut pas réussir ce genre de performance par sa structure et sa lecture linéaire. Le jeu vidéo le peut et le game designer de ce titre l'a bien compris. Il propose un parcours plus simple pour la fille "Jill" (inventaire élargie, accès à des armes plus puissantes) et un parcours plus complexe pour le gars "Chris" (inventaire réduit, setup d'arme limité).
Je ne vais pas écrire un pavé sur ce choix relativement mysogine, seulement quelques lignes. La fille est une assistée du point de vue gaming, on lui facilite la tâche. Du point de vue narratif, elle est moins gradée que Chris.
Si on regarde l'évolution de Miss Valentine au cours des épisodes, ce perso sera de plus en plus sexualisée au fur et à mesure des opus, ce qui là encore, est assez dégradant de mon point de vue. (A quand Chris Redfield en String? XD).
Si je me focus seulement sur RE1 et son game design, l'idée de transcrire les modes de difficulté au travers de deux persos différents, de deux parcours différents, et de deux récits différents est tout bonnement géniale, car il permet de faire "deux scénarios de série B" dans une même oeuvre. On prend les codes du cinéma (narration, progression, twist, suspens, plan de caméra), et on l'adapte au jeu.
Conclusion:
Le gameplay transpire le stress autant que tous les autres éléments du jeu.
Le cinéma de série B transpire par tous les pixels, par tous les sons , et par tous les plans.
Resident Evil est une master piece.