Résumons vite fait : Downfall est un freeware (pour les anglallergiques : logiciel gratuit) développé par R Michalski en 2009. Fortement imprégné d'ambiance films noir et des œuvres de King, il proposait une plongée cauchemardesque dans la dégringolade d'un couple au bord de la rupture, au sein d'un hôtel hanté. Certes très amateur dans sa réalisation, le jeu était une expérience narrative forte et diablement efficace, ayant su trouver son public et donné à son créateur ses premières entrées dans le jeu indépendant. Remonté comme un coucou hanté, Michalski enchaîne quelques années plus tard avec "The Cat lady" (que je vous recommande très fort) avec du budget, de vrais graphismes, des doublages, un jeu indé bien pomponné et quasiment parfait pour tout fan de point n'click. DONC quand le bougre a annoncé ensuite qu'il allait faire un remake de son Downfall en lui retapant la gueule, en lui donnant une voix et une interface moins "Je suis le rejeton miteux des années DOS", pensez donc si son public a frétillé.

Et putain, Micha, si c'était pour faire ça, t'aurais pu garder les mains dans ton slip. Parce que ton jeu, là, il est peut-être beau et il a de la voix, mais quel PUTAIN de foutage de gueule tu nous vends là...


Le jeu-tronc, mais avec des paillettes

Je ne vais pas revenir sur le scénario (un couple en crise se retrouve dans un hôtel isolé, l'épouse de monsieur disparaît, les fantômes font la fête, un maniaque à la hache passe dire bonjour, etc...) qui est sensiblement le même que dans l'original.

Mais.

Mais, mais, mais, mais, voili voilou, le scénario a pris un méchant coup de cutter dans le gras, au point que certaines scènes ont disparu (l'anecdote liée au chat, pourtant pas mal présent physiquement dans ce remake, la séquence superbe au cœur de la ville abandonnée, une bonne partie de la fin, le personnage du docteur Z, réduit à un figurant) et que les symboliques - pourtant mitraillées au fil du jeu - sont à peine expliquées, ou très mal.

Quand le jeu original parvenait à résoudre avec finesse chaque nœud de son intrigue, chaque symbole, chaque scène, tout en laissant une part d'ombre pour permettre au joueur de faire sa propre interprétation, Downfall 2016 en élude une grande partie et parvient même à rater sa révélation finale, balancée comme un bout de viande sur un comptoir. Pour vous faire une analogie, c'est à peu près comme si Luke avait appris la vérité sur son père par un obi-wan bourré à la cantina. Ça perd toute intensité, c'est tellement torché qu'on est même pas certain d'avoir compris ladite révélation, qui nous laisse de marbre alors même qu'elle régit tout le "pourquoi" de l'histoire. Si je n'avais pas joué à l'original, je serais tout simplement passé à côté d'une grande partie du scénario.

Et dieu sait ce que ce remake aime faire de ses décors et de ses scènes des tableaux surréalistes très angoissants, qu'il sait installer une ambiance à la fois oppressante et pesante de mélancolie, notamment au travers d'une musique alternativement malsaine (un petit côté nine inch nails) et profondément triste. Sur le plan visuel et musical, Downfall 2016 est une petite perle mais ne fait pas grand chose de tout ça. Le gore parfois gratuit se substitue au travail de mise en scène, les dialogues sont réduits, les personnages secondaires deviennent terriblement unidimensionnels et mal employés ( la gérante de l'hôtel qui a le mot "saloperie de traîtresse" gravée sur le front, par exemple, mais à qui le jeu est supposé nous demander de faire confiance, le personnage d'Agnès qui après avoir été central disparaît d'un coup, etc...).

Tout est sans finesse, mal amené. Les limitations techniques avaient contraint Michalski à déployer des astuces de narration pour compenser la pauvreté visuelle de son Downfall d'origine et il a visiblement cru que ces limitations envolées, il pouvait se permettre de tailler dans le vif. Hé bien non, Mika, tu peux pas. Sinon ça fait un jeu certes pomponné, maquillé et parfumé mais à qui t'as coupé les bras et les jambes. Ça peut plaire mais ça reste fondamentalement assez vilain.

