Après avoir travaillé sur plusieurs projets plus ou moins amateurs, Chronotopia : Seconde Peau est donc officiellement le premier visual novel commercial de l’éditeur et malgré un nom pas forcément simple à retenir, il dispose de pas mal d’atouts pour se faire une place sur Steam.
On y incarne la princesse Kionna ( qui semble signifier fée) qui a la bien mauvaise surprise de se retrouver impliquée dans le mariage de son royal père devenu fou de chagrin après la mort de sa femme. Visiblement très mal conseillé (doux euphémisme), il pense que la future reine digne de son ex-femme ne peut qu’être sa fille biologique.
Dans le but de gagner du temps quand à la date du mariage, elle demande à son père des robes extravagantes et complexe à fabriquer. Aidée de son amie d’enfance, elle se rendra vite compte qu’il lui faudrait un miracle pour espérer échapper à cette union incestueuse.
Elles se souviendront que sa marraine, une fée oubliée depuis des lustres, serait en mesure de la sauver grâce à ses pouvoirs. Dans un monde idéal, Kionna parviendrait à s’enfuir du château, un prince charmant la trouverait, et ils vivraient heureux jusqu’à la fin des temps.
Avant d’en arriver là, Kionna va devoir passer un pacte avec sa marraine et lui promettre quelque chose de cher à son cœur en échange de ses services. Alors qu’elle accepte à contrecœur, elle va se rendre compte que même la magie des fées à ses limites.
Dys-Chronotopia
C’est alors le début d’une boucle temporelle funeste pour Kionna, la situation échappe toujours à son contrôle et elle remontera constamment le temps. Quels que soient ses choix, la mort ou pire sera toujours au rendez-vous. Parviendra t-elle à briser les chaines du temps et du cosmos qui l’entravent? C’est à nous de le décider dans Chronotopia : Seconde Peau!
La première chose qui frappe lorsque l’on commence l’aventure, c’est la qualité d’écriture et de mise en situation de prime abord du prologue et ensuite de la présentation de la situation de notre princesse. Les amateurs de Slay the Princess devront ronger leur frein et tout faire pour sauver Kionna, du moins s’ils le souhaitent.
Le jeu va donc nous offrir une aventure longue et pleine de rebondissements en tous genres. Il sera question ici de magie, d’amour, de princes, de gueux, de LGBT, de pervers narcissiques, de découverte de son corps et de tant d’autres choses.
En utilisant comme matériel de base les contes classiques tout en les ramenant à des aspects autrement plus modernes, Chronotopia : Seconde Peau fait parfois le grand écart entre son fond et sa forme. Cette sorte de dichotomie entrainera par moments des interrogations légitimes du joueur sur l’époque choisie comme cadre narratif de l’histoire.
Les thématiques sont résolument adultes et parfois sacrément difficiles comme l’inceste, le suicide ou la maltraitance psychologique sans oublier les violences faites aux femmes et aux enfants. Notre héroïne va devoir traverser de très nombreuses épreuves qui vont façonner la femme qu’elle escompte devenir.
Princesse Kionna, fraîche fleur que baigne le rosée
Chronotopia : Seconde Peau fait le choix de nous le laisser, le choix, pour définir ce que l’on veut être et ce que l’on espère devenir. Comme dans tous les jeux du genre, il faudra aller dans certaines directions narrative selon le teneur de nos réponses. Doit-on être vindicatif? Revancharde? Amoureuse? A nous de voir!
Si certains choix sont évidents dans le contexte où ils interviennent, ils auront toujours une incidence à plus ou moins long terme. Certains icones apparaitront après avoir fait notre choix et qui symboliseront leur teneur.
Pour les anxieux qui n’aiment pas se fermer des portes narratives, sachez qu’il est possible de sauvegarder à tout moment dans le jeu et ainsi de se garder au chaud toutes les possibilités offertes à nous sans en subir pleinement les conséquences.
Comme Chronotopia : Seconde Peau est développé en utilisant le moteur Ren’Py, sachez qu’il est possible d’installer des sortes de codes de triche ou de créer soi-même un mod nous permettant de voir quelles variables seront augmentées lors de nos choix.
En plus du gameplay inhérent au Visual Novel, on aura droit à des mini jeux plus ou moins intéressants qui apporteront un peu de fraicheur à l’ensemble. Rien de bien folichon mais ils ont le mérite d’exister et briseront parfois la routine.
