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Peu connu en nos contrées, Tricore est un studio japonais qui a déjà œuvré sur plusieurs titres destinés à l’arcade ou au mobile dont vous pouvez retrouver la liste complète sur leur site. Mais le premier titre a se faire connaître hors des frontières du Japon n’est autre que Yuoni : Rises, un jeu d’horreur en VR. Coincé dans une salle de classe, on suit les péripéties d’élèves qui font face à des créatures peu engageantes. Yuoni est la suite de cet épisode mais peut être joué indépendamment de ce dernier (ce qui est mon cas). Sachez simplement qu’un personnage fera référence aux évènements passé et ainsi à l’épisode VR.
Cache-cache avec Tsun
Yuoni se présente comme un jeu d’horreur, lui aussi, mais où le joueur peut librement se déplacer au sein de cet univers. Ai et ses amis entrent dans un hôpital désaffecté autour duquel circulent nombre de ragots et légendes. Parmi elles, la plus connue demeure celle de Tsun : l’esprit d’un enfant qui a attendu vainement que ses amis lui rendent visite. Le groupe d’enfants tente d’invoquer Tsun en procédant à un rituel : seule Ai aura la préférence du fantôme. Or, comme dans la légende, Tsun propose de jouer à Yuoni à son amie (victime ?).
Le jeu du Yuoni va rythmer les cinq chapitres qui décomposent le jeu. Le principe est simple : Ai doit trouver une poupée et la brûler. Si le concept est aisé sur le papier, il va en être tout autre en pratique. Ai se retrouve projetée dans un labyrinthe qui mélange quotidien et inconnu. Ainsi elle va errer aussi bien dans les couloirs de l’hôpital que dans ceux de son école ou encore d’une demeure traditionnelle. Ces lieux s’imbriquent pour mieux perdre Ai.
En plus de cela, la petite fille n’est pas seule. Bien entendu Tsun rôde, menant un sordide jeu de cache-cache. Sa voix fluette résonne dès qu’il est proche. Si l’enfant ne possède plus d’yeux, son ouïe est exceptionnelle. Au moindre bruit, il saura trouver Ai. Si Tsun en lui-même ne cause aucun dégât à l’enfant, son rire alerte des créatures bien moins accommodantes. Ces êtres sont rapides et surtout voient Ai contrairement aux autres ombres peuplant l’endroit. Elles traqueront la petite fille sans relâche et la tueront sans sommation.
Afin d’éviter une mort brutale, Ai doit s’accroupir pour avancer et même, parfois, passer sous certains obstacles. Mais, surtout, elle devra retenir sa respiration afin de ne plus émettre le moindre bruit qui pourrait être perçu par Tsun ou les ombres. Pour cela, le joueur doit rester appuyé sur R2 tout en conservant un œil sur la jauge de souffle d’Ai. Si la jeune fille manque d’air, elle prendra une grande inspiration ce qui alertera automatiquement les ennemis proches. De même reprendre son souffle plus rapidement à l’aide de carré causera le même souci. C’est une véritable partie de cache-cache que doivent mener Ai et le joueur pour gagner à Yuoni.
En plus de son souffle, Ai possède aussi une jauge d’endurance. N’étant pourvue d’aucune arme, la jeune fille ne peut que courir pour échapper à ses poursuivants. Des casiers aident à se dissimuler des créatures le temps qu’elles dégagent la voie, enfin apaisées de ne plus voir leur cible. Mais l’endurance vous servira surtout lors de la dernière phase de chaque chapitre. Après avoir trouvé la poupée, une gigantesque créature poursuit Ai. Vous devez revenir au point de départ de votre parcours et cette fois au pas de course, sans quoi c’est la mort assurée !
Seule, éclairée par le crépuscule
Yuoni introduit les commandes au joueur avec le premier rituel mené par le groupe d’amis d’Ai, sans compter les notifications délivrées à chaque rencontre avec un des esprits. Si le début est un peu hasardeux, le temps de bien distinguer les faiblesses des créatures (celles qui sont aveugles et celles qui sont sourdes) on prend rapidement le coup de main. Le tout est de ne pas verser dans l’impatience puisque Yuoni peut s’apparenter à n’importe quel jeu de cache cache. Comme l’explique la légende autour de Tsun, le but du jeu est de ne pas se faire voir.
Le gameplay est volontairement minimaliste, ce qui s’accorde avec l’esthétique de Yuoni. L’opus ne brille pas par ses graphismes, rappelant combien il est un jeu indépendant avec les défauts souvent inhérents aux productions à petit budget. Ainsi le jeu manque de finition dans les détails comme dans la maison traditionnelle où les textures semblent « baver » à certains endroits. Néanmoins il se dégage une ambiance qui ne laisse pas indifférent. Là où nombre de jeux d’horreurs se déroulent en pleine nuit, terreau propre aux affabulations de l’esprit, Yuoni choisit les lueurs du crépuscule. Le jeu baigne ainsi continuellement sous un éclairage rougeâtre qui confère aux lieux une ambiance particulière comme si Ai évoluait dans un monde à part ou sous la lueur rouge qu’on accole à la fin du monde.
