J'aime pas faire ça.
Si vous avez vu ma note, vous avez compris que je n'allais pas être très sympa dans cette critique. Et autant rien ne me fait plus plaisir que démolir un jeu qui m'a fait perdre mon temps, mon argent et un peu de ma foi dans le média, autant y'a des jeux que j'aimerais vraiment aimer.
Et je l'aime bien, moi, ce Circus Electrique, j'ai pas envie de lui filer cette note médiocre.
Seulement... ben quand ça va pas, même quand le travail est soigné, même quand c'est un petit studio, même quand c'est pas cool de taper sur un petit boiteux, ben faut le dire.
Go critique.
Si critique trop longue, les + et les – en fin de critique, comme d'habitude.
Des électrons et des hommes-troncs
Amelia, jeune journaliste dans un Londres du siècle dernier légèrement uchronique sur les bords et steampunk dans le milieu est envoyée faire un papier au "Circus Electrique" du titre, un cirque tenu par son oncle, avec lequel elle a apparemment un très lourd passif, incluant des histoires de lion, de gens brûlés et de grosse rancœur mal digérée. Dès sa réouverture, le cirque est pourtant confronté à un plus gros problème que ses sombres histoires de famille : beaucoup de gens à Londres deviennent subitement fous et sous le doux nom d'Abominables, s'en prennent aux civils épargnés par cette folie. Naturellement, on accuse le cirque et sa technologie électrique, et Amélia et son oncle vont devoir faire toute la lumière sur cette affaire en employant les gens du cirque pour se frayer un chemin au travers d'une Londres transformée par les affrontements…
Disons-le tout de suite : n'attendez pas grand-chose de l'histoire. Bien qu'elle ait l'air attrayante, elle sert principalement de prétexte au gameplay, est assez banale, se déroule sans surprise, pas de réel mystère sur la cause des évènements ni la personne derrière tout ça. Ce n'est pas mal raconté, au contraire, d'autant que tout est intégralement traduit dans les sous-titres et que les doublages sont de qualité, dites-vous juste que ce qui se raconte n'a rien de transcendant. Cela donne un peu de corps à l'ensemble, ce qui n'est déjà pas si mal, mais les adeptes d'enquête ou de message profond resteront sur leur faim (et mine de rien, on peut attendre ça d'un RPG). Propre mais pas incroyable, donc.
En revanche, côté direction artistique et ambiance, là, c'est déjà beaucoup plus stylé. Il faut aimer le style steampunk X Cour des miracles, mais un simple coup d'œil aux images du jeu vous permettra très vite de savoir si vous êtes client ou non. Et si vous l'êtes, c'est du tout bon : les cinématiques en animation 2D sont certes simples mais très esthétiques, la 3D pour un petit studio est également agréable à l'œil, les animations soignées et les chara design imaginatifs (beaucoup de classes et d'ennemis différents pour un jeu de cet ampleur). On est vite embarqué, vite charmé et c'est clairement là que se situe l'énorme point fort du jeu. Personnellement, je n'ai vraiment rien à redire sur ce point. J'aimerais vous dire que vous pouvez foncer si vous aimez le style mais on cause, on cause, et on n'a toujours pas abordé la partie gameplay…
Passe-moi le clown
Circus Electrique se compose de deux axes de jeux : une partie gestion du cirque avec ses spectacles et une partie RPG où vous parcourez Londres sous la forme de plateau de jeu, chaque "case" de District vous offrant ressource, mini-jeux, partie narrative ou combat. Les deux permettront de faire gagner en expérience, en dévotion (une jauge indiquant l'investissement et donc la puissance de vos personnages) mais également en ressources votre petite équipe. Cette équipe est composée de classes différentes dont on peut recruter plusieurs membres pour remplir peu à peu vos ranges, à la façon d'un FF tactics, par exemple. Pas de personnage à histoire mais des "pions" utilisables soit dans vos spectacles soit dans vos combats. Chaque classe – clown, homme fort, charmeuse de serpent, ventriloque… a ses caractéristiques qu'on peut rapprocher de celles des RPG classique (Debuf, tank, attaque directe, buff, classe à charge, etc…). Circus Electrique en propose mine de rien plus d'une dizaine, promettant une multiplicité de combinaisons.
