Dance of the Morrigans !

Parmi les excellents jeux, il y a ceux qui vous emballent et vous font passer un excellent moment, marquant à jamais votre mémoire, et il y a ceux qui vont plus loin encore, pour vous posséder complétement : vous vous surprenez alors y penser régulièrement, même loin de l'écran, à affiner vos stratégies et ruminer vos défaites, des mois durant. Dominions 3 entre dans cette seconde catégorie.

Alors crevons l'abcès tout de suite : non, il ne vaut pas 10/10. Son ergonomie et son interface sont laborieuses et pénibles, c'est très moche, et le multijoueur serait entièrement à revoir. À cause de ces défauts, il mériterait 9/10. Mais puisque à cause ces mêmes défauts, de nombreux amateurs de stratégies sont passés à coté de cette merveille, je gonfle la note d'un point pour réparer cette injustice, appelons ça le point marketing.

Qu'est-ce qu'il a ce jeu qui le rend si exceptionnel ? J'ai du m'y reprendre à plusieurs fois avant de découvrir la richesse de ce jeu. La première fois, j'ai découvert un jeu de stratégie intéressant, avec à priori beaucoup de sorts et de troupes différentes, mais avec un échantillon disponible assez réduit à chaque partie. Sympa, mais pas transcendant. Puis, quelques mois plus tard, j'ai décidé de pousser un peu : lire un peu des guides sur le net, comprendre un peu plus comment la magie fonctionne, les options possibles... je suis alors tombé face à un abime, un jeu immense, infini avec un nombre de stratégies impossibles à dénombrer ! Un jeu fascinant, qui se transforme alors en laboratoire de nos délires les plus fous.

Épique, on prend plaisir alors à réfléchir sur du moyen et long terme : pour certaines races, on peut préparer des stratégies qui se mettront en place sur 200 tours de jeu ! Les troupes ne sont qu'un rideau, un prétexte pour articuler le cœur du jeu : la magie. Elle fonctionne en combinaison et permet vraiment de faire beaucoup de choses. Vous pouvez entièrement invoquer vos armées plutôt que de former classiquement des soldats, vous pouvez d'ailleurs vous passez de votre population. Vous pouvez créer des combinaisons simples : faites une armée d'archers, lancers un sort qui enflamment toutes les flèches, un sortilège qui va améliorer grandement leur précision et un autre pour les faire agir plus vite... ou créez des super-combattants : prenez un géant, équipez-le d'un médaillon qui le rend éthéré et le protège des coups physiques, et d'une épée qui absorbe l'énergie vitale et lui évitera de sentir la fatigue tant qu'il touchera des êtres vivants avec son épée, et vous avez une unité qui peut potentiellement vaincre des milliers de troupes toute seule. Vous pouvez chercher à obtenir des enchantements très puissants : créer un second soleil pour réchauffer tous les territoires (imposant de lourds malus à certaines races) ou provoquer des maladies/malédictions qui qui signifie à terme la mort des tous les êtres vivants (et là, si n'êtes ni en mesure de contrer cet enchantement, ni de vous appuyer intégralement sur des démons ou mort-vivants, votre dieu va se sentir bien seul dans son royaume), etc.

Jouer en multijoueur apporte évidemment un gros plus. Vos plus belles stratégies que vous pensiez naïvement invincibles s'effondreront. Votre gigantesque armée de géants suréquipées et protégées par les plus puissants sorts, cette armée qui génèrent un froid si intense qu'un être vivant normal gèle avant même de pouvoir porter un coup, cette armée même qui a battu toutes les IA rencontrés, vous la verrez tomber face à un joueur qui aura pris soin d'aligner quantité de mages minables avec pour ordre de lancer en boucle un simple sort qui va fatiguer vos beaux géants, les fatiguer tellement qu'ils vont tomber dans le coma un par un avant même d'avoir pu atteindre les lignes adversaires, se faisant ensuite abattre et égorger par de bêtes humains ordinaires...

C'est ça Dominions 3 : des geeks obsédés qui peuvent discuter des heures durant de la meilleure invocation, du parfait super-combattants, du meilleur assassin qu'ils ont réussi à créer : « il te faut invocation au niveau 4, ensuite tu invoques telle créature, qui permet permet d'avoir un mage de mort de niveau 3, il suffit ensuite de l'équiper de tel sceptre pour monter sa magie d'un point et tu peux alors invoquer ce démon ! En lui faisant lancer ce sort, combiné avec cette cape... tu as l'assassin parfait pour un investissement de seulement une quinzaine de gemmes en tout ! ». Même lorsque lassé, on arrête le jeu, c'est n'est jamais définitivement, on y revient toujours.

Pour avoir joué à de nombreux jeux vidéo, j'affirme sans sourciller que Dominions est inégalé : tellement profond, que les autres grands jeux de stratégies ne font que l'effleurer. Alors évidemment, ce n'est que de la stratégie pure et dure : si on donne des ordres généraux aux officiers, on ne gère pas les batailles, nous ne sommes que témoin du résultat après la bataille, grâce à une merveilleuse bouillie de pixels... si laide et pourtant si suggestive qu'elle nous permet plus facilement de nous prendre au jeu.

Quatre ans après sa sortie, ce jeu reste un OVNI ludique qui n'a perdu une once d'intérêt. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'éditeur le vend toujours au prix fort. Si vous aimez la stratégie qui tâche, si la nécessité de se taper un manuel de plus de cent pages pour connaître les bases ne vous fait pas peur, si lorsqu'on vous dit qu'il faut probablement une dizaine d'heures de jeu pour appréhender le cœur du jeu, et une centaine pour en avoir une excellente connaissance, ça vous excite : foncez !