Autre effet kiss cool : l'interférence dans l'histoire de "The Cat lady", le précédent jeu de Michalski, qui ne se contente pas d'être un easter egg mais introduit notions et personnages que vous ne pouvez pas comprendre si vous n'y avez pas joué. Alors soit, les deux univers se complètent et c'est chouette d'avoir une ligne directrice SAUF QUE dans "The cat Lady", le mélange prenait bien, restait cohérent et compréhensible. Là on a juste l'impression que le jeu vient boucher les trous béants de "Downfall 2016" et ça ne m'a donné qu'une envie, y rejouer plutôt que de m'emmerder sur ce fade remake.


Ah mais tu fais chier, et le fun dans tout ça ?

En effet, j'ai pas encore abordé le gameplay mais là encore, ça enchante pas des masses.

Le jeu reprend l'interface de "The cat Lady" sans rien y changer : tout se fait au clavier dans des décors 2D,les touches haut et bas servant respectivement à interagir et à ouvrir l'inventaire (dans lequel on doit également naviguer au clavier). Et si dans son prédécesseur, elle se prenait bien en main et passait - quoi que je préfère la souris - dans "Downfall 2016", elle devient laborieuse, ralentit le jeu, casse le rythme. Est-ce que parce que j'étais déjà en mauvaise condition en voyant le scénario laminé et dégraissé ? En tout cas la souris m'a salement manqué. Devoir s'arrêter devant le moindre putain d'escalier, au pixel près, puis appuyer sur haut, puis sélectionner "tu vas monter, bordel" en permanence, c'était lourd. Très lourd.

"Ouais mais tu dis que c'est comme dans "the cat lady" mais que là c'est pas bien. Tu te contredis."

Dans "The cat lady", ce n'est pas terrible non plus mais ça passe parce que le rythme du jeu et de l'histoire sont lents et les décors variés, nous évitant le pénible phénomène de l'aller-retour dans les mêmes zones avec une interface pesante. Ce que ne fait pas "Downfall 2016" puisque nous sommes confinés à l'hôtel et que les rares sorties sont de courte durée. Qui plus est, son scénario repose sur un sentiment d'urgence, une situation angoissante, totalement désamorcés par ces va-et-vient pénibles dans des décors restreints. Heureusement pas pour longtemps.

Oui, puisque le scénario a été tronqué, la durée de vie s'en ressent : le jeu est court (3h30 pour boucler ma première partie) et ce n'est pas sa difficulté aux fraises qui va le rallonger.

L'alchimie délicate dans un point n'click est de parvenir à des énigmes dont on égrène les indices tout en ne mâchant pas trop le travail pour permettre au joueur une sensation d'accomplissement lorsqu'il trouve enfin la solution. "Downfall 2016" loupe totalement le coche : le jeu vous balance texto "va là pour prendre ça que tu utiliseras sur ça" (c'est à peine moins explicite). Et si d'aventure, il devient plus subtil - entendons par là qu'il ferme enfin sa gueule - les interactions possibles sont si minimes, et l'éventail d'objet ramassé tellement insignifiant que ce n'est guère mieux. Exemple : vous arrivez devant une énigme. Vous avez accès à deux décors. Dans lesquels vous ne pouvez ramasser qu'un objet.Voilà pour la sensation d'accomplissement. Alors je veux bien croire qu'ayant joué à l'original, le jeu est certes plus facile mais sincèrement, la seule manière d'être bloqué dans une énigme est de ne pas savoir lire. Jusque-là, je pense qu'à peut près n'importe quel joueur ayant dépassé le stade Call Of Duty en est capable. Et si l'intention de Michalski était davantage de proposer une expérience narrative plutôt qu'interactive, je vous renvoie à son scénario mis à la diète. Sans commentaire.


Le diable est dans les détails mais le diable, on l'emmerde

Un scénario famélique et simplifié, un gameplay linéaire... contre de beaux visuels et une musique qui envoie. On pourrait penser qu'on a là un 50/50.

Sauf qu'en plus de ces gros travers, "Downfall 2016" en accumule aussi des petits, comme autant de clous dans son cercueil :

Premièrement, le jeu vous demande à CHAQUE lancement de choisir la langue avant même de vous afficher le menu, ce qui vous oblige à défiler pour trouver votre langue.

