Du Batman, j'en ai bouffé à toutes les sauces, et chaque fois ce fut une belle claque. J'ai commencé avec la série animée des années 90, sombre, prenante, profonde, le genre de trucs qui ne prend pas les enfants pour des abrutis comme beaucoup de dessins-animés actuels. Plus tard, il y a eu les films. Entre la vision de Burton et celle de Nolan, il y avait forcément de quoi me satisfaire. Je me suis alors lancé dans les comics, histoire de retrouver la source. Des oeuvres virtuoses comme "The Dark Knight Returns" et "The Long Halloween" m'ont fait me rendre compte à quel point pouvaient être ridicules ceux qui prétendent qu'"après le franco-belge, y'a plus rien". Mais oui, mais oui...

Restait le jeu vidéo. Restait à incarner le Batman ! Oui, je voulais enfiler des collants propres à sculpter mon corps d'athlète durement formé durant mon épopée autour du monde. Oui, je voulais adopter un masque terrifiant qui fronce tout le temps les sourcils et qui met en valeur ma superbe mâchoire carrée. Oui, je voulais une cape trop grande pour moi qui vole autour de mon impressionnante silhouette, même en intérieur, telles les ailes d'un Ange expiateur.

Arkham Asylum a exaucé ce rêve enfantin ma foi bien innocent.

Le jeu commence très fort en me propulsant directement dans l'asile tristement célèbre de Gotham. Las des évasions à répétition, le nouveau directeur a dépensé sans compter en équipement carcéral de haute technologie. Les premières minutes aux commandes de Batou sont impressionnantes, même si on ne fait rien, puisqu'elles me permettent de contempler le décor de ma très prochaine aventure, mélange totalement réussi entre modernité presque science-fictionnelle et splendeur gothique insolente. Les arches sculptées dans la souffrance et les statues démesurées des siècles passés s'allient aux cellules de confinement et autres gigantesques portes de sécurité dernier cri pour offrir l'architecture délétère digne des tourments de l'homme chauve-souris. C'est grand, c'est beau, c'est torturé et ça en jette. La direction artistique est simplement ébouriffante, au point que je me sente déjà à l'aise dans mon rôle au bout de cinq minutes. L'immersion chez les psychopathes est donc immédiate, surtout qu'il n'auront de cesse de me rappeler durant toute l'aventure que ma véritable place est là, auprès d'eux, au royaume de la folie et de la souffrance. Bizarrement, j'aurais plutôt tendance à les croire...

C'est en cela que l'argument scénaristique du jeu tient la route: il permet d'expérimenter l'un des thèmes les plus intéressants de l'univers du Chevalier Noir: sa ressemblance pathologique avec les malades mentaux qu'il ne cesse de traquer. Le Joker, maitre de cérémonie de cet épisode, ne cesse de le rabâcher: est-ce qu'un type qui se déguise en chauve-souris peut être considéré comme normal ? Plusieurs passages du jeu se transforment en expérience hallucinatoire, grâce au gaz de l'Epouvantail, et tentent de répondre à cette épineuse question en approfondissant les peurs les plus enfouies de Bruce Wayne. Tout simplement géniales, ces idées de mise en scène délirantes sont cependant malheureusement trop rares. Ne nous le cachons pas: le scénario, pourtant signé Paul Dini, le responsable des histoires de la merveilleuse série animée des années 90, ne va pas au bout de ses ambitions. Finalement, Arkham Asylum se borne à n'être qu'un jeu vidéo de divertissement - mais quel divertissement ! Atteignant un bon équilibre entre action, infiltration et exploration, le titre de Rocksteady mise sur la richesse de l'expérience et de l'univers auquel il rend un brillant hommage.

L'immersion aura été totale. J'ai fait corps avec ce héros hypnotique et sa fascinante parade d'adversaires mabouls. J'ai pu traquer les hommes de main du Joker, à travers des séquences d'infiltrations jouissives où le but est d'éliminer ses opposants un par un, vicieusement, en s'accrochant à l'envers sur une gargouille, en posant des pièges explosifs, en se cachant dans des recoins sombres... D'autres passages demandaient au contraire de castagner à tout-va. Et je peux vous dire que j'ai adoré ce système de combat: fluide, il est à la fois facile et délicat à manier. Je m'explique: on peut très bien se contenter de se battre de façon basique. Batman entame alors sa danse martiale avec une pléiade de très bonnes animations qui ne demandent qu'une pression du stick vers le vilain que l'on veut assommer, l'utilisation d'une touche d'attaque et une autre de défense. Simplissime non ? Et ce n'est pas sans rappeler l'excellent système de combat de Prince of Persia (le premier sur PS2 du moins). Mais il y a un autre niveau aux échauffourées, bien plus classe, qui vous demande d'enchainer les combos à la perfection. Le rythme frôle alors la frénésie, l'attention aux schémas d'attaque de vos adversaires devient vitale et l'agilité et la puissance du Chevalier Noir confinent à l'orgasme ! Réaliser des combats "sans faute" deviendra rapidement un défi à la hauteur des joueurs plus exigeants.

La partie exploration, enfin, sera assurée pour tous ceux qui se prêteront aux énigmes de l'homme-mystère. Présentes par centaines, il s'agit de petits exercices d'observation, plutôt que de réels casse-tête, qui sont véritablement amusants à dénicher à contrario des habituelles sous-quêtes du genre "dégomme 2000 pigeons dans les rues de la ville" ou "Va cueillir 764 herbes médicinales stupidement réparties dans les recoins de la carte où personne n'aurait envie d'aller en temps normal". D'ailleurs, le fait que j'aie réussi à résoudre toutes les "énigmes" est un signe qui ne trompe pas puisque ça fait des années que je n'avais pas pris le temps de finir un jeu à 100%. Ici, il y a un véritable intérêt: la quête des entretiens psychiatriques qui approfondissent la personnalité des ennemis, le mystère d'un fantôme qui semble hanter l'asile, les biographies de différents personnages parfois méconnus et, plus simplement, un plaisir de la découverte qui sait s'arrêter juste avant d'être redondant. Comptez 5 heures de jeu optionnelles en plus des 15 de base et vous obtenez une durée de vie (à mon avis) idéale pour ce type de soft.

Passé la déception du scénario inabouti et du grand finale tout simplement bâclé (c'est quoi ces dernières minutes de jeu ? Les développeurs avaient un rencard ?) il faut avouer que les combats de boss deviennent vite très emmerdants parce que tous plus ou moins identiques (il n'avaient qu'un type d'ennemi à proposer ?) et que le gameplay peine à se renouveler dans le dernier tiers de jeu, au point de montrer enfin ses limites. Le plaisir d'un jeu à la foi fun et très narratif (il y a toujours quelqu'un à écouter et des petits détails sympa à découvrir) reste cependant incomparable. J'ai avalé les heures sans m'en rendre compte, juste pour le plaisir d'utiliser le grappin et celui de planer dans la nuit cauchemardesque d'Arkham. Les joueurs seront déjà satisfaits. Les fans, eux, seront carrément aux nues.
Amrit
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le 11 sept. 2012

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le 11 sept. 2012

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Amrit

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