En dessous de ce titre, volontairement provocateur et un tantinet raciste se cache ma première critique. J'ai choisi Analogue: A Hate Story, un Visual Novel d'une étrange cosplayeuse aux cheveux roses appelée Christine Love.
Je ne peux pas parler de ce jeu sans vous spoiler, alors je mets des petites balises, retenez à laquelle vous devez vous arrêter. Je précise à l'avance que tout le jeu est en Anglais, les allergiques à la langue de Kim Kardashian ne comprendront probablement rien au jeu.
[INFRAROUGE]: A ne lire que si vous n'avez jamais joué à un Visual Novel.
[ROUGE]: Si vous n'avez pas joué au jeu.
[VERT]: Si vous ne pensez pas jouer au jeu.
[ULTRAVIOLET]: Si vous avez déjà fini le jeu.
[INFRAROUGE] Commençons d'abord, par expliquer ce qu'est un Visual Novel et la relation d'Amour/Haine qui m'unit à eux. Un Visual Novel n'est pas vraiment un jeu-vidéo au sens classique. (Je ne m'aventurerais pas à définir le Jeu Vidéo, l'exercice étant à la fois castrateur (pour le média) et migrainogène (pour moi).
Un Visual Novel est un jeu principalement basé sur le texte, où le joueur lit l'action comme un livre, tandis que des personnages en 2D miment les actions façon: Théâtre de Guignols à grands renforts d'effets sonores et de musiques. (Généralement, niveau: Pub Carrefour et Ascenseur pour dépressifs, respectivement.)
Les Visual Novels sont également un de mes types de jeu préférés, pour une raison simple: Leur pauvreté technique et la quasi-absence de Gameplay permet une énorme prévalence narrativiste. En d'autres termes: L'Histoire est au centre du jeu, ce qui en fait le genre le plus proche de la véritable Histoire Interactive, telle que j'en rêvais quand j'étais gosse.
On fera abstraction des kinetic novels, (Visual Novel sans embranchements, rien à avoir avec la gymnastique.)
Muscler le poignet est déjà un avantage dans la plupart des Visual Novels classiques, je ne vois pas en quoi détruire l'interaction apporterait au genre.
En tout état de cause, Analogue n'est peut être pas le meilleur exemple de Visual Novel pour débutants dans le genre et je vous redirigerais plus volontiers vers la série des Phoenix Wright: Ace Attorney, qui sont la meilleure introduction que je connaisse pour se lancer. [/INFRAROUGE]
Analogue: A Hate Story se passe dans l'avenir lointain, dans plusieurs milliers d'années, mais de ce futur vous ne verrez rien, car vous êtes un investigateur, un historien, un archéologue ou plutôt un ferrailleur d'informations qui écume la Galaxie en solitaire pour trouver des données intéressantes et vous avez touché le Jackpot: Le premier vaisseau colonie, lancé par l'Humanité au 25ème siècle afin d'établir la première colonie humaine: Le Mugunghwa!
Derrière ce nom qui s'est mangé le mur civilisationnel dans les gencives, se cache un énorme vaisseau conçu pour parcourir l'espace pendant des centaines d'années, transportant plusieurs générations avec lui. (Un peu comme les camps de travail en Corée du Nord, comme quoi rien n'est dû au hasard.) Et vous devrez prendre contact avec l'IA du Vaisseau: *Mute afin de découvrir autant de choses que possibles sur les évènements ayant interrompu son voyage.
Pour ne pas vous spoiler, je dois arrêter ici ma section rouge alors voici un petit avis critique pour vous motiver, ou pas, à claquer la bagatelle de 10 euros (19 avec l'extension) pour le jeu.
