Si les Souls étaient d’une grande originalité à leur apparition, leur succès critique et commercial à entraîner bien des inspirations jusqu’à la scène indépendante comme en témoigne Salt & Sanctuary qui se vend comme un Dark Souls en 2D. C’est au final assez logique puisque les Souls ne sont jamais qu’une adaptation en 3D des codes de Métroidvania originellement en 2D, je pense notamment au fameux Castlevania Symphony of the Night. Donc cette promesse, qui manquera de créativité pour certains, me paraît intéressante, à voir si elle est réussie. La critique étant longue, je vous propose le thème relaxant des sanctuaires.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10
Le rendu visuel est assez particulier avec des couleurs très ternes, un contour noir plus ou moins prononcé... Je n’ai pas trouvé ça très engageant pour être honnête mais j’ai fini par m’y habituer à la longue. Une première impression qui ne fut pas géniale non plus car dès les premiers instants l’inspiration Souls se retrouve avec l’éditeur de personnage très moyen, voire mauvais, mais comme au final on ne voit quasiment pas le visage de notre personnage en jeu ça n’a pas tant d’importance.
Par la suite, des éléments m’ont montré que la réalisation était tout de même assez soigné avec par exemple la gestion de la lumière dynamique assez poussée dans certaines zones, l’impact visuel de nos choix d’équipement sur la tenue qui permettent de bien personnaliser son apparence en jeu, notamment l’objet en raccourci qui se retrouve à la ceinture, c’est vraiment le petit détail qui fait plaisir. Les animations sont assez violentes pour offrir de bons feedbacks, ce qui n’est pas négligeable quand on se retrouve avec un gameplay aussi exigeant où chaque coup porté à l’ennemi sonne comme une petite victoire.
Les décors et le bestiaire sont tout à fait dans le ton glauque d’un Soul par ci avec des squelettes dans une forteresse, d’un Castlevania par là avec des zombis se relevant dans un cimetière, d’un Bloodborne ailleurs avec un donjon où il n’y fait pas du tout bon vivre... j’en suis particulièrement client d’autant qu’il y a eu un énorme effort de diversité environnementale. C’est assez impressionnant quand on pense que seulement 2 personnes ont développé ce jeu, ils se sont vraiment lâché pour reproduire à leur sauce les environnements les plus emblématiques de ce genre de jeu.
Les musiques sont de qualité mais pas très nombreuses, une OST de 40 minutes pour un jeu au run de 15 à 20 heures forcément c’est souvent les mêmes morceaux qui reviennent, ça se comprend vu les moyens du studio et celles qu’on entend souvent sont assez réussies donc on ne s’en sort pas si mal. L’absence de doublage n’est pas bien grave et là encore ça s’explique par les modestes ressources de l’équipe de développement et mieux vaut pas de doublages à un doublage épouvantable, piège dans lequel ils tomberont pour la traduction.
Des petits soucis de lisibilité occasionnels sont un peu gênants, il m’est arrivé plusieurs fois de confondre une échelle (de profil) et une chaîne par exemple, or si l’on peut s’agripper à l’une, on ne peut pas à l’autre et c’est plutôt frustrant de mourir à cause de ça. Cette lisibilité imparfaite, ces limitations sur le travail sonore et le rendu visuel de base constituent les boulets d’une réalisation et d’un esthétisme aux excellentes intentions qui sait impressionner de temps à autre malgré eux, c’est plutôt respectable et gage d’un certain talent.
GAMEPLAY / CONTENU : 9 / 10
Comme tout Métroidvania qui se respecte on est plongé dans un monde gigantesque avec plein de zones différentes avec des idées qui leur sont propres, de raccourcis en leur sein et entre elles, de capacités à débloquer pour en atteindre tous les lieux... et cette partie exploration s’inscrit dans les plus hautes normes qualitatives des références du genre. Pas mal de capacités à débloquer pour poursuivre la progression sont assez originales, la map est très bien construite avec zones très bien connectées entre elles, on passe par le sentiment d’être constamment perdu et d’avoir plein de routes à emprunter avant d’être super content de s’orienter efficacement...
Quant aux combats, ils sont aussi exigeants, techniques, variés et addictifs qu’un Dark Souls tel que l’on pouvait s’y attendre mais est-ce que c’est vraiment une copie conforme de Dark Souls ? L’inspiration de la saga est indéniable et omniprésente, beaucoup de mécaniques sont directement reprises mais Salt y confirme son identité à lui ici et là. J’aime bien par exemple le concept des différentes religions avec l’idée des PNJ que l’on invoque de façon permanente aux feux de notre choix en échange de précieuses figurines à trouver, les bonus octroyés selon notre serment à la religion assez conséquents et spécifiques...