Sachez également que le futur de notre princesse Sarah, euh Kionna pardon, ne sera pas de tout repos. Maintes morts différentes s’offriront à nous qu’on le veuillent ou non, je ne parlerais pas des trahisons de nos proches et autres nouvelles acquaintances rencontrées ici et là.
Chronotopia : Seconde Peau n’est pourtant pas le Dark Souls des Visual Novels, il n’est pas punitif gratuitement et il ne cherche qu’à nous montrer le parcours, certes chaotique, d’une jeune fille qui va devenir femme, amante et mère.
Père-vert narcissique
Ce parcours initiatique se fera dans la douleur et la plupart de ses espoirs au mieux s’envoleront ou au pire l’amèneront à d’immenses déceptions. Le prince charmant n’existe pas, c’est connu et c’est d’autant plus vrai dans Chronotopia : Seconde Peau.
Même s’il arrive que l’on ait envie de donner des claques à notre protagoniste tant elle a du mal à faire les bons choix (pourtant en faisant tout notre possible pour l’aider), il ne faut jamais oublier d’où elle vient et ce qu’était sa vie avant que son père ne se décide à se la jouer Sweet Home Alabama!
Persuadée qu’elle sera plus heureuse avec un compagnon royal et se fourvoyant dans ses choix, Kionna est une idiote utile aux thématiques de Chronotopia : Seconde Peau. Incapable de se rendre compte de la complexité des relations entre paysans et la cour, elle fera énormément d’erreurs et gâchera les petits moments de bonheur qu’elle vivra.
C’est d’ailleurs assez étrange de la voir se murer dans ses certitudes alors qu’elle commence à se faire sa place que ce soit en cuisine ou dans les champs en tant que Peau d’âne. On a vraiment l’impression qu’elle n’apprends jamais de ses différentes boucles temporelles et que ceux qui sont censés l’aider l’enfoncent plus dans la folie qu’autre chose.
Ses rapports avec les hommes, les princes et sa marraine sont assez complexes et difficile à comprendre alors qu’elle devrait voir immédiatement les Red Flags qu’iels représentent! Chronotopia : Seconde Peau nous offrent parfois de belles amitiés mais elles sont occultées par cette montée dans la folie qui attends notre princesse.
Crash and burn
Techniquement, Chronotopia : Seconde Peau est vraiment intéressant avec une direction artistique superbe, de très beaux tableaux et autres fonds ainsi qu’une musique fort sympathique. Les illustrations sont parfois magnifiques et on sent vraiment une attention toute particulière pour les personnages principaux.
Le jeu est jouable directement sur le Steam Deck sans vraiment être optimisé. Je n’ai pas eu de mal à lire les textes et à utiliser les interfaces du jeu. Vous allez me dire, c’est logique vu la nature du jeu et vous auriez bien raison.
Le jeu est disponible intégralement en français et en anglais. Je n’ai pas remarqué de grosses fautes, tout juste quelques soucis que la concordance des temps sur certaines phrases au début du jeu et un peu plus loin dans l’aventure.
Comptez environ 12 heures de jeu pour parvenir à une des fins de Chronotopia : Seconde Peau ce qui est plutôt bon pour ce genre de production. Rajoutez à cela plus de 66 succès Steam à débloquer qui devraient rajouter pas mal de durée de vie au jeu.
Il est possible d’avancer les dialogues déjà lus en utilisant la touche Espace de votre clavier ce qui facilitera les prochaines parties. C’est d’ailleurs dans ces moments là que j’ai eu de gros crashs putrides connus des amateurs de Ren’Py.
Au final:
Chronotopia : Seconde Peau est au final un Visual Novel intéressant et qui a fait le choix d’appliquer des thématiques très modernes à un contexte qui ne s’y prête pas forcément. Je ne suis pas certain que les discussions sur la signification philosophique de l’hymen étaient légion chez les rois et reines de l’époque.
Pourtant, j’ai apprécié l’aventure et le fort douloureux voyage vers la découverte de soi de Kionna. C’était parfois frustrant, parfois amusant, mais toujours avec fait avec une belle sincérité et une envie de bien faire qui fait la différence entre les Visual Novels amateurs et professionnels.