Décevant
Pas de traduction française sans bidouiller son jeu et sans la participation de la communauté nationale, c'est une honte stratosphérique. Même si le jeu reprend à la lettre l'atmosphère du premier...
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le 1 avr. 2022
Publié en 2016, le premier Beholder avait eu droit à son petit succès, le jeu nous faisant incarner un locateur chargé d'espionner les habitants de l'immeuble dont il avait la charge. Bien que le titre avait ses défauts, faisait un peu « jeu cassé » par moment, reste qu'il avait une patte, qu'il avait développé son propre univers, que son gameplay était original… bref, c'était un très bon jeu (je ne peux que vous renvoyer vers la critique que j'ai écrite il y a plus de quatre ans).
Cette suite, toujours développé par les sibériens de chez Warm Lamp Games (un studio fondé en 2015 et qui n'a bossé que sur Beholder), est pourtant passée un peu inaperçue. En tous cas, j'ai l'impression qu'on est nombreux à ne pas en avoir entendu parler. Si je prends l'exemple des notes SensCritique, à l'heure où j'écris ces lignes, on passe de 356 notes pour le premier à 35 pour le deuxième, alors que cette suite n'est sortie qu'à peine deux ans après (et je ne parle pas du troisième épisode et de ses 6 notes qui se battent en duel). Plus surprenant, il suffit de voir quelques images de ce Beholder 2 pour se rendre compte que les développeurs ont pris leurs distances avec le premier épisode : on est face à un style en 2,5D ; ce n'est plus le même gameplay, plus le même rythme de jeu ; l'objectif n'est plus de surveiller des locataires, mais de grimper dans la hiérarchie en se « débarrassant » de nos collègues de bureau, le titre prenant place au sein de l'administration… on pourrait presque croire que ce Beholder 2 est un spin of tant il s'éloigne de son prédécesseur.
On retrouve néanmoins la patte des développeurs. Si le premier épisode nous permettait déjà de nous comporter comme le dernier des connards, c'est encore pire avec cette suite, c'est même un festival : on peut conduire nos collègues à se faire exécuter sur la place publique, les pousser au suicide, leur donner des drogues jusqu'à ce qu'ils atteignent l'overdose, on peut même en pousser un à commettre un attentat. Le psychopathe que je suis a pris un très grand plaisir devant ce jeu ! Mais rassurez-vous, si vous êtes quelqu'un de plus « gentillet », vous pourrez toujours vous la jouer collègue sympa et ne pas être obligé d'éliminer tout le monde.
Niveau gameplay, le titre est bourré de bonnes idées. Si la montée en grade, dans la hiérarchie, n'est pas sans rappeler l'évolution classique que l'on retrouve dans n'importe quel jeu vidéo, la manière de progresser diffère. Comme je l'ai dit plus haut, il faut se débarrasser de nos collègues, plus ou moins sournoisement. L'autre truc que je n'ai pas dit par contre, c'est qu'à chaque étage du bâtiment se trouve un administrateur, un psychopathe (il y en a un qui possède carrément une salle faisant des kilomètres carrés juste pour pouvoir torturer des gens) dont il faudra aussi se débarrasser… ou faire ami-ami avec afin de pouvoir accéder à l'étage suivant.
La montée en grade, elle, se fait grâce à des points d'autorités : 10.000 points nous étant octroyés après nous êtes débarrassés de nos collègues, 10.000 autres points pour dénonciation d'un administrateur après avoir récolté des informations sur lui. Le passage d'un étage à l'autre se faisant grâce à 15.000 points, le calcul est vite fait. Ces mêmes points d'autorités font d'ailleurs partie de l'une des nombreuses bonnes idées du jeu : officiant comme une sorte de seconde monnaie, nous permettant de marchander en faisant pression ou de nous dédouaner de certaines de nos actions. La seule différence étant que les points d'autorité sont réinitialisés à chaque montée dans la hiérarchie, contrairement à la monnaie classique que l'on conserve d'un niveau à l'autre.
