Final Fantasy VII: Remake
7.5
Final Fantasy VII: Remake

Jeu de Square Enix (2020PlayStation 4)

Dire que ce remake de Final Fantasy était attendu au tournant est un euphémisme. Quelques années après son annonce, les joueurs, fébriles, le tiennent enfin au bout du pad. Et le verdict est sans appel : la magie n’opère plus !


La format épisodique : source de nombreux maux !


Sans doute est-ce dû au format épisodique, ce choix douteux qui est, à mon sens, à l’origine de nombreux symptômes dont souffre ce remake. C’est peu dire qu’il a inquiété bien des joueurs. A juste titre. Final Fantasy VII Remake ne présente donc, en l’état, que la partie du jeu originel se déroulant dans la ville phare de Midgar. Passons outre le fait que l’on peut légitimement s’interroger quant à la capacité de Square-Enix à honorer dans un délai raisonnable une suite qui, pour couvrir la totalité du jeu, devra inévitablement s’étaler sur plusieurs épisodes supplémentaires. Non, ce qui est vraiment problématique, ce sont les conséquences désastreuses d’un tel choix sur l’ensemble du jeu.


Une intrigue délayée


A commencer par l’intrigue. Véritable point fort de l’opus original, elle se voit exagérément étirée dans cette revisite. Rien de très surprenant, dans le fond ! Le chapitre de Midgar, qui occupait le joueur quelques heures en 1997, propose désormais une aventure d’une grosse trentaine d’heures… Difficile de tenir une telle longueur avec un pan scénaristique qui reste, quoi qu’on en pense, assez ténu, au regard de l’ensemble de l’intrigue.


Bien sûr, cet étirement donne parfois quelques coups de génie, comme le développement de certains personnages, à l’instar de Jessie ; mais le plus souvent, les ajouts scénaristiques sont assez dispensables (c’est le cas de l’ajout d’un personnage, dans une scène de course en moto d’un autre âge). Alors, oui, c’est vrai, on en apprend davantage sur la structure et le fonctionnement de Midgar, on en apprend davantage sur la Shinra, on comprend mieux les motivations de certains personnages. Fallait-il, pour autant, en rendre compte à travers une expansion narrative aussi excessive, parfois même lourdingue, qui vient régulièrement briser le rythme du jeu et plonge, à certains moments, le scénario dans une torpeur terrible ?


Des mécaniques datées et ennuyeuses


La seconde conséquence fâcheuse liée à ce format épisodique concerne les mécaniques de jeu. Pour transformer un chapitre de quelques heures, dans un espace clos, en un jeu complet, il faut faire preuve d’un sacré génie. Un génie qui n’a malheureusement pas caractérisé le travail des équipes en charge de ce remake.


L’aventure se borne donc à une succession de zones clonées, sans grande inspiration artistique pour la plupart d’entre elles, qui alternent couloirs et arènes dans des séquences souvent tirées en longueur pour gonfler artificiellement la durée de vie. A cela s’ajoutent des phases bancales, comme une course poursuite en moto totalement foireuse, et des mécaniques de jeu datées que les développeurs répètent à l’envi. Tout au long du jeu, vous devrez donc franchir un nombre incalculable de poutres en équilibre, vous faufiler d’innombrables fois entre des débris, actionner abondamment des boutons, déplacer régulièrement des objets pour pouvoir progresser… Vous la devinez, la pauvreté ludique ? Illustrons-la plus clairement !


Il y a notamment (et s’il n’y avait que celle-là !) une séquence qui demande au joueur de déplacer des bras articulés pour pouvoir progresser dans un long couloir jonché de gravats. L’idée serait intéressante si la mécanique n’était pas clonée à plusieurs reprises, coup sur coup. L’intérêt, en l’occurrence, n’est absolument pas ludique : il convient juste d’occuper le joueur, d’une façon terriblement ennuyeuse (puisqu’elle n’impose pas de réelle réflexion et qu’elle se borne à répéter plusieurs fois la même chose), pour gagner du temps de jeu.


Ajoutez à cela des quêtes annexes souvent ridicules, qui se bornent à collecter des éléments ou à parcourir quelques centaines de mètres pour tuer quelques monstres dans une petite arène spécialement conçue pour ça. A ce sujet, les développeurs semblent tellement conscients de leur inconsistance qu’ils permettent au joueur une téléportation directe vers le PNJ qui vous a confié la mission lorsque celle-ci est résolue.


Alors, oui, sur le papier, le paris est tenu : un chapitre de quelques heures est converti en une aventure de plus de trente heures. Mais à quel prix ? Ce remake en devient souvent un jeu creux, ennuyeux, qui donne le sentiment d’être resté figé dans des mécaniques qui, déjà sur la génération précédente, montraient leurs limites ludiques. C’est, de ce point de vue, un échec total !


Un univers moins charmant


Le format épisodique impacte également la dimension artistique de l’œuvre. Certes, les plans figés avec caméra fixe de l’épisode original ont pris un sacré coup de pied mais qui a oublié le charme fou que le jeu exhalait à l’époque ? En 2020, Square-Enix dispose de technologies ahurissantes, comparativement à 1997, mais parvient paradoxalement à rendre une copie qui manque singulièrement de charme.