Salt & Sanctuary pioche et mélange les idées qu’il apprécie ici et là, il s’inspire davantage de Bloodborne dans son dynamisme par exemple avec son endurance qui remontre à toute vitesse, de Dark Souls 2 avec des objets de soin rechargeables et rapides en opposition à des consommables que l’on peut farmer mais plus lents... c’est tout un ensemble de variations d’un épisode à un autre qui sont repris et assimilés différemment donc ça n’en fait pas une copie carbone à mon sens mais un savant mélange que j’apprécie grandement.
Le jeu est ultra complet et offre une très belle durée de vie en plus d’un excellent potentiel de rejouabilité entre ses secrets (incluant des zones entières et boss) et ses différentes façons de jouer. En effet, l’arbre de compétences est très exhaustif et implique de se concentrer plutôt sur telle ou telle branche selon son build. Trop se disperser rendra assez faible, trop se spécialiser ne rendra pas assez polyvalent, un juste milieu doit être trouvé et c’est en toute liberté que nous sommes invités à le faire.
Il y a bien quelques petits soucis bien entendu : l’IA qui peut avoir de grosses lacunes par moment, le manque d’options de tri et de comparaison de statistiques dans l’inventaire peut un petit peu agacer, les chutes mortelles à partir d’un certain seuil même une fois toutes les compétences débloquées rendent certaines phases de plate-forme assez frustrantes, les chandelles annonçant les boss qui ne s’éteignent pas une fois qu’ils sont vaincus peuvent induire en erreur... mais ce ne sont que des soucis sans grande importance pour un gameplay de très grande qualité qui a su s’inspirer pertinemment de ses modèles.
SCENARIO / NARRATION : 6 / 10
Là encore, les inspirations envers la saga Souls sont grandes puisque la narration est en retrait en dehors de l’intro, de la fin et de quelques PNJ avec qui discuter entre les deux et même là ce n’est pas très clair. Un parti pris qui demande à captiver l’intérêt pour motiver des questionnements et offrir une certaine relecture à l’aventure au fil des cycles de jeu en comprenant la signification de certains passages énigmatiques... Malheureusement Salt & Sanctuary ne va pas jusque là j’ai l’impression en ayant un scénario assez simple qui sert plus de prétexte au jeu qu’autre chose.
Ce que j’en ai compris c’est qu’il est surtout une métaphore du principe même d’avoir une quête pour justifier une aventure même si c’est illusoire (on ne trouve jamais la princesse, tout au plus ses fringues qui semblent indiqués qu’elle est morte) et de la fin qui propose de quitter le jeu ou de s’y replonger, de la même manière que l’on peut quitter l’île ou finir par la dominer. Ce sens métaphorique est assez intéressant mais on a vu plus riche, plus surprenant et plus émouvant avec ce genre de narration.
En dehors de ça, plusieurs défauts sont à noter. Un écueil assez stupide clairement repris de Dark Souls 2 est d’imposer d’épuiser toutes les lignes de dialogue d’un PNJ pour que la conversation devienne intéressante, voire qu’un objet clef soit finalement donné. Pourquoi ne pas simplement faire un dialogue qui une fois déclenché va à son terme ? Pourquoi devoir relancer le dialogue manuellement plusieurs fois ? C’est jamais assez bavard pour justifier ces petits temps morts dans la conversation et on peut passer à côté d’éléments importants du scénario si on n’y pense pas, je trouve ce choix maladroit.
La première traduction française est l’une des plus calamiteuses que j’ai jamais vu, à moitié réalisé, souvent incompréhensible, passant du langage soutenu au familier sans aucune raison, plaçant des mots dans le désordre et sans accords... heureusement celle qu’ils ont officiellement apportée par la suite est de très bonne qualité mais sans déconner imposer cette VF (sinon passer toute la console en anglais) même de façon temporaire c’était une erreur assez grossière, à la limite de l’incompréhensible.
Le fait que le scénario soit en retrait et qu’il développe à mon sens une mise en abîme du jeu est plutôt sympathique et réussi mais il y a un peu trop de soucis en parallèle pour pleinement en profiter et c’est vraiment dommage car il aurait été facile d’esquiver la plupart d’entre eux. On aurait eu un scénario simple certes, même si des acharnés trouvent moyen d’écrire des dizaines de pages d’explications de l’univers à partir des informations laissées par le jeu, mais de qualité, en adéquation avec le genre de jeu auquel Salt se rapporte... et puis cette traduction française sans déconner !
CONCLUSION : 7 / 10
Si l’on doit juger Salt à sa capacité à s’inspirer des Souls et Castlevania qu’il prend pour modèles afin de devenir un Métroidvania 2D de grande qualité ludique et d’une belle générosité, Salt & Sanctuary est un petit chef d’œuvre incontournable. Malheureusement, ses modestes moyens et ses quelques mauvais choix le limitent grandement si l’on regarde par delà ses mécaniques et son contenu et c’est vraiment dommage car on n’aurait pu tenir là une bombe pour la Playstation 4 en face d’Ori & The Blind Forest chez Microsoft sorti un an plus tôt et également un Métroidvania 2D.