Autre bonne idée : le jeu se montre très libre avec le joueur. On peut très bien jouer à notre façon, découvrir par nous-même les failles qui permettront d'avancer. Ceci dit, même s'il y a volonté de laisser le plus de marge de manœuvre pour ceux qui le souhaitent, il y a aussi une volonté de perdre le moins de monde possible : si on est perdu, on peut toujours se contenter de suivre le journal de quête.
Autre mécanique importante, nos journées étant limitées dans le temps (limiter à 9 heures plus précisément) et le jeu nous obligeant à payer des factures régulièrement, on devra régulièrement participer à une sorte de mini-jeu en rapport avec l'étage dans lequel on se trouve : envoyer les PNJ vers le bureau qui correspond à leurs besoins, marquer un dossier avec les bons tampons, optimiser la création de clones… Le premier épisode faisait déjà penser à Papers, Please, c'est encore plus le cas avec les mini-jeux présents dans cette suite.
Malheureusement, les bonnes idées ne font pas tout, et comme je le disais en introduction de cette critique, déjà que le premier épisode faisait un peu « jeu cassé »… et bien, figurez-vous que c'est encore pire avec cette suite. Le jeu est bourré de bonnes idées comme on l'a vu, mais gère tout ça un peu mal. Bon déjà, le coup de pouvoir devenir pote avec quelqu'un juste parce qu'on regarde les mêmes émissions que lui, c'est un peu con, inutile d'expliquer pourquoi. Aussi, nous ne rencontrerons à aucun moment le moindre problème avec la gestion de nos finances : encore une fois, le jeu a été conçu pour perdre le moins de monde possible… le truc c'est qu'en faisant ça, les développeurs écartent d'un revers de la main les joueurs plus haut niveau. Autre choix allant dans ce sens, l'inclusion d'une sauvegarde et d'un chargement rapide fait que l'on n'est jamais vraiment puni pour ce qu'on fait : au pire, on perd une minute ou deux. Toujours dans ce sens, le fait d'être libre dans notre manière de nous débarrasser de nos collègues fait que l'on peut très bien se contenter de bêtement planquer des objets illégaux dans leurs affaires et d'avertir les autorités, le tout en boucle, d'un étage à l'autre. Le truc sympa dans l'histoire, c'est qu'on n'est pas obligé de faire le jeu une dizaine de fois afin de pouvoir visualiser l'intégralité des embranchements (deux fois suffiront)… reste que cela fait qu'on roule sur l'intégralité du jeu (qui, bien évidemment, ne propose qu'un mode de difficulté unique).
L'autre problème, c'est que le jeu perd en intérêt au fil des heures. Chaque étage se voit rabougri face au précédent et notre intérêt aussi. Plus les heures défilent, plus les ficelles du titre deviennent grosses. Mais le pire, je crois que ce sont les mini-jeux liés à chaque étage : tous répétitifs, au point ç'en devient très vite une corvée… certes, on pourrait arguer que c'est un peu le but du truc, le jeu prenant place dans des bureaux au sein d'un univers dystopique, c'est logique que ces « mini-jeux de bureaux » soient chiants. Ceci dit, les développeurs auraient très bien pu inclure des sous-quêtes liées à ces mêmes mini-jeux, comme des citoyens tentant de nous corrompre, des dialogues spécifiques ou des personnages uniques qui reviennent régulièrement. Je faisais la comparaison avec Papers, Please plus haut, et clairement, un monde sépare Beholder 2 de son modèle à ce niveau-là.
Bref, il y a de l'idée dans le gameplay, des très bonnes idées même, mais le tout aurait pu être mieux exécuté.
Au niveau de l'univers, du scénario, Beholder 2 assure une certaine continuité avec son prédécesseur en nous faisant retrouver LE Carl Stein du premier épisode à un moment donné. Au niveau de la critique, par contre, on a affaire à quelque chose de plus satirique que le premier… voire parodique. Le jeu m'a un peu fait penser à Idiocracy tant il va constamment dans l'exagération : les citoyens peuvent passer des journées entière dans des files d'attente, l'État est tellement corrompu que tout le monde use de la corruption pour avancer, les règles de l'administration changent chaque jour sans qu'il n'y ait la moindre logique derrière, les administrateurs ont tous des délires hallucinants comme organisés des orgies dans les bureaux (avec des morts à la clé), créer des salles de tortures géantes ou encore remplacer les employés par des clones. Le truc, c'est que, ok, on perd en subtilité, mais le jeu critique quoi au fond ? J'entends bien qu'il y a une critique de la surveillance de masse, de l'aliénation par le travail et de la bureaucratie derrière, mais il y a exagération là, au point où la critique n'a plus grand rapport avec la réalité, où le jeu ne critique plus grand-chose. Faut accrocher au délire quoi… et ne pas être trop fan de l'écart que tout cela prend avec le premier épisode (même s'il n'était pas non plus très subtil, il se prenait bien plus au sérieux), surtout que ce délire se révèle jusqu'au-boutiste… la fin en étant l'exemple le plus frappant.
