Et voilà, nous y sommes, la critique la plus retrospective que je puisse faire puisque Cauldron II est le tout premier jeu vidéo auquel j'ai joué. Rien que ça. Imaginez-donc l'impact !
Première expérience, celle qui allait servir de point de comparaison pour toutes les autres. Mais remettons-nous dans le contexte.
https://www.youtube.com/watch?v=9jK-NcRmVcw
Juste avant Noël, je participe à un spectacle de fin d'année, les cheveux bombés en vert et rouge, je trône derrière les fûts d'une batterie pour enfants et je fais de mon mieux pour donner l'impression d'être le batteur de Europe. "The Final Countdown" tonne dans la salle des fêtes et, innocent que je suis, je ne sais pas encore que dans quelques jours je vais découvrir le jeu vidéo, une nouvelle dimension à ma vie. (j'espère que vous écoutez la chanson en lisant la critique, c'est plus épique).
Le soir de Noël je déballe les cadeaux. Celui ci est fragile me dit-on, il est aussi très lourd. Le carton ne laisse aucune place au doute. C'est un ordinateur ! Amstrad CPC464 à cassettes, une splendeur de technologie à la porté de toutes les familles ! Le cérémonial de branchement est interminable, tout le monde est tendu et attentif. Mon père allume la machine avec un "clic" caractéristique et dans la pièce sombre apparaît une lumière bleu-roi, le mot "ready" est affiché en jaune, un petit carré, jaune également, clignote. Ca veut dire que l'ordinateur est prêt.
Mais pas moi !
Même s'il est déjà tard, l'enthousiasme dépasse la fatigue quand on insère soigneusement la cassette dans son lecteur. Mon amour pour les monstres, les squelettes et les châteaux hantés est déjà bien présent, alors mes parents m'ont choisi ce jeu, dont la jolie boîte s'orne d'une sorcière (une Baba Yaga comme ma mère le dit encore) serrant une citrouille dans ses doigts crochus.
Je découvre les joies du chargement. De longues minutes d'attente durant lesquelles s'affiche progressivement l'image pixélisée de la sorcière, celle de la jaquette. Et soudain on y est ! La musique lugubre fait résonner ses accents et un rapide descriptif du jeu annonce la couleur.
Ni une ni deux mon père s'empare du joystick et fait rebondir maladroitement la citrouille souriante, sur les murs, les chandeliers, les araignées sur le sol, le squelette qui l'explose directement... Ca a l'air tout sauf simple ! Et lorsque, ENFIN, je prends les commandes je ne suis guère plus valeureux. Les ricanements de la sorcière à chaque défaite se suivent encore et encore. J'apprends une chose : les jeux-vidéo c'est très difficile.
Quelques jours après Noël, j'ai appris à dompter la machine à l'austérité anthracite et surtout, j'ai progressé. Je passe plusieurs tableaux et découvre plusieurs objets nécessaires à la destruction de cette sorcière aux cheveux verts sans jamais y parvenir malgré tous mes efforts. J'essaie plusieurs autres jeux, "Green Beret" ou "Infernal Runner" puis je reviens à celui-ci, tellement attractif. Ma mère se prend au jeu également, j'apprends quelques nouveaux gros mots.
Le bestiaire m'inspire, et j'ajoute de nouveaux monstres dans mes dessins, la silhouette du château, logo de Palace Software, ne me quittera plus. http://www.bookofthedead.ws/website/images/ed_c64_logo_palace_software.jpg
Le bruit des rebonds de cette vaillante citrouille me hante jours et nuits. Bien-sûr il y a au moins autant de frustration que de plaisir. Bien-sûr comme il n'y a qu'un bouton, on tire et on saute avec le même et on perd stupidement de la magie (de l'énergie mais aussi des munitions donc) juste en essayant de sauter sur cette plate-forme de merde là juste de l'autre côté du précipice de merde en essayant d'éviter ce bossu de merde ou cette main jaune à la con qui inverse les commandes !
Mais finalement, on y revient toujours un peu, comme à un rendez-vous avec un vieil ennemi qu'on connaît par coeur.
Bien longtemps après ce Noël et peu avant un prochain, j'ai rejoué à Cauldron II, et tout était encore là, le château m'attendait toujours avec ses toiles d'araignées, ses chandeliers, ses banquets fantômatiques et, il faut l'avouer, cette maudite sorcière a encore beaucoup ri.