Critique d'une âme en peine

Ce n'est pas que j'aime nager à contre-courant, mais il faut d'emblée que j'admette quelque chose : je suis loin d'être un fan des Souls. Je reconnais de nombreuses qualités à la licence certes, à Dark Souls 3 aussi, mais il y a un truc qui ne va pas. Ce truc, ce n'est pas son gameplay qu'on pourrait qualifier d'exigeant ou le fait de devoir recommencer quelques fois avant de pouvoir terminer certaines… mais la façon qu'à FromSoftware à exploiter son univers.

Ce sont les principales questions que je me suis posé en jouant à Dark Souls 3 : pourquoi cet univers me rebute tant ? Pourquoi ai-je l'impression d'être Carlo dans le meme squidward window ?

Pourtant, j'aime bien la narration environnementale d'habitude. Narration environnementale qui, par ailleurs, m'a bien plus séduite dans Dark Souls 3 que dans les deux autres épisodes de la série. Voir ses « âmes » en peine, prier en vain, être tombées dans une sorte d'abysse de la folie, et les voir recommencer après chacune de nos excursions à un feu de camp marque forcément le joueur. Un personnage tiré d'une licence édité par un éditeur dont la philosophie s'avère être aux antipodes de celle de FromSoftware aurait pu donner une bien belle définition à leur folie.

Il faut bien que je me fasse une raison au pourquoi du comment je n'accroche pas. Peut-être que la narration volontairement cryptique, les noms droppés toutes les deux heures de jeu y jouent pour beaucoup ? Peut-être que cette même « crypticité » fait que j'ai quelque peu l'impression qu'on se fout de moi et qu'aucun scénario ne se cache derrière véritablement ? Peut-être parce que je sais que les fans ont leurs théories et donc que par fainéantise, je ne daigne pas me creuser les méninges pour comprendre les rouages de cet univers ? Après, peut-être juste que je suis juste (et indirectement pour le coup) un anticonformiste de merde ? Oui, ce sont des questions très sérieuses, y compris la dernière.

En me posant ces questions, j'ai, ma foi, un poil l'impression d'être un PNJ de Dark Souls, d'errer sans but, de paraître insignifiant pour autrui (qui lira cette critique de toute façon ?)… d'une certaine manière, c'est sur ce point que Dark Souls 3 a frappé le plus fort avec moi, il m'a fait être ce que j'ai combattu.

D'un autre côté, pour revenir à l'une des questions que je me posais plus haut, il y a bien un point sur lequel Dark Souls ne me plait pas : sa narration. Paradoxalement, la série arrive à être à la fois pas assez et trop loquace à mon goût. Ça cite quelques noms par ci par là, noms que j'oublierais bien vite bien entendu, pour les réentendre une dizaine d'heures de jeu plus loin. Forcément, inclure des lignes de dialogue supplémentaires aurait nécessité d'inclure de nouveaux PNJ, ce qui aurait en partie ruiné le côté « âme solitaire » de la série… surtout que pour le coup, les PNJ m'ont enfin donné l'impression d'habiter ces lieux, d'y avoir leur place, plus que dans les épisodes 1 et 2 en tous cas.

Il y a un côté « entre-deux » qui ne me plaît guère ici ; j'ai l'impression que les développeurs s'intéressent davantage à quelques joueurs obsessionnels (et je dis ça sans aucune animosité, j'étais ce genre de joueur passé un temps) plutôt qu'à la masse. J'évoquais la narration environnementale plus haut, et pour le coup, j'aurais préféré que Dark Souls 3 approfondisse encore plus ce côté-là… quitte à sacrifier toute autre forme de narration.

En l'état, difficile de pleinement apprécier Dark Souls 3 sans avoir internet à côté. Que ce soit pour lire les nombreuses théories de fans et autres explications de l'univers, ou (et c'est là où je profite de parler d'internet pour embrayer sur le second élément clé de Dark Souls 3), le gameplay.

Pour le coup, même si le gameplay nécessite lui aussi quelques consultations en ligne (je ne parle toujours pas de Doctolib mais bien de Dark Souls 3), notamment parce qu'il manque encore une fois un véritable tuto, paradoxalement, je me sens bien plus en harmonie avec ce dernier.

