Expérimentant le scrolling vertical et du jeu en coopération pour un vague prototype sur la Famicom, Kensuke Tanabe finira par transformer son projet en un jeu de plate-forme puisant dans l’univers d’un show TV japonais pour lequel ils y ont ajouté de nouveaux personnages et événements originaux. Très confidentiel sous cette forme en dehors du Japon, duquel il n’a jamais été pensé pour s’exporter de toute manière, Yume Kōjō Doki Doki Panic est notamment le jeu qui sera revu avec l’esthétisme de Mario pour offrir à l’occident Super Mario Bros 2, pour nous faire patienter avant le gargantuesque Super Mario Bros 3 tout en nous épargnant l’éprouvant Lost Levels.
Comme c’est le jeu original, c’est dans cette critique que j’apprécie le gameplay de Super Mario Bros 2 qu’il reprend à la lettre et j’y ajoute ici tout ce qui a trait au visuel et à la bande-son de Doki Doki Panic, je vous recommande ainsi de commencer par cette critique avant de poursuivre sur celle de Super Mario Bros 2 si cette dernière vous intéresse.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆
Avec un total de 4 personnages jouables au maniement différent dans leur inertie et même un peu dans leur commandes, la possibilité de gérer la puissance et la trajectoire des sauts avec beaucoup d’amplitude et la capacité de sauter très haut en restant accroupi quelques instants, le maniement du titre est assez riche et ambitieux de prime abord. Bien équilibré quant aux différents personnages jouables qui peuvent être plus ou moins intéressants selon les niveaux, respectant une courbe de difficulté plutôt cohérente dans l’ensemble… il affiche des promesses supérieures à norme des jeux du genre de son époque.
Une mécanique de jeu centrale est la possibilité de prendre ce qui est en dessous de nous, ennemis inclus, de le transporter au-dessus de notre tête puis de le déposer ou de le lancer. C’est utilisé pour défaire les adversaires communs, pour lesquels leur sauter dessus est inoffensif à la chute, mais c’est aussi utilisé pour des puzzles, comme lorsqu’on creuse des tunnels pour progresser sans conduire la chute des ennemis sur notre trajectoire, pour les boss, comme l’emblématique Birdo qui balance des projectiles sur lesquels il faut sauter pour pouvoir lui renvoyer...
Certes, ça peut alourdir certaines actions qui ne méritaient pas toutes ces manipulations en temps normal, comme simplement ramasser une amélioration où l’on pourrait simplement passer dessus pour plus de fluidité, mais à part ce détail tout à fait secondaire c’est une mécanique originale plutôt réussie. En plus de cela, certains items permettent de geler tous les ennemis et plates-formes quelques secondes, d’autres de pulvériser tous les ennemis de la zone… Ce qui donne donc un maniement formidablement complet et avec pas mal d’ambition et d’originalité et qui sera de plus bien exploité par les situations de jeu.
Le level-design peut être assez labyrinthique avec des passages horizontaux comme verticaux, des portes pour passer d’une zone à une autre, des environnements parallèles à explorer quelques secondes… Et les situations de jeu sont vraiment pensées avec ces règles, on passe sur le dessus d’un niveau puis on revient en dessous où les ennemis d’en haut qui ont respawn interagissent avec nous en bas, on réfléchit à quels blocs cassés dans un monde pour que le passage soit débloquée dans l’autre en sachant que droite et gauche sont inversées d’un monde à l’autre, on descend à droite du tableau en voyant comment on va devoir remonter à gauche...
Jusque-là, tout est excellent mais il y a un os. Une barre de vie permet plusieurs erreurs avant le game over mais les conditions de son extension en jeu ne sont pas très intéressantes, c’est le plus souvent un secret qui n’est résolu ni par une énigme ni un beau jeu qui vient offrir un précieux cœur de plus. De la même manière, ce n’était peut-être pas non plus une bonne idée d’inviter au farming en offrant un point de vie tous les 5 ennemis vaincus, ennemis souvent peu intéressants à affronter en boucle et respawnant à l’infini. Mais c’est surtout les 3 continues ne contenant chacun que 3 vies qui posent réellement problème.
