Râle d'agonie en forme de déclaration d'amour, Dark Souls III est le chant du cygne d'un monde, d'une série. Ruines de châteaux, de cryptes et même de ruines, la déliquescence atteint son apogée dans un ultime soubresaut de la flamme primale. Perdu au milieu des démons majeurs, des dieux et des abominations, un seul objectif : ramener les tout-puissants seigneurs des cendres, morts ou vifs, et lier une dernière fois leurs âmes pour ressusciter le monde... ou l'achever.
Dark Souls III est une déclaration d'amour au joueur à la hache et au surin. La promesse qu'aucun challenge n'est insurmontable, la confiance infinie dans des capacités qu'on ne soupçonne même pas. On erre, de morts en trépas, trahis par nos réflexes dans les pièges les plus sournois, les timings les plus serrés. Jusqu'au soupir d'exultation d'un accomplissement inespéré, un de ces moments de grâce où l'on sort soudain la tête d'un océan de désespoir.
Une déclaration d'amour à une histoire, une saga. Des références innombrables à nos gloires passées, des combats légendaires sous le lichen et la poussière, derrière le tintement régulier d'un marteau ou la silhouette d'un chevalier égaré. Des lieux devenus mythiques d'affrontements d'anthologie, de fourberie décomplexée. Morts. Détruits.
Dark Souls III est la synthèse du savoir-faire de From Software dans tout ce qu'il a de meilleur et de pire à offrir. Si les combats n'ont jamais été aussi aboutis, c'est pour mieux nous faire plonger dans des abysses de cruauté. Si les panoramas n'ont jamais été aussi somptueux, c'est pour mieux les remplir d'ennemis démesurément puissants. Rien n'est gratuit, tout se paye : et la monnaie est votre âme.
Challenger permanent d'un monde à l'échelle de géants, humain trop humain dans une faune impitoyable de cauchemars monstrueux, bercé par la mélodie lancinante de la dépression des personnages, le joueur est une poussière portée par les bourrasques d'un univers qu'il ne comprend pas. On distinguerait presque la voix de VaatiVidya derrière les dialogues étouffés de quêtes cryptiques, nous expliquer la tragédie invisible qui se joue sous nos yeux. Simple pion d'un échiquier ténébreux, nos choix aveugles se répercutent en suicides et en meurtres, déviant la course des cycles vers une fin nébuleuse.
Dark Souls III est la conclusion géniale d'une série majeure du jeu vidéo, riche à en pleurer. Des environnements immenses comme jamais, des boss géniaux au panthéon des meilleurs de la série, une aventure foisonnante de zones annexes, de passages cachés et de quêtes secondaires. Un mode en ligne perfectionné, qui se maîtrise dans la chique et le sang des embuscades de joueurs PvP. Le final en apothéose d'une histoire sibylline portée par une philosophie de l'intransigeance. Drogue dure de l'expérience déifiée, vitrine d'une narration du clair-obscur, aucune critique ne saurait capter Dark Souls dans toute sa complexité.
Imparfait, buggé, parfois injuste, et pourtant.