Flower représente, à mon sens, l'aboutissement de ce que Thatgamecompany avait tenté avec son précédent jeu, flOw, ce qu'on retrouve d'ailleurs symboliquement (mais est-ce voulu ?) avec le titre du cadet qui prolonge celui de l'ainé. Même si l'argument artistique ne semble plus autant mis en avant, le principe psychologique du « flux » (flow en anglais) trouve enfin dans ce jeu bucolique toutes les conditions nécessaires pour s'exprimer. Résumons l'affaire: pour Jenova Chen, tête pensante de ces projets, le flow, une fois transposé dans un jeu vidéo, doit conduire le joueur dans un état de concentration extrême dans lequel il ne fait plus qu'un avec le monde virtuel qu'il explore. Pour cela, la difficulté doit être gérée de manière dynamique par le joueur lui-même qui décide librement d'affronter ou pas les défis qui se présentent à lui sans qu'il en soit pénalisé. flOw était assez délicat à manier et surtout, en ce qui me concerne, légèrement stressant avec son environnement très darwinien qui récompensait manifestement une façon de jouer offensive.

Flower règle en partie ces problèmes. Le Sixasis est réutilisé pour le déplacement de pétales dans des environnements peu à peu envahis par une orgie de couleurs absolument délicieuse. L'idée est évidente, la sensation grisante, et ce malgré une maniabilité qui n'est toujours pas au top (qu'il est rageant de tourner en rond autour d'une fleur qu'on loupe de deux ou trois centimètres plusieurs fois de suite !). Qu'importe, le procédé est bien plus efficace que dans flOw grâce à l'ouverture des environnements: on peut tournoyer sur de larges espaces qui invitent à la découverte et même prendre de la hauteur pour mieux se laisser tomber sur les splendides panoramas qui s'étendent, pétillants et vibrants comme des souvenirs d'enfance ramenés à la vie. L'objectif est de suivre des chemins floraux plus ou moins prédéfinis, parfois cachés, afin d'activer toujours davantage les pouvoirs de la nature tels que le vent, la lumière, l'explosion chromatique... et réveiller à terme une ville ensuquée dans ses cauchemars.

Pour une fois dans un jeu, tenter de réaliser un sans-faute en faisant éclore la moindre petite fleur de chaque environnement est un objectif qui s'efface bien volontiers derrière l'expérience dépaysante qui nous est offerte: jamais je n'aurais cru que diriger un souffle de vent pouvait être aussi fun ! Plusieurs fois, je me suis pris à sourire devant mon écran, emporté par l'eurythmie des mouvements et de la musique dynamique qui en découle. Malgré son concept simplissime, le jeu parvient à se renouveler dans presque chaque niveau en réservant des moments de gameplay tout simplement inattendus. Brusques accélérations, synesthésie, souvenirs d'union à la nature, chaleur et rêves un peu enfantins... Le tout suivant une trame narrative proche du conte en se servant exclusivement des graphismes et du gameplay ! Flower m'a vraiment permis de redevenir ce gosse qui rêve de faire la course dans des espaces qui ne sont pas faits pour lui. Peut-être aussi étais-je destiné à être particulièrement réceptif au trip proposé de par mon attrait de longue date pour les errances solitaires dans la nature...

Une véritable expérience délassante... Cette fois, ils y sont parvenus ! L'équilibre parfait entre le défi et l'exploration. Jouer pour accomplir un but ou s'en détourner gaiement (provisoirement du moins, il faut tout de même remplir ses objectifs mais on peut le faire à son rythme)... Même les trophées proposés suivent cette étrange et séduisante ligne directrice. Flower m'a plus que tout autre chose donné envie de sortir de chez moi et de me perdre là où je ne suis pas encore allé... Bref, à redevenir celui que je suis vraiment. Quoi de plus paradoxal qu'un jeu vidéo qui trouve son aboutissement lorsque le joueur cesse d'y jouer ?
Amrit
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le 29 août 2013

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Amrit

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