Evidemment, on retrouve les lieux emblématiques de Midgar, souvent fidèlement retranscrits. En ce sens, c’est une réussite. Le problème, ce sont, une fois encore, les ajouts bien peu inspirés.
Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, là où le prologue du titre original se bornait à quelques tableaux qui possédaient un charme et une identité graphique indéniables, totalement suffisants pour poser une ambiance et les enjeux scénaristiques, le remake adjoint une série de zones qui non seulement n’apportent rien d’intéressant en matière de gameplay mais qui, en plus, artistiquement, se présentent comme des vagues de clones qui dénaturent totalement la direction artistique folle de l’œuvre.


Il y a, évidemment, quelques zones qui sortent du lot. Je pense notamment aux beaux quartiers de Midgar. Quelques pépites, noyées dans un océan de couloirs génériques, sans âme, sans génie artistique. Quel dommage !


Oh ! Bien sûr, tout n’est pas à jeter. Les personnages sont graphiquement sidérants, les effets de lumière spectaculaires et quelques rares panoramas valent vraiment le détour.


Mais tant graphiquement que techniquement, Final Fantasy VII Remake est très clivant. Il alterne l’excellence, donnant parfois le sentiment d’être l’un des plus beaux jeux de sa génération, la laideur, souvent sidérante d’amateurisme lorsqu’elle saute sans vergogne aux yeux du joueur. Il est capable de multiplier les effets pyrotechniques classieux et d’afficher des chevelures dantesques mais nous refile des arrière-plans en JPEG tellement pixelisés qu’on a l’impression de revenir aux vieilles toiles de fond des débuts du cinéma. Une inconstance que l’on retrouve en définitive dans bien des aspects du jeu.


Des combats nerveux mais brouillons


Que serait évidemment un Final Fantasy sans son système de combat ? En la matière, n’en déplaise à certains, Final Fantasy VII reprend, dans les grandes lignes, la philosophie de l’opus numéro XV en y intégrant les mécaniques du jeu original, souvent vaille que vaille (salut, les invocations, coucou les matérias !). Je ne suis pas un acharné du combat au tour par tour mais je dois bien avouer que le système désormais utilisé par Square-Enix, bien que spectaculaire et assez nerveux, manque grandement de finesse. Il est ainsi tout à fait possible de conclure la majorité des combats en bourrinant. Certains vous diront qu’il est aussi possible de combattre proprement. Oui, c’est vrai, mais il n’empêche que le fait de pouvoir foncer tête baissée en martelant des boutons démontre une évidente paresse de la part des développeurs. Le système manque de profondeur : c’est une évidence ! Il ne reste dès lors que des combats dynamiques mais souvent illisibles, distrayants mais rarement gratifiants, et ce sentiment, dont il est parfois difficile de se départir, de se trouver devant un beat’em up un peu bas de plafond.


De la nécessité d’être inconstant dans tout !


Je pourrais encore citer d’autres griefs qui incarnent l’inconstance permanente dont fait preuve le jeu : le clivage entre des héros japonisés et des PNJ clonés qui ont un style européen très réaliste ; l’obligation de se retaper une zone déjà parcourue en sens inverse parce qu’une ellipse narrative, amplement suffisante, aurait fait perdre une demi-heure de jeu au compteur alors que d’autres moments, plus intéressants, sont compressés ; l’IA assez calamiteuse mais dont on parvient, en passant d’un héros à l’autre, à tirer son épingle du jeu ; une VF assez inégale, souvent trop scolaire, conjuguée à des dialogues qui frisent parfois le ridicule ; une fin aussi intéressante que discutable ; etc.


Il n’y a définitivement aucun compartiment dans lequel le jeu excelle ! Un comble, pour un remake qui entendait combler les lacunes du jeu original…


Un remake dans l’air du temps


Au final, Final Fantasy VII Remake s’inscrit dans l’air du temps. Une aventure gonflée artificiellement, percluse de mécaniques parfois datées, enlisée dans une boucle de gameplay minimaliste et répétitive, et qui copie en somme tout ce qui s’est déjà fait dans les jeux du genre au cours de la décennie écoulée sans grande vision originale.


La nostalgie suffira à embarquer des fans peu exigeants.


L’aspect grand public de son spectacle suffira à embarquer les générations actuelles, gavées aux jeux (globalement) beaux mais souvent creux.


Alors oui, tout cela peut paraître méprisant. C’est peut-être le cas. Ou peut-être suis-je plus exigeant, moins facile à convaincre au fil du temps mais en ce qui me concerne, je n’ai guère été sensible à ces grosses ficelles. Les premières heures de jeu passées et la nostalgie évaporée, Final Fantasy VII Remake est à mes yeux une franche déception. Plus d’une fois, je me suis ennuyé, plus d’une fois la manette a failli me tomber des mains.


Plus d’une fois j’ai été sidéré par le manque de génie !


Il ne me reste plus qu’à refaire l’opus original.

Créée

le 16 avr. 2020

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Jean Sairien

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