Justement, la fin. On a droit à tout : le méchant bute notre allié du début frame 1, il nous révèle bien gentiment ses plans, le Sage Leader n'est qu'un vieillard mourant qui ne demande qu'à être achevé, notre daron avait tout prévu, il y a plusieurs fins… ça ne fait pas dans la finesse là non plus, mais encore une fois, ça ne dénote pas avec le reste. Puis, bon, voilà ce twist final complètement perché : notre daron est le cocréateur d'une machine capable de manipuler l'intégralité de la population à distance. Encore une fois, s'il fallait prouver que les développeurs ne se prenaient pas au sérieux, vous avez un nouvel exemple ici.
Là où je me montrerai davantage critique, par contre, c'est au niveau du choix final à faire… alors, on a le choix, ouai ! 9 fins !… 9 fins qui, à l'image du reste du jeu, partent dans les excès. Et encore, je ne parle pas des fins qui surviennent comme des game over (il y en a quelques-unes bien sympas à débloquer). Le truc qui m'embête, premièrement, c'est qu'on choisit notre fin, secondement, que les actions effectuées durant l'aventure n'ont pratiquement aucun impact sur les choix disponibles… bon en fait si, il y a bien deux trucs qui jouent : le fait d'avoir laissé en vie les administrateurs ou non (chacun a droit à sa propre fin), et le nombre de coffres laissés par notre père que nous avons ramassé. Oui, parce que notre père a planqué des coffres-forts biométriques partout dans le ministère, et chacun possède un fragment du code qui nous permettra de pouvoir obtenir les pleins pouvoir sur la machine à la fin. C'est particulier comme manière de procéder : ça me semblerait logique que m'être comporté comme la dernière des merdes m'ôte la possibilité d'avoir une fin joyeuse… mais pas ici. Bref, une fin à l'image du jeu quoi, une fin qui nous laisse le choix… trop de choix même, si bien, encore une fois, que j'aurais préféré un poil plus de contraintes.
Comptez plus de 10 heures pour terminer Beholder 2 la première fois, plutôt 15 si vous êtes du genre à prendre votre temps. Par contre, le jeu n'étant pas officiellement traduit en français, vous devrez passer par un patch non officiel présent sur Steam si vous souhaitez jouer au titre dans la langue de Molière… un Molière bien vilipendé tant cette traduction sonne plus Google qu'autre chose (déjà que le premier était mal traduit, c'est encore pire avec la suite). Autrement dit, soit vous avez un très bon niveau d'anglais et c'est tant mieux pour vous, soit vous passerez forcément à côté de quelques sous-entendus et autres explications, à vous de voir… Par contre, contrairement au premier, il n'y a plus aucun doublage dans cette suite.
Bref, ce Beholder 2 est surprenant. Autant les développeurs auraient pu faire le choix de consolider les acquis du premier épisode, aller plus loin tout en reprenant la même formule (ce que semble faire le 3), autant ils ont fait le choix inverse, préférant opter pour une toute nouvelle formule, quitte à trop en faire. Cela donne un jeu « cassé » sur pas mal de points, que beaucoup critiquent, à raison. Reste que le joueur que je suis apprécie le fait de se retrouver en face d'un jeu bourré de bonnes idées… et qu'importe si ça ne marche pas tout le temps, au moins, j'aurais découvert quelque chose d'intéressant.
Bon après, je préfère quand même le premier épisode, faut quand même pas déconner non plus.
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Créée
le 18 mai 2024
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