Côté spectacle, on choisit un pattern – joliment représenté par un jeu de cartes - où l'on place nos personnages. Il faudra tenir compte des affinités des personnages avec telle ou telle classe ainsi que leur position dans le spectacle – clou du spectacle, numéro d'entrée, numéro de fin – et les quelques bonus octroyés par les placements du pattern. Selon nos placements, nous aurons ainsi plus ou moins d'étoiles à répartir sur ce que rapportera le spectacle entre expérience, items, argent… et c'est là que j'aimerais placer un premier bémol. Je trouve que le jeu est assez clair dans ses explications et je n'ai pas spécialement galéré à comprendre mais… ben je suis un habitué des jeux de gestion. Donc, forcément, j'ai quelques facilités à piger cette multitude de paramètres. Pour un joueur plus novice, un codex existe pour s'y retrouver, signe que tout le monde ne pigera pas aussi aisément.
Côté combat, si vous avez déjà joué à un "Child of Light", vous serez en terrain connu : quatre personnages à choisir et à placer sur une ligne, leur position octroyant bonus et verrouillant ou au contraire permettant d'accéder à certaines compétences et en face, quatre opposants, ayant les mêmes contraintes, certains étant à portée et d'autres non selon les compétences et le positionnement. Chacun agit dans un ordre défini sur la partie haute, sous la forme de cartes et chaque tour permet à chaque opposant d'employer une compétence, de se déplacer, de se protéger… vient également s'ajouter des variables météo qui vont infliger malus ou bonus à certains types d'attaques. Chaque affrontement permet outre de progresser dans le district et dans l'histoire de récupérer de l'expérience pour nos combattants ainsi que des objets. Là encore, étant un habitué, je ne me suis pas senti perdu mais l'abondance d'info à l'écran, quoi que le hub soit esthétique a de quoi faire peur à un joueur moins aguerri. Ce n'est pas pour rien que je cite d'autres jeux pour appuyer mon propos : le jeu est plus à destination d'un public habitué à ce genre de mécaniques.
On pourrait donc se dire qu'un joueur expérimenté va prendre son pied à la lumière de tout ce que j'ai décrit – et je n'ai effleuré que de manière très globale ce que propose le jeu, je m'abstiendrais de parler des mini jeux et autres collectibles vu que cette critique est déjà longue, mais il y a de quoi manger…
Cependant…
Tout ceci est mis à mal par un gros souci. Et ce souci, il m'aura fallu plusieurs heures de jeux pour m'en rendre compte. Autrement dit : bien trop tard. Et ça fait partie du problème.
Scier la corde raide sur laquelle on promène…
Bon, ici, je vais avoir quelques difficultés à détailler pourquoi tout ça se casse la gueule, je vais donc tâcher de faire clair :
Une phase de jeu se résume à choisir un spectacle en répartissant ses personnages, placer les autres personnages dans les bâtiments du cirque pour les restaurer/former/générer des bonus puis se rendre sur la carte du district pour avancer de quelques cases, assurer un ou deux combats, fin de la journée, bis repetitas le lendemain. Ceci, c'est le fonctionnement de base du jeu.
Sauf que premier problème : vous devez avancer dans le district. Et faire des combats. Vous pouvez faire l'impasse sur le spectacle – même si c'est une mauvaise idée – ou le positionnement d'autres personnages mais pas sur la partie RPG. Il faut avancer. Pas le choix.
Or, vos personnages, selon vos choix lors des phases précédentes, parfois très en amont, ont potentiellement peu gagné d'XP, perdu en motivation ou vous manquez tout simplement de ressources pour crafter des objets indispensables pour des combats plus difficiles.
Et si cela vous arrive… il faut avancer. Pas le choix. Vous êtes coincé.
En d'autres termes : une mauvaise optimisation plusieurs phases en arrière peut littéralement vous soft lock votre partie. Et ça j'estime que dans un jeu d'optimisation, c'est une faute de game design plutôt grave. Que le jeu vous sanctionne, vous ralentisse, soit. Mais j'ai personnellement failli me retrouver complètement bloqué après quelques mauvais choix face à un boss vraiment retord, que j'ai gagné de vraiment très peu.
