Après avoir manqué d’expérience sur Big Red One et manqué de temps de développement pour Call of Duty 3, Treyarch a encore tout à prouver face aux propositions d’Infinity Ward dans la même franchise, et qui y tiennent le haut du pavé aux yeux des joueurs. Ils s’attardent encore sur les sentiers de la seconde guerre mondiale pour y parvenir, abandonnant au passage le système de numérotation de la franchise qui n’a jamais vraiment eu de sens. World at War doit ainsi prouver qu’il a plus à offrir que tous les autres épisodes de la franchise portés sur cette guerre et que Treyarch peut concurrencer sérieusement Infinity Ward qui vient de cartonner avec Modern Warfare.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆
Treyarch n’entend pas révolutionner la formule Call of Duty et propose ainsi 2 modes de jeu principaux entre sa campagne solo et son multijoueur. Pour la première, elle reprend tous les défauts bien établis désormais, l’IA reste très limitée et on peut voir des comportements alliés comme ennemis aberrants dès les premières minutes de jeu, des murs invisibles très vilains nous ramènent au level-design très étriqué, le masque de collision est encore très imparfait, le checkpoint peut toujours se déclencher à un moment critique où on y réapparaît donc en boucle, des scripts peuvent buguer et nous forcer à se suicider pour débloquer la situation…
Alors bien sûr, on en retrouve également les qualités habituelles avec une diversité des séquences de jeu, un rythme endiablé, une possibilité de jeu inédite ou plus développée avec un certain focus pour cet épisode sur les armes incendiaires ainsi que des comportements ennemis relevant de la guérilla… le tout sur à peine une demi-douzaine d’heures et sans extension dédiée. Après un épisode orienté multijoueur au détriment du solo, il aurait été de bon ton d’orienter celui-ci sur le solo pour équilibrer, et il y avait clairement de quoi faire, ne serait-ce qu’en reprenant les meilleures missions des premiers Call of Duty et en les actualisant, mais il n’en est rien.
Alors bien sûr, c’est une vision très personnelle et je comprends très bien pourquoi cette campagne n’a pas fait l’objet d’un travail plus conséquent et plus audacieux, les joueurs comme les critiques ayant tellement plébiscité l’orientation multijoueur de Modern Warfare. Mais je ne peux m’empêcher d’imaginer cet univers alternatif où pour des raisons créatives un studio se spécialise sur le multijoueur et un autre se spécialise sur le solo et World at War aurait été le moment pour le faire, n’ayant qu’à compiler et retravailler les meilleurs séquences des Call of sur la seconde guerre mondiale en proposant des campagnes complètes en DLC.
Si au moins tout ça était fait pour faire plaisir aux intéressés par le mode multijoueur mais comble de l’ironie ce dernier est loin de captiver les foules comme Infinity Ward a su le faire avec Modern Warfare. Il est décrit par la plupart comme relativement complet, bien équilibré et correctement exécuté sur des cartes bien construites, mais beaucoup moins impressionnant et addictif que celui de Modern Warfare qui en avait fait sa principale préoccupation. Mais World at War a un troisième mode de jeu à faire valoir pour se rattraper et montrer qu’eux-aussi ils peuvent apporter faire évoluer le gameplay de la formule Call of Duty.
Le mode Zombi fait son apparition avec cet épisode et se montre déjà bien plaisant à jouer mais sous une forme encore très limitée en contenu, bien davantage vu par les développeurs comme un mini-jeu anecdotique, ce n’est que par la suite qu’il prendra une grande ampleur. Il reste néanmoins un prologue déjà innovant et sympathique qui commence à montrer son potentiel dans les DLC. Ces derniers mêlant bien évidemment les maps pour le multijoueur classique et celles du mode zombis histoire que tu sois obligé de tout acheter quelque soit le mode qui t’intéresse… Bon essayons d’être un peu plus positifs.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Treyarch a le budget, l’expérience et le temps de développement pour se mettre à niveau de Modern Warfare et World at War profite ainsi d’une réalisation très correcte. L’effet d’éblouissement en regardant en direction du soleil, l’animation de recharge du fusil à double coup dépendant de si l’on recharge une ou deux cartouches… c’est aussi à ces petits détails détails qu’on voit une réalisation a minima soignée. Clipping et aliasing viennent quelques peu entacher entacher le tableau mais c’était attendu d’un jeu qui ne veut pas être une démo technique parfaite pour sortir rapidement et sur la plupart des supports dans une version stable et fluide.
Si la technique est satisfaisante, la mise en scène fait une fois de plus la différence. D’une part, le choix d’enfin intégrer le théâtre des opérations du Pacifique dans la franchise permet d’ajouter des décors tropicaux rafraîchissants et de nouveaux effets de mise en scène en temps réel à partir des embuscades et des charges suicidaires des japonais. D’autre part, le retour aux grandes batailles soviétiques, que j’avais relevé comme point négatif dans les précédents opus qui s’y attardaient trop souvent à mon goût, ne pose pas de problème ici puisqu’avec le passage d’une génération à une autre, le rendu visuel est tout de même bien différent et justifie sans peine d’y revenir.