Yuoni se déroulant en vue à la première personne, on ne voit d’Ai que ses mains lorsqu’elle les appose sur sa bouche pour calmer son souffle. Tsun se présente sous la forme d’un esprit sans yeux à l’aura carmine. Les ombres portent fort bien leurs noms : des silhouettes qui, si on s’en approche, émettent des bruits de conversation confus comme perçus à travers une télévision mal réglée. Quant aux créatures pouvant tuer Ai, elles ressemblent à de gigantesques silhouettes aux bras beaucoup trop longs.
Loin de me provoquer des cris de terreur, Yuoni a su me prendre par surprise en jouant sur mes anticipations et par des idées de mises en scène. Comment ne pas sursauter lorsque, voulant ramasser une clé, une main spectrale s’en saisit à ma place ?
Le sound-design est finement exécuté au sein de Yuoni. Excluant toute musique, le jeu se concentre sur les bruits émis par les créatures et Ai. Lorsque la jeune fille a le malheur de marcher sur un éclat de verre, le son résonne dans toute la pièce, donnant l’impression qu’un objet en verre vient de se briser. Quand ce n’est pas Tsun qui murmure de l’autre côté de la porte ou les crépitements étouffés des ombres qui résonnent, ce sont les cigales qui chantonnent pour accompagner le crépuscule. Le moindre son est amplifié afin de mieux tenir le joueur aux aguets et s’amuser avec ses nerfs. Si Yuoni évite les jumps-scares (hormis dans la partie alternative où une créature est ajoutée), il aime effectuer des mises en scène à l’aide des poupées. Le chapitre 4 est un excellent exemple à ce sujet.
Enfants plongés dans la tourmente
Entre chaque chapitre, l’histoire nous est narrée à travers des passages textuels derrière lesquels sont affichés des artworks présentant soit le lieu où se déroule l’évènement, soit une scène clé. Yuoni profitant d’une traduction française, on peut ainsi suivre aisément le récit qui compte pas moins de quatre fins. Celles-ci dépendent d’un choix final ô combien important.
Si Yuoni se termine en 5-6 heures, il vous faudra quelques heures de plus pour réaliser une partie en version alternative. Celle-ci apporte de plus amples informations sur les différents protagonistes. Si Ai demeure le personnage principal, chacun de ses amis possède une place dans l’intrigue puisque chacun des chapitres leur est dédié. La version alternative demande de trouver cinq documents d’archives afin que la poupée apparaisse, ce qui amène plus d’éléments au lore général tout en proposant une nouvelle tournure des évènements.
Comme l’indique le jeu dès son lancement, Yuoni brasse plusieurs thématiques qui peuvent heurter certaines sensibilités tels que la violence parentale sur leurs enfants (que ce soit physique ou par négligence), le harcèlement scolaire, le deuil ou encore les questions de genre. Ce dernier thème est surtout porté par Jun. De par sa nature d’androgyne, ses sœurs le traitent comme une poupée sur laquelle elles apposent leurs caprices, poussant Jun à vouloir tout faire pour être considéré comme un homme, quitte à verser dans les clichés de mâle viril. Il est brièvement fait mention de la sœur aînée de Yukina, Nami, qui a fuit la demeure parentale après avoir annoncé sa transidentité.
Si les archives de la partie alternative apportent plus de précisions, le jeu est aussi émaillé de quelques brefs passages où des scènes se déroulent sous les yeux d’Ai. Ils sont annoncés par de grands flashs blancs où l’on peut voir des silhouettes. Sauf que ces scènes peuvent apparaître alors qu’on est en train de fuir une créature et, du coup, on n’a pas une bonne visibilité. Plusieurs fois je me suis juste retrouvée entourée d’un halo blanc. Heureusement le sous-titrage permet d’avoir une idée de la scène.
Quelques bugs sont venus émailler mon avancée. Heureusement rien de très dommageable puisque le jeu sauvegarde régulièrement, ce qui aide aussi lorsqu’on a tendance à mourir souvent en cherchant notre chemin. Ainsi je me suis parfois retrouvée figée dans une porte en cherchant à la refermer au lieu de l’ouvrir complètement. Ou encore, après un game over, en tentant de reprendre ma partie, le chargement s’est bloqué m’obligeant à relancer entièrement le jeu. Heureusement les sauvegardes automatiques régulières évitent de perdre une grande partie de son avancée.
Yuoni propose deux difficultés : Normal et Difficile. Personnellement j’ai mené mes deux parties sur la première difficulté afin de m’imprégner avant tout du récit et de l’ambiance du titre. Si les mécaniques et la composante même du jeu reste classique (se cacher de créatures plus fortes que vous) la direction artistique donne à Yuoni un cachet qui le distingue des autres. Sans compter que le parcours de chaque personnage, dont surtout d’Ai, a de quoi donner des sueurs froides. Je vous conseille fortement de visualiser les quatre fins qui permettent de saisir toute la portée des actions de Ai. La version alternative permet de visualiser les autres personnages différemment. Et si vous chassez le platine, c’est la condition nécessaire à mener à bien pour le décrocher.
Si Yuoni ne laissera pas une trace pérenne dans l’esprit des joueurs, le jeu a la volonté de proposer sa propre expérience dans le domaine du jeu d’horreur. Misant sur une ambiance crépusculaire et les tourments infantiles, Tricore révèle de bonnes idées de mises en scène et de questionnements sur ses thématiques. Qui sait, le studio pourrait bien surprendre dans le futur avec un nouveau titre.