Call of Duty
7.2
Call of Duty

Jeu de Infinity Ward et Activision (2003PC)

Quand l’appel du devoir vaut une médaille d’honneur

Alors que Medal of Honor rencontre depuis le début des années 2000 un franc succès critique et commercial en insufflant le grand spectacle au FPS prenant place sur le théâtre des opérations de la seconde guerre mondiale, Activision aimerait bien se joindre au front. Ça tombe bien, des déserteurs du studio d’en face ne demandent qu’à se voir confier les moyens de frapper encore plus fort qu’avec le débarquement allié. C’est ainsi que né Call of Duty, la naissance d’une franchise qui dominera commercialement dans les grandes largeurs les 2 générations de consoles suivantes avec des chiffres de ventes astronomiques malgré des critiques parfois mitigées et quelques épisodes calamiteux.


Voyons ce que je pense de ces premiers combats alors que je vous propose d’écouter Age of War, l’excellent thème d’introduction nous appelant au devoir.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



La cinématique d’introduction réussit à retranscrire sous les allures du moteur de jeu plusieurs séquences emblématiques de la campagne avec un angle encore plus cinématographique, et ce n’est pas peu dire. S’il y a un bien un point qui a reçu toute l’attention des critiques de l’époque, et à raison, c’est justement cette mise en scène.* Dès le tutoriel qui nous apprend à ramper sous un déluge de tirs les envies de spectacle sont annoncées. La mise en scène s’inspire de grands classiques du cinéma américain tels que Le jour le plus long, mais aussi du cinéma étranger plus contemporain tels que Stalingrad de Jean-Jacques Annaud, d’excellentes références si l’en est qui sont bien illustrés par des plans évocateurs qui fonctionnent très bien en jeu.


Bien loin de calquer simplement ces plans, le jeu s’en inspire tout en proposant ses propres idées et profitant des particularités de sa perspective à la première personne sur lequel le joueur garde un large contrôle. Ainsi, si notre progression reste tributaire de scripts, ceux-ci sont tout de même assez bien intégrés pour ne pas alourdir le rythme. Des passages anxiogènes où l’on se retrouve seul dans un endroit exigu infesté d’ennemis comme autant de pièges mortels n’attendant qu’à se refermer sur nous fonctionneront d’autant mieux que ces scripts s’intégreront bien, ce qui ne sera pas toujours le cas des autres titres de la franchise d’ailleurs.


Exclusivité PC à sa sortie, les grands moyens d’Activision ont permis au titre de se doter d’un arsenal technique de toute première catégorie pour l’année 2003, effets de fumée s’échappant des explosions de grande ampleur, nombre hallucinant de modèles 3D en mouvement alors que les décors éclatent en débris... Même un environnement aussi insipide qu’un égout a été soigné avec les reflets des eaux sur les parois du plus bel effet. Par contre, je tiens à souligner que la version Steam sur PC est l’une des plus mauvaises en terme de gestion des résolutions que j’ai pu voir, n’arrivant pas à adopter la plupart des résolutions sans créer de bugs d’affichages si costauds qu’il nécessitent une réinstallation du jeu, je n’ai pas envie d’en tenir rigueur au titre original, mais tout de même Activision aurait pu faire un effort.


Pour en revenir à la réalisation d’époque, celle que je critique en priorité, les différentes animations des personnages sont assez bien décomposées avec les mouvements malgré les blessures ou la posture recroquevillée près d’une explosion, les ordres que les coéquipiers donnent coïncident très souvent avec les différents scripts… il y manquerait seulement l’éclairage dynamique et une destructibilité plus systématique pour que le tout soit quasiment irréprochable. En effet, la destructibilité des décors est loin d’être possible en tout temps mais elle peut être très impressionnante à l’occasion. La première fois que j’ai conduit un char dans les bois, j’y esquivais les arbres instinctivement avant de me rendre compte qu’il se couchait sur mon passage, je ne vous cache pas que ça a fait son petit effet.