Seul le hasard avec la loterie en fin de niveau peut nous épargner en offrant de précieuses vie supplémentaires pour parcourir les 20 niveaux répartis sur les 7 mondes du jeu, une belle générosité au passage vu leur longueur très correcte, c’est un peu dommage même si ça a au moins le mérite de donner une vraie importance aux pièces collectées. Sinon, c’est vraiment de très bonne qualité et la gestion de la difficulté est parfaitement acceptable face à la concurrence, j’ai donc envie d’en retenir le positif. Reste à savoir si ce positif se vérifie également pour ce qu’il s’agit de la réalisation et de l’esthétisme.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆
La Famicom commence à être bien exploitée par les développeurs avec des graphismes détaillés et des couleurs chatoyantes. Beaucoup de motifs viennent enrichir les différents blocs composant les sols et plates-formes, les transitions entre les tableaux se font avec un défilement présentant une zone de transition chevauchant les 2 écrans… Il n’y a que quelques détails visuels qui ont été bâclés, à commencer par l’écran de la loterie avec un vert fluo uni parfaitement hideux. On a aussi le problème récurrent de la génération avec l’effet cascade sur tout l’écran qui défonce les yeux, des éléments décoratifs très statistiques…
Mais sinon, pas grand-chose à redire sur le plan technique d’un point de vue visuel, même sur des questions de mise en scène, entendue au sens des capacités limitées du support bien entendu, certaines transitions entre les tableaux peuvent profiter d’un réel effort à ce niveau, comme lorsque l’on grimpe à bord d’une fusée, même si celle-ci fait peut-être un peu tâche avec la direction artistique générale. En effet, très libre artistiquement pour adapter l’univers du show TV alors très peu consistant, c’est quasiment tout un univers original qui est créé par Nintendo.
C’est un thème plutôt proche du Moyen-Orient qui est retenu, du chara-design des protagonistes aux adversaires rencontrés en passant par les environnements parcourus, c’est le principal fil rouge visuel qui s’en dégage. Chevauchant un tapis volant, frottant des lampes magiques, combattant des serpents sortis de jarres… c’est un choix très original étant donné les univers dépeints ailleurs à l’époque et parfaitement approprié à la fantaisie et à l’exotisme qui doivent s’en dégager. Tout ces éléments sont aussi pensés autour de la thématique du conte pour enfants, comme avec ces herbes grimpantes à la manière de Jack & le haricot magique, ces mondes qui correspondent à des chapitres du livre relatant l’histoire… ce qui est toujours bon à prendre.
Assez ouvert avec son univers décomplexé, le titre présente par ailleurs des personnages originaux comme les mystérieux mais attachants Shy Guy, Maskass en Occident, des personnages transgenres comme Birdo, controversés comme des têtes noirs qui pourraient rapidement être vus comme racistes en occident… ça a le mérite de se démarquer des standards même si ce n’est pas toujours à mon goût je dois dire. Le monde alternatif se distingue immédiatement à l’œil avec ses inversements de couleurs entre premier-plan et arrière-plan mettant en avant les items à collecter, une très bonne idée aussi.
Par contre, si l’OST, composée par l’immanquable Koji Kondo, est très bien avec ses thèmes extérieurs, souterrains et de boss, qu’est-ce que ces 3 thèmes se répètent ! Sur un jeu si long et varié qu’il faut faire 4 fois pour en voir la fin, c’est assez problématique et ce n’est pourtant rien face au vrai problème sonore. Plusieurs bruitages sont très désagréables à l’écoute alors qu’ils surviennent pour des actions positives, comme ceux représentant un cri pour les ennemis à leur défaite ou l’apparition d’une porte. J’ai du jouer avec le volume faible pour supporter, c’est franchement dommage.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Assez libre dans ses choix artistiques et ambitieux dans son game-design, Nintendo est parvenu à faire de cette adaptation télévisuelle et prototype oublié un bon jeu de plates-formes profitant d’un maniement complet et original très bien exploité par des situations de jeu diversifiées et pertinentes sur une durée de vie très honnête afin de parcourir un univers à la direction artistique orientale exotique et fantastique. Peut-être pas un immanquable de sa machine mais au moins un de ses bons jeux oubliés derrière sa version occidentale Super Mario Bros 2 elle-même oubliée derrière le pionnier SMB1 et le mastodonte SMB3.