Analogue: A Hate Story est merveilleusement bien écrit, le jeu a été pensé entièrement pour manipuler vos émotions en jouant, le tout avec suffisamment d'élégance pour que ce ne soit flagrant que lorsque vous êtes déjà piégé. L'histoire est intelligente, le fait que vous jouiez un personnage qui utilise un ordinateur abolit le quatrième mur et permet une implication progressive (Le jeu commence sur des lignes de codes et des IA) dans l'histoire. Je déteste noter un jeu, car on ne peut pas noter objectivement une oeuvre qui repose tant sur la subjectivité alors faites votre propre note:
On démarre à 5 et:
(+1) si vous avez des bases d'informatique (ou avez gardé des petits souvenirs de MS-DOS)
(+1) si vous êtes une femme
(-/+ 2) si vous êtes féministe (c'est tout l'un ou tout l'autre)
(+1) si vous aimez le Cosplay
(-5) si vous ne parlez pas Anglais
(-5) si vous n'aimez pas les Visual Novels
Au revoir, les gens, et bon jeu!
[/ROUGE]
Si vous n'êtes pas convaincu, (et que vous parlez Anglais et avez joué à Phoenix Wright), laissez-moi évoquer plus amont les thématiques du jeu et commencer à spoiler gentiment:
Le Jeu vous mettra en contact avec l'IA du vaisseau qui se trouve être un personnage fouillé, à la personnalité propre et qui se trouve être extrêmement attachant, d'autant que sa longue solitude (plusieurs siècles) nous la rend sympathique. (Outre un petit côté: Syndrome de Stockholm temporel qui fait ravira les pervers tels que moi). La relation que vous établirez avec *Hyun-ae (C'est son petit nom.) déterminera la nature de l'histoire que vous vivrez. C'est le dada de Christine Love, les relations Humains-Intelligence Artificielles et même si elle n'est pas très douée pour écrire de bonnes romances (ce qui est un comble vu son nom), elle est cependant passé maître dans l'art de donner une personnalité à un personnage. Si vous êtes un tant soit peu sensible et êtes capable d'imaginer un personnage virtuel comme étant conscient (bien qu'il ne le soit manifestement pas), vous pourriez vivre une des expériences les plus enrichissantes de votre vie de gamer. [VERT]
Pour ceux qui ont joué au jeu, on arrive enfin dans le cœur magmatique de la bête. Le talent de Christine Love pour l'écriture est incontestable, le secret de Hyun-ae, la réaction de *Mute, l'impression d'être un anthropologue qui visite une culture primitive et qui essaie de comprendre comment une telle décadence est possible.
La lecture des logs, rend la progression assez artificielle mais la cohérence de l'ensemble est magique est rend le tout à la fois: Crédible et Touchant, j'en reviens à mon titre, je ne hais pas la Corée. (Enfin, à part la K-Pop...). Mais jamais, un jeu ne m'avait fait ressentir autant de haine, je n'ai jamais autant sympathisé avec un personnage que la pauvre Hyun-ae et les choix proposés, tant dans les dialogues que dans l'action sont porteurs d'une myriade de conséquences.
Il n'y a qu'un aspect du jeu qui fait tâche dans cet ensemble: C'est le propos sur la place de la femme dans la société que je trouve un peu ambigu, limite schizophrène:
- D'un côté, Hyun-ae rêve d'indépendance, d'une vie à elle, de la liberté auquel chacun aspire et c'est sa détermination à ne pas abandonner son rêve qui va être la cause de toute l'histoire.
- De l'autre, elle tombe instantanément amoureuse du joueur (comme *Mute d'ailleurs) et passe son temps à essayer de nous aider, de nous épouser et à mettre des tenues de Maids qui tranchent avec le propos résolument émancipateur de l’œuvre.
Ce ne serait pas un problème, si cette thématique n'était pas la pierre angulaire du jeu.
Dernière remarque: Si, en jouant à ce jeu, vous avez pensé: "Ben, c'est leur culture, c'est le choc entre la culture de Hyun-ae et celle du Mugunghwa qui est en cause, c'est pas une histoire de haine, c'est une histoire de normes."
Dans ce cas-là, vous êtes un ignoble être humain, et j'espère ne jamais croiser votre route, je pourrais vous trancher la langue.
Maintenant, je vous laisse, je dois faire un gâteau au chocolat.
안녕히 계세요