Les images d’archives ponctuant les briefings et débriefings dévoilent la reconstitution minutieuse des champs de bataille historiques, mais c’est loin d’être le seul aspect à s’en revendiquer. Les bruitages des armes sont à la fois de qualité et authentiques, ce qui s’entend d’autant mieux avec les sons les plus caractéristiques de celles-ci, le claquement retentissant du Garand dont on vient de tirer l’ultime coup de feu, le bruit du moteur si particulier du Stuka fonçant sur nous alors que nous n’avons plus droit qu’à quelques tirs de DCA pour l’abattre… cet excellent sound-design est aussi moteur des sensations fortes que nous réserve le jeu.


L’OST, composée par Michael Giacchino également rescapé des Medal of Honor, sait très bien appuyer la frénésie des combats, l’espoir de la victoire imminente… même si la musique est généralement assez générique, pleinement fonctionnel mais manquant d’identité propre. Il y avait sans doute mieux à faire dans un tel contexte et mieux sera fait par la suite de la saga, mais c’est déjà efficace. Et si tout ceci constitue déjà de sacrés points forts, Call of Duty en a encore beaucoup sous le pied car il est maintenant temps d’aborder son gameplay.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆



Le masque de collision d’une précision irréprochable, les différentes positions de combat et la possibilité de se pencher sur le côté, le maniement au couple clavier-souris pleinement approprié au genre… constituent un gameplay parfaitement maîtrisé et permettent une difficulté élevée parfaitement juste la plupart du temps. Il y a bien quelques situations où l’on dépend un peu trop de l’IA alliée, notamment quand on doit dégommer des véhicules à l’arme lourde alors que des soldats nous attaquent et nous forcent à quitter l’arme lourde quelques instants. Dans de telles situations, on peut mourir davantage en raison de la malchance qu’en raison de notre jeu, ne pouvant pas être à 2 endroits en même temps. Néanmoins, la possibilité de sauvegarde manuelle permet de pas mal contourner le problème et dans l’ensemble l’implication de l’IA alliée a été plutôt bien pensée.


Elle est systématiquement bloquée à des moments où il nous faut faire la différence et assez puissante dans les assauts dans lesquels elle est impliquée, elle se rend ainsi utile sans trop s’imposer et diminuer notre implication. L’IA ennemie s’en tire également plutôt bien, elle nous déloge avec les grenades, se disperse pour nous forcer à être attentif, se replie pour mieux nous tendre une embuscade… Bien sûr, si l’on s’attarde à les regarder, on finit bien par voir quelques absurdités, un soldat lançant une grenade avant de se jeter dans sa zone d’explosion, 2 soldats ennemis se tournant mutuellement le dos d’un coup… mais c’est inévitable pour l’époque et franchement sans conséquence.


Le level-design permet souvent de prendre une position avantageuse pour faire la différence avec de vraies bonnes idées pour exploiter la verticalité en tirant par exemple à travers un plancher plutôt que de se jeter tête baissée dans l’escalier sous surveillance ennemie, pour se faufiler sur un flanc de manière à cibler les armements lourds empêchant les renforts alliés de lancer l’assaut, pour tirer profit d’un goulot d’étranglement en forçant les ennemis à se précipiter dans notre ligne de tir après les avoir délogé à la grenade lancée dans le petit trou dans le mur… Le jeu regorge de ces situations vraiment bien élaborées, d’autant plus qu’elles sont souvent facultatives.


La campagne profite surtout d’un rythme endiablé car elle alterne très bien les différentes séquences de tir, au sniper depuis une position haute et panoramique, au lance-roquette pour se débarrasser des blindés faisant office de petits boss, à la mitrailleuse pour stopper une vague d’assaut qu’on doit sinon gérer comme on le peut, du mitraillage depuis une jeep en mouvement alors que d’autres véhicules nous coursent… Ça s’accompagne tout de même de quelques scripts qui peuvent manquer de clarté et bloquer un peu la progression, mais c’est plutôt rare, l’indicateur sur la boussole étant d’une aide précieuse.