Pourtant, je suis loin d'être familiarisé avec le gameplay de la série. La dernière fois que j'avais joué à un Dark Souls, c'était en 2016, avec le 2… d'aucun dirait que j'ai joué à The Surge l'année dernière, mais ce n'est pas du tout pareil paraît-il. En l'état, le gameplay fonctionne très bien. Mis à part quelques rares problèmes de hitbox, qui ne m'ont absolument pas gênés, et le fait que parfois, sans raison, les âmes perdues après notre mort décident de se barrer à l'autre bout de la carte, le gameplay fait le café. Je pourrais pinailler aussi sur l'optimisation, pas parfaite, mais j'ai vu pire, surtout chez les développeurs japonais, donc loin de moi l'idée de descendre le jeu pour si peu. Après, quitte à parler d'optimisation, je pourrais parler de celle liée au multijoueur, mais on va y revenir plus tard.

Aussi incroyable que celui puisse paraître, je n'ai pas trouvé le titre si dur que ça. En fait, je l'ai même trouvé globalement plus simple que ses ainés. J'ai pourtant énormément galéré sur la première vraie zone du jeu, le Grand Mur de Lothric, zone pour laquelle j'ai mis plus de quatre heures pour m'en sortir. Je serais tenté de dire que j'étais fatigué (et c'est vrai que j'étais fatigué), mais l'excuse qu'est « il fallait que je reprenne mes marques » me semble plus appropriée. Plus sérieusement, une fois ma deuxième session de jeu lancée, le Grand Mur de Lothric « parcouru », je n'ai pas rencontré de gros problèmes avant un bon bout de temps. J'ai même été surpris de me voir battre, tout seul comme un grand, certains boss du premier coup : ce qui fait que c'est dans Dark Souls 3 que j'ai eu affaire aux plus faciles de la série. Mais paradoxalement (vous constaterez que ce n'est pas la première fois que j'emploie ce mot dans cette critique), c'est aussi dans Dark Souls 3 que j'ai eu le plus de mal pour battre certains d'entre eux. Dans l'ordre : Sulyvahn, le Roi sans nom et la Sœur Friede… vous noterez que deux de ces trois boss proviennent des extensions, ceci expliquant peut-être cela.

Bref, en tous cas, si on écarte les extensions, j'ai trouvé Dark Souls 3 plus accessible que ses prédécesseurs, même si le fait que ce ne soit pas mon premier épisode de la série a clairement dû y jouer. D'une certaine manière, Dark Souls 3 est plus chaleureux, à l'image des premiers décors que l'on traverse, plus ensoleillés que ceux du premier épisode de la série… premier épisode de la série qui, de surcroit, pouvait très vite perdre le joueur en nous mettant d'emblée face à un croisement, face à plusieurs chemins au bout desquels nous n'allions pas rencontrer la même difficulté. Vous l'aurez compris, le level design de ce troisième épisode est, lui aussi, plus accueillant. Plus linéaire et plus sage diront certains, mais tout de même encore dans l'esprit du premier épisode (là où le 2 s'en écartait totalement)… ce qui pourrait tout de même surprendre. J'avoue que je m'attendais à ce Miyazaki pousse le level design de cet épisode encore un cran en-dessus par rapport au deux premiers. Plus sage je disais ? Pas totalement non plus puisque les développeurs n'ont pas non plus oublié d'inclure des zones optionnelles (au nombre de quatre précisément) avec ce troisième épisode. Le Pic du Dragon Ancien étant d'ailleurs l'une de mes zones préférées tous Dark Souls confondus. Enfin, autre signe que le titre est plus « accessible » (vous noterez les guillemets, on parle de Dark Souls tout de même), j'ai l'impression que le PVP arrive plus tardivement… ce qui n'est pas plus mal puisqu'on va enfin pouvoir parler de l'un des plus gros défauts du titre : son multijoueur.