Ai-je particulièrement mal joué ? Ai-je été mauvais ? Possible. Mais ce que j'ai surtout fait, c'est que j'ai voulu changer de combinaison après avoir gagné pas mal de nouvelles classes et de nouveaux items. En somme, j'ai voulu faire évoluer ma stratégie. Et cette idée – plutôt normale, hein – m'a foutu dans le jus. Genre vraiment. J'ai dû recommencer pas mal de fois le boss, ce qui peut vite devenir une tannée quand les animations de combat sont certes classes mais ultra lentes et peuvent à peine être accélérées. Et surtout, je pense que ma victoire est due en bonne partie à une RNG (le hasard de l'IA, quoi…) plus généreuse sur ma dernière tentative plutôt qu'à mes compétences de joueur. D'ailleurs, pour gagner, une seule méthode : reprendre la combinaison que j'utilisais depuis le début.
Et c'est là qu'est la seconde erreur de game design de Circus Electrique : comme la moindre erreur peut totalement exploser votre jeu et vous obligez à refaire tout ou partie pour ne pas vous prendre les pieds dans vos essais infructueux, en tant que joueur, on se retrouve à ne plus prendre aucun risque. On trouve les bonnes combinaisons et on les répète jusqu'à la fin du jeu. Autrement dit, on annihile complètement la mécanique de diversité que Circus Electrique a voulu mettre en place. Par curiosité, j'ai regardé ce que les autres joueurs utilisaient comme combinaison face aux boss : elles se ressemblent toutes. Et j'ai utilisé – sans le savoir – la même qu'eux. J'aurais pu possiblement gagner autrement. Mais si je m'étais trompé, j'aurais pu payer ça en me retapant 5-6 heures de jeu. Non merci.
Pour ne rien arranger, le jeu a une courbe de difficulté toute cassée qui consiste à être généreux sur son premier tiers, couper brusquement les ressources sur le second et alterner un boss chiant puis un boss horriblement chiant par-dessus. Couplé à une éventuelle erreur d'appréciation du joueur, à nouveau : blocage assuré. Donc 0 risque : combi gagnante, en boucle. Autant dire qu'à ce stade, on ne s'amuse plus. C'est clairement un très gros problème de game design et d'équilibrage qui pour moi brise complètement le concept de ce "Circus Electrique", arrivé à un certain stade du jeu. Il se révèle beaucoup plus complexe et difficile que prévu, et pas pour les bonnes raisons. J'ai déjà ragé sur des RPG ou jeux de gestion franchement pas riants avec le joueur mais eux avaient la bonne conception pour empêcher un blocage total. Ici, si vous voulez tenter un truc mieux vaut être sûr de vous. Sinon, c'est retour à la case départ. Et pas dit que vous aurez la patience… moi en tout cas je ne l'aurais clairement pas eu une fois compris ce qui n'allait pas dans le jeu.
Et cette critique est déjà beaucoup trop longue, il est temps de conclure. De toute façon, je n'ai plus grand-chose à ajouter après avoir taillé le principal problème du jeu, qui porte malheureusement sur sa principale mécanique.
En conclusion
Franchement, mes premières heures sur Circus Electrique ont été un excellent moment, une découverte comme j'aime en faire quand je tente un achat steam façon "tiens ça a l'air sympa". Et puis arrivé à un certain stade, je me suis rendu compte de toutes ses limites et mon enthousiasme s'est sérieusement refroidi. Mal équilibré, pas très bien pensé dans sa globalité, Circus Electrique paye son ambition de vouloir proposer énormément de combinaisons sans assurer une bonne optimisation de son gameplay en amont ce qui le rend redondant ou horriblement chiant à finir. A fuir pour les débutants malgré son apparence "user friendly", beaucoup plus complexe à prendre en main qu'il n'en a l'air et finalement beaucoup plus limité que ce qu'il prétend être, j'ai le sentiment que le studio Zen – qui jusqu'ici semblait plutôt spécialisé dans les jeux de Pinball – a été un peu trop dépassé par sa création. Allez, Zen, faites-nous un Circus Electrique 2 pour corriger tout ça, votre concept mérite sa pépite.
Les +
+ Direction artistique irréprochable, belle 2D, belle 3D
+ Animation des combats soignées
+ Doublage intégrale de qualité
+ Traduit – parfaitement – en français
+ Énormément de possibilités, classes, combinaisons…
Les -
- Qui se révèlent inutiles vu que la structure du jeu encourage à utiliser toujours les mêmes, faute d'équilibrage
- Gameplay trop dirigiste qui verrouille le joueur et rend une erreur d'optimisation difficile voire impossible à rattraper
- Courbe de difficulté clairement mal foutue
- Absolument pas à la portée d'un débutant
- Animations de combat certes esthétiques mais longues et lentes, manque un bouton "accélérer"
- Musiques répétitives et peu variées