Quant au multijoueur, il ne présente que peu de modes de jeu mais il est très fonctionnel, assez généreux et ouvert au modding qui permettra au titre de se forger une communauté active dès ce premier épisode. Quand on sait à quel point cet aspect sera déterminant dans le succès à venir de la franchise, ce n’est pas négligeable. Mais c’est surtout la campagne qui m’intéresse et je ne m’attendais pas à une telle réussite. Mais celle-ci s’accompagne aussi d’un scénario et d’une narration qui malheureusement ne sauront pas me surprendre de la même manière.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆



Le tuto sous la forme d’entraînement permet de justifier assez bien dans le scénario cette dimension purement ludique et si cette bonne intention laissait présager un bon travail à ce niveau-là, ça reste vite très limité. Le style d’écriture des journaux et certaines répliques d’officiers ne manquent pas de qualité ou de diversité, entre celui prend au sérieux les choses et l’autre qui dit les allemands arrivent apporter le café pour signifier leur arrivée, mais entre le mutisme du personnage contrôlé et une grande partie des PNJ sans identité propre au-delà de leur nom, il y avait mieux à faire.


Le briefing très complet des missions permet un petit aspect encyclopédique assez appréciable qui malheureusement peut vite être expédié quand il s’agit d’enchaîner des missions sans aucune transition alors qu’on fait un saut dans le temps de 2 ans et dans l’espace de plusieurs milliers de kilomètres. Qui ne connaît pas déjà la seconde guerre mondiale ne peut pas comprendre comment on est passé des combats de rues de Stalingrad à la libération de Varsovie. Si je comprends parfaitement que le nombre de missions doit nécessairement être limité, rien n’empêchait quelques explications au cœur d’une cinématique, même de 30 secondes, illustrant la progression de la contre-attaque soviétique jusqu’aux portes de la Pologne pour reprendre l’exemple précédent.


Un aspect narratif plus abouti serait malgré tout le discours appuyant le fait que la guerre fut menée par des bataillons et non par un seul homme, comme les limites techniques l’ont souvent imposé aux FPS des années précédentes. Ce discours débute dès l’intro, étant dit explicitement, et se confirme tout du long par la prédominance des coéquipiers à nos côtés, de leur nom s’affichant quand on les vise, du script faisant que le soldat infirmier craque et fond en larmes au lieu de porter secours à un coéquipier… c’est un peu léger en soi mais c’est tout de même appréciable.


Pour en revenir à un point que j’aurais préféré davantage développé, avoir assurer l’authenticité de certaines langues pour les dialogues comme l’allemand aide à l’immersion, mais j’aurais aimé que les russes en tirent également parti plutôt que d’avoir seulement droit à un accent plus ou moins convaincant quand celui-ci a au moins le mérite d’être tenté. Au moins, la franchise qui sera par la suite assez régulièrement targuée de propagande américaine quitte pas mal son point de vue en s’intéressant à la perspective britannique mais aussi et surtout soviétique, avec un message final sur l’Elbe un peu naïf mais bienveillant.


Un choix encore plus radical et que j’aurais aimé aurait été de nous laisser contrôler les forces de l’Axe, en dehors du mode multijoueur j’entends, mais je comprends aussi que ça n’allait pas avec le ton héroïque que les développeurs voulaient donner à bien des séquences où les sacrifices peuvent être nombreux mais ne doivent pas être vains. Et bien sûr l’image populaire autour de ces factions rend très délicat le fait de les contrôler pour tuer des alliés, et en même temps s’ils le font en multijoueur c’est que ce n’est pas non plus impossible. Cela ne m’empêchera pas en tout cas d’apporter une conclusion bien enthousiaste à l’ensemble.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



En approchant dès ce premier épisode les 5 millions de ventes, Activision lance avec grand succès la saga Call of Duty avec ce titre et je dois admettre comprendre cette réussite. Entre le grand spectacle offert par sa réalisation, l’authenticité esthétique reconstituant la seconde guerre mondiale, la très bonne qualité des mécaniques de jeu, le rythme très maîtrisé de sa campagne… l’appel du devoir vaut bien une médaille d’honneur et si c’est sa première, ça ne sera pas sa dernière.

damon8671
7
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le 18 janv. 2022

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