Pour le coup, je ne comprends pas. C'est le troisième jeu en cinq ans et les développeurs ne sont toujours pas capables de nous pondre un titre avec un multi potable. Là où c'est incroyable, c'est qu'on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Parfois, on se retrouve face à un adversaire littéralement insensible à nos coups alors qu'on a bien un retour nous indiquant qu'on l'a touché ; parfois, c'est l'inverse et on a l'impression d'être invincible ; parfois ce sont les deux en même temps, au moins ça équilibre. Une fois, je me suis retrouvé face à quelqu'un qui m'a enchainé en mode Ken le Survivant durant 5 secondes puis qui s'est téléporté 5 mètres plus haut une fois que je fus tué (mais là pour le coup, je pense que j'avais réellement affaire à un tricheur). Ah si ! Je suis quelques fois tombé sur des parties qui « semblaient » potables. Le truc, c'est que je suis quelqu'un de simple : si quand je perds je me dis que l'adversaire a eu de la chance, qu'il avait l'avantage de la connexion ou qu'il a gagné parce que ça a bogué… je me dis naturellement la même chose quand je gagne : la défaite devient alors frustrante, la victoire insignifiante.

Pour le coup, en mode multijoueur, le titre parle un langage complètement différent de celui du solo. Exit les esquives, le fait de pouvoir se retrouver dans le dos de l'adversaire avant de l'attaquer : on prend une grosse épée et on tape dans le vide, ça marche au moins une fois sur deux. Si encore le titre se voulait didactique en nous informant sur les statistiques et l'équipement de l'adversaire une fois le combat terminé, sur les techniques qu'il a employées, peut-être que cela aurait permis de davantage m'investir en mode multijoueur, mais que nenni : on gagne et on perd sans trop savoir comment.

À la base, je comptais jouer à Dark Souls 3 l'année dernière, mais FromSoftware a dû fermer les serveurs pendant plus de 200 jours à cause d'une faille. Je ne sais pas si ç'a changé grand-chose au niveau de la stabilité du multi et à vrai dire je m'en moque un peu : le fait que les serveurs ont fermés tant de temps témoigne, selon moi, du manque d'expertise des développeurs à ce sujet.

Après, vous seriez tenté de me dire qu'il était toujours possible de jouer hors-ligne. Le truc, c'est que ce serait passé à côté de la vision des développeurs d'une part, mais aussi passer à côté d'autres features d'autre part (les fantômes, les messages sur le sol, les invocations…). Du coup, que faire face à ce PVP ? Eh bien, tout comme pour Dark Souls 2, j'ai fini par faire une chose très simple lorsque je me faisais envahir : courir à l'autre bout du niveau, me cacher, essayer de distancer l'adversaire, avant de lâcher un joli alt+f4 des familles une fois acculé. C'est mesquin certes, mais on s'amuse comme on peut que voulez-vous ?

Bref, je ne vais pas passer plus de temps à parler de ce truc : le multijoueur est claqué au sol.

Que conclure ? Oui, j'ai aimé Dark Souls 3. Pas autant que la majorité des joueurs certes, mais je ressors tout de même conquis de l'expérience. Encore une fois, ce qui me frustre le plus, c'est surtout le fait d'avoir l'impression de passer à côté de la licence. D'une certaine manière, c'est tout ce qui attrait à la communauté qui ne me parle pas (multijoueur, wiki et autres tutos)… ça expliquerait bien des choses pour un joueur solo convaincu tel que moi.

Pourtant, encore une fois, je dois bien reconnaître que j'ai pris beaucoup de plaisir à jouer à Dark Souls 3. La preuve étant que j'avais hâte de rentrer chez moi pour pouvoir y rejouer, sentiment que je connais de plus en plus rarement au fil des années malheureusement. Donc oui, le titre est addictif, plutôt chronophage même (mais pas autant qu'un 4X, faut pas déconner quand même) ; certes, il ne réinvente pas la roue et mis à part un gameplay plus dynamique, il n'y a pas grand-chose d'autre à signaler sur ce point-là (peut-être la magie, mais je ne joue pas avec), mais force est de constater que l'ensemble se révèle très solide… en plus d'avoir une direction artistique qui troue le cul encore une fois.

Après, quitte à m'ouvrir jusqu'au bout (la critique touche à sa fin après tout), le titre m'est un peu lâché des mains vers la fin et, quitte à parler de fin, je les ai trouvées franchement décevantes, sans grande surprise en fait… tout comme Dark Souls 3 d'une certaine manière. Solide sur pratiquement tous les points, mais moins surprenant que je n'aurais pu l'imaginer.