De même, un prologue jouable - contenant des éléments non négligeables à la compréhension du scénario - se lance également à chaque lancement. Alors oui, vous pouvez le passer mais QUEL jeu met son intro jouable AVANT le lancement de l'écran titre ? C'est lourd, déjà et c'est le risque qu'un joueur qui martèle "échap" pour accéder au menu zappe cette intro sans s'en apercevoir ( ce qui m'est arrivé puisque je voulais passer les logos du studio, sans me douter qu'ils cachaient un bout du jeu).

La liste des commandes est incomplète, j'ai découvert complètement par hasard comment passer les dialogues - assez indispensables quand on en est à la seconde ou troisième partie- en pressant toutes les touches de mon clavier "pour essayer". (le raccourci pour quitter, grand absent lui aussi...)

Les sauvegardes ne sont pas écrasables : comprenez par là que si vous sauvegardez, vous devez obligatoirement crée une nouvelle sauvegarde. Puis aller dans le menu de chargement pour supprimer les autres sauvegardes. Chez Michalski, je pense qu'on jette les assiettes quand elles sont sales et qu'on ré-enroule le papier toilette sur un rouleau vide...

Il est également impossible d'accéder aux options pendant la partie ou de revenir au menu principal pour cela : une fois la partie lancée, vous devrez quitter et relancer le jeu. Alors certes, plusieurs options sont accessibles via raccourci claviers mais pas toutes. En quoi était-ce compliqué de proposer un menu option PENDANT le jeu ?

Je passerai sur les maladresses du genre de la version française du jeu qui conseille de jouer sans sous-titres dans un jeu exclusivement doublé en anglais pour "améliorer l'immersion" ou la qualité parfois passable de la traduction (pas épouvantable mais quelques maladresses qui cassent effectivement l'immersion), l’interface hyper simpliste, limite moche quand le reste du jeu a une identité visuelle fouillée, etc... Tout ça a beau être du pinaillage, greffé aux problèmes énoncés plus haut, ils plombent un peu plus ce "Downfall 2016" qui sent le sapin, et pas comme il devrait.


C'était mieux avant. Et avant le avant.

Je sais que je peux paraître chiant à systématiquement comparer "Downfall 2016" à ses deux prédécesseurs mais si j'ai autant insisté dessus, c'est parce que ce jeu s'est mis lui-même dans l'impasse. Il ne peut être compris et appréhendé qu'en jouant à l'original et à "The Cat Lady", jeux qui lui sont supérieurs en tout points (Ok, pas pour les graphismes avec le premier "Downfall" mais perso je préfère une vraie ambiance à de jolis tableaux surréalistes sans rien derrière) et donc le rétrogradent à la place de demi-frère cul-de-jatte à moitié fini. Vous ne pourrez pas apprécier "Downfall 2016" en ayant joué à mieux, mais vous ne pourrez complètement le comprendre qu'en jouant à mieux... donc... pour qui est ce jeu ? Pour les fan de la première heure comme moi - et perso j'ai hurlé ma rage en voyant que j'avais fini le jeu en moins de 4 heures ? Pour ceux n'ayant jamais touché à un Michalski qui vont certes davantage apprécier en découvrant son univers mais ne vont rien bitter à certaines allusions ?

Le jeu est mal fini. Le jeu est honteusement torché. En fait, je n'ai retiré comme sensation que Michalski en avait marre, en avait fini avec Downfall mais s'est employé à le lifter pour "faire propre". Ou pour se faire du fric, je ne sais pas. Mais clairement, il n'en avait pas grand chose à foutre et si je me trompe hé bien Micha, tu as sacrément baissé depuis "The Cat Lady" et ça augure pas du bon pour la suite.

Et pour trouver quelque chose de positif : pour 15€ vous aurez certes ce demi-remake mais aussi le "Downfall" original. Donc mettez-vous un peu de collyre et faites plutôt celui-là. Le remake sera pour une après-midi ou vous n'avez rien d'autre à jouer. C'est un petit débile mais un BEAU petit débile.

SubaruKondo
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le 30 avr. 2023

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SubaruKondo

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