En effet, si la mise en scène s’inspire de nouveau du Stalingrad de Jean-Jacques Annaud par exemple, comme l’avait fait Infinity Ward au début de la franchise, Treyarch ne se contentent pas de reproduire avec les nouvelles possibilités techniques de la génération suivante. Ils optent d’autres points de vue et en proposent une vraie relecture inédite. Mais il manque bien sûr l’Europe occidentale et l’Afrique du Nord, qui auraient pu faire l’objet d’extensions sans vouloir y revenir, mais puisque ces dernières s’entêtent à porter sur un mode multijoueur qui ne m’intéresse pas… mais je m’égare.
Les cinématiques précédant chaque mission combinent merveilleusement images d’archives et animation avec un montage absolument magistral. Tout à fait sérieusement, je dirais que c’est le point le plus abouti du jeu. C’est parfaitement dans le ton nerveux et sombre du jeu avec un montage dynamique, un choix des couleurs et des illustrations pertinent, une durée ni trop courte ni trop longue… si on avait la même qualité étendue à d’autres batailles et moments de la seconde guerre mondiale dans cette campagne solo plus travaillée et enrichie par les DLC… mais il faudrait que j’arrête de revenir à cette idée, je vois bien que c’est un vœu pieux.
La violence graphique est également poussée un cran au-dessus avec démembrements bien sanglants, carbonisation des corps dévorés par les flammes... et ça me semble parfaitement approprié pour à la fois renforcer les sensations de jeu en donnant l’impact aux coups portés et dépeindre à sa juste valeur la guerre la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité. Ça a lui valu d’être le premier Call of à arborer un PEGI 18 qui sera après systématique, même si je doute de l’importance de la classification ça illustre tout de même la montée de la violence avec cet épisode.
L’OST, composé par Sean Murray qui débarque dans la franchise après avoir signé les musiques de True Crime, s’inscrit parmi les meilleures de sa saga en tirant d’une part de l’orchestral du souffle épique et de l’émotion forte, d’autre part du rock une énergie vibrante pour intensifier les phases d’action. La spatialisation du son a également été amélioré avec cet épisode en différenciant un peu plus les sons dans le champ de vision ou en dehors, ce qui est pour le coup très appréciable. C’est donc un bilan très positif qui se dégage de ce World at War pour lequel je n’ai pas encore parlé de ce qu’il raconte et comment.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆
Comment traiter une fois encore de la seconde guerre mondiale qui a été vu et revue dans tous les sens par les FPS des années 2000 sans en être trop proche ni prendre des libertés mal venues ? La question n’était pas simple et je trouve que Treyarch s’en est plutôt bien sorti dans l’ensemble. Tout d’abord, la brutalité graphique va de paire avec un ton très dur qui montre une guerre impitoyable dans laquelle les bons sentiments sont étouffés par la rage, les actes de bonté sont récompensés par une mort brutale, la mort nous entoure constamment…
Le commentaire de fin de la campagne soviétique varie même en fonction de la brutalité dont nous avons pu faire preuve lors de certaines séquences nous laissant quelques choix moraux discrets, mais c’est beaucoup trop anecdotique pour constituer un quelconque intérêt, encore mois un potentiel de rejouabilité. Une autre réserve que je pourrais émettre c’est que les américains me semblent tout de même un peu plus épargnés par le phénomène que les autres factions dépeintes, mais c’est subtil, on voit aussi des américains commettre des crimes de guerre et perdre leur self-control en faisant un carnage vengeur.
Ce ton est beaucoup plus à mon goût que les récits plus héroïques qui peuvent être faits sur ce même contexte historique. Et World at War parvient à retrouver quelques peu cette promesse de t’amener à t’attacher à certains de tes camarades pour être ému lors de leur funeste sort ou fier quand tu parviens à les sauver ou quand tu triomphe à leurs côtés, surtout dans la campagne soviétique. Le fameux sergent Reznov est l’un de mes personnages préférés de la franchise, puisque revenant dans Black Ops, mais il serait injuste de résumer cette réussite à lui seul.
Un excellent exemple se trouve en fin de partie avec cette intrigue secondaire autour de Chernov qui critique les crimes de guerre, prend le temps d’écrire ses pensées entre 2 combats, qui se fait humilier devant les camarades en étant privé d’arme et qui meurt de façon spectaculaire en démontrant tout son courage, émouvant et profond. Et le doublage VO comme VF est un régal avec en têtes d’affiche Gary Oldman et Kiefer Sutherland en VO, José Luccioni (doubleur récurrent d’Al Pacino) et Patrick Béthune (doubleur récurrent de Russel Crowe) en VF.
Par contre, on retrouve une fois encore les allers-retours dans le temps d’une mission à l’autre avec de gros écarts et pas la moindre cohérence chronologique dans l’enchaînement des missions. Je ne comprends pas comment ce problème peut encore se poser alors qu’il est si facile à résoudre. Soit tu mets toutes les missions dans leur ordre chronologique, soit tu les classes par théâtre d’opérations puis tu les tries par ordre chronologique, ce n’est pas plus compliqué que ça. Mais ça n’enlève rien aux réussites précédemment citées.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
World at War s’impose aussi comme le FPS sur la seconde guerre mondiale de la fin des années 2000 par défaut d’une concurrence sérieuse, Medal of Honor ne cessant de décliner tandis que les autres franchises s’attaquent à d’autres univers. World at War démontre le réel potentiel de Treyarch qui veut faire jeu égal avec son concurrent en interne Infinity Ward mais il ne pourra jamais devenir un excellent jeu pour moi car il ne s’autorise pas à abandonner le multijoueur au profit de campagnes plus ambitieuses, un regret tout à fait personnel mais réel.