Critique full spoilers, attention.
Lorsqu'un jeu choisit d'entourer sa cohérence interne de mystère, plus le temps passe plus la nécessité que cette cohérence soit satisfaisante devient importante et Danganronpa 2 parvient à échouer à tous les niveaux.
Commençons par le péché capital, à savoir la variation sur le thème du "Tout cela n'était qu'un rêve". Le fait de faire évoluer les personnages au sein d'une simulation, au-delà du fait que la séquence d'introduction donne la clé du mystère immédiatement et sans même essayer d'être subtile, sert d'excuse à tous les débordements sous prétexte qu'au final tout est possible. Le jeu va même jusqu'à l'expliciter plusieurs fois en faisant le pari de la faute avouée à moitié pardonnée, mais cela n'excuse en rien les innombrables fautes de goûts : la mascotte rose, les bêtes mécaniques, l'esthétique hideuse des deux dernières îles et des tours jumelles du quatrième meurtre, l'exploration de la Hope Academy reconstituée, etc. Alors certes, la méta-histoire fait que l'issue de la simulation a une importance, mais un jeu ne peut pas se permettre d'introduire des enjeux intéressants 15 minutes avant la fin.
Là où un bon jeu se servira de phases d'exploration pour fournir des indices au joueur pour que celui-ci formule lui-même ses théories et comprenne peu à peu dans quoi il est embarqué, Danganronpa 2 fait l'inverse en entourant le joueur de NPC bêtes comme chou et en l'obligeant à fastidieusement prouver qu'il a compris que si le suspect a un alibi, il ne peut pas être le meurtrier.
L'écriture est évidemment importante dans un jeu qui consiste à 90% à faire défiler des lignes de textes, et on peut dire que c'est une bien belle plantade. On réussit l'exploit d'avoir des personnages à une seule dimension, sans aucun relief une fois l'introduction achevée : ahah, le mécanicien est amoureux de la princesse ! Ne le laissons parler de rien d'autre que d'elle et, si l'enquête en a besoin de mécanique, les gens vont adorer ! Ajoutons à cela les innombrables répétitions de texte, de flashbacks, de questions rhétoriques, et on obtient des trucs comme les 50 occurences de l'Evènement Le Plus Affreux, Le Plus Horrible Et Le Plus Meurtrier qui occupent un écran à chaque fois et qui obligent à appuyer sur le bouton juste pour espérer passer à un élément moins embarrassant.
L'échec le plus retentissant reste le gouffre entre l'implication du joueur et les réactions du narrateur. Là où le premier opus commençait sur les chapeaux de roue avec la simili-petite-amie qui tentait de tuer le narrateur et dont le plan se retournait contre elle, ici à aucun moment Hajime n'est impliqué dans les meurtres. Il ne construit aucune relation, n'est menacé par personne, et les règles du jeu n'installent aucune tension durable. Et pourtant, à chaque meurtre, les lignes de dialogue prennent soin de se colorer de bleu pour nous indiquer qu'Hajime sombre dans le désespoir le plus total, avec les effets sonores idoines en prime. Un scénariste obligé de souligner que le public doit être triste au lieu de lui faire ressentir cette tristesse est tout de même le plus grand constat d'écher qui soit.
Aucun sentiment d'horreur face aux scènes de crime ou de châtiment, une structure lourde et rigide exploration-forcée/temps-libre/meurtre/procès, des éléments de gameplay qui reprennent le pire du premier opus, des personnages inintéressants à l'exception de Nagito, un twist couru d'avance et resservant le même méchant que dans le premier... Cette suite est un échec retentissant et prouve que pour faire du neuf avec du vieux, il faut au moins un peu d'inventivité. Si vous avez apprécié Danganronpa 1, passez donc votre chemin et ne jouez pas au 2 pour vous éviter une vilaine indigestion.