Winter is coming
Je le guettais ce jeu, parce que j'adore les city-builders à la Banished. Bon, Frostpunk, c'est pas tout à fait ça. En réalité, c'est un jeu de survie qui trouve son originalité en se présentant sous...
le 4 mai 2018
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Je le guettais ce jeu, parce que j'adore les city-builders à la Banished. Bon, Frostpunk, c'est pas tout à fait ça. En réalité, c'est un jeu de survie qui trouve son originalité en se présentant sous la forme d'un city builder, mais c'est bien un jeu de survie. La ville, on va pas l'aménager de façon à la rendre progressivement sympathique, et puis c'est pas les hivers à la Banished, certes rudes mais dont on pouvais espérer triompher avec le temps. Ici, c'est l'hiver perpétuel, sauf que les -20 degrés du début ressemblent à une canicule face aux -150 degrés de la fin.
Dans Frostpunk, rien n'ira jamais vraiment mieux. La température chute à -30, puis -40, elle remonte péniblement à ses valeurs initiales avant de chuter plus fort encore, et par la suite elle ne remonte plus jamais aux valeurs initiales. Deux pas en arrière, un pas en avant, etc.
Alors on dispose ses bâtiments, on tâche d'extraire le Saint Charbon qui seul alimente le générateur géant qui tâche de réchauffer, au prix d'une formidable débauche d'énergie, les habitants frigorifiés.
Le gros point fort du jeu, clairement, c'est son ambiance. Dès la cinématique d'introduction, on est dedans, ça pourrait être l'introduction d'un film catastrophe, la musique très 28 jours plus tard fait son effet et quand on commence à jouer, le cadre est posé. La direction artistique est magnifique, les conditions climatiques sont super bien rendues que ce soit au niveau des vents ou de la neige qui s'accumule encore et encore. Vos habitants vont créer un passage dans la neige à force de faire l'aller-retour entre le coeur de la ville et un point précis un peu plus loin (tas de caisses de bois à démanteler par exemple), et la nuit, la neige recouvrira tout progressivement. C'est le genre de trucs qui fait son effet.
La musique, discrète mais toujours présente, se montre constamment dépressive. Enfin, les choix que le joueur doit faire pour faire survivre la colonie ne font que renforcer cette ambiance apocalyptique. Très vite, on autorise le travail des enfants pour des tâches "sans danger" (aller ramasser des caisses de bois par -30 toute la journée, c'est pas tout à fait "sans danger") et peut-être que plus tard, si ça se passe mal, on les enverra carrément à la mine. Une mère demande que les enfants aient un peu plus à manger ? Libre au joueur d'accepter, mais attention aux stocks de nourriture. D'un autre côté, refuser fera monter le mécontentement ou diminuer l'espoir.
La plupart des choix et actions du joueur influent sur les deux jauges que sont le mécontentement et l'espoir, sachant qu'il est relativement difficile de taper dans des choix neutres. Ceci dit, la gestion de ces deux jauges se fait assez facilement en fait, c'est pas vraiment là la difficulté du jeu.
Plus tard, quand l'espoir aura encore réussi à fondre (en voilà un qui n'a pas de problème de température), vous n'aurez d'autre choix que d'emprunter une des deux idéologies que le jeu propose afin de maintenir un semblant de cohésion à la ville : ce sera l'Ordre, ou la Foi. Ce sera mignon au début (j'ai pas testé l'Ordre mais je pense qu'au début, c'est pas la mer à boire), quelques lieux de prières, des sermons nocturnes, des cuisines tenues par des religieux qui iront nourrir les travailleurs les plus exposés au froid... Par la suite, ça pourra devenir nettement plus... concret.
Il y a aussi une map à explorer, avec des choix à la clé (moraux, mais aussi et surtout pragmatiques).
Là où le jeu tombe franchement dans la survie c'est dans sa construction en scénario. Il y a une histoire, une histoire globale, et l'histoire de votre ville (religieuse ou non, tranquille ou non, selon les choix et avancées de la partie). Il n'existe pas de mode "infini", le but est de finir le scénario, c'est à dire survivre à un certain nombre de jours, environ 40 (ce qui enlève toute gestion de la natalité par exemple : on grossit les rangs en sauvant des gens perdus dans le blizzard) et à la fin il y a LA tempête. Ensuite, la partie se termine, l'histoire se termine. Il y a pour l'instant 3 scénarios.
Cette construction peut paraitre un peu décevante mais le jeu est à ce point conçu pour être un jeu de survie que personnellement, ça ne m'a pas dérangé. Et il y a de quoi faire sur les trois scénarios, ne serait-ce que pour les boucler. Après, à voir selon le plaisir pris mais il y a moyen de recommencer pour obtenir une meilleur fin ou essayer une autre branche (essayer l'ordre et la foi, à mon avis, c'est surtout pour le premier scénario, je vois pas l'intérêt de faire chaque scénario avec les deux branches).
Là où le jeu est un peu étrange, c'est qu'il place une ambiance très désabusée, mélancolique et tragique tout du long. Par la musique, les visuels, l'histoire et les choix que le joueur doit faire. Mais d'un autre côté, face à ce climat implacable, on hésite jamais très longtemps pour prendre des décisions moralement condamnables. On est pas complètement impliqués. Un groupe de citoyens exténués peut bien s'adresser au joueur, ils ne voient pas les jauges dont celui-ci disposent. Réserves de bois, charbon, acier, vivres crues rations. Production journalière, consommation journalière, prévisions météorologiques, etc. On se retrouve à la fois impliqué dans une ambiance pesante et très humaine (le froid est clairement l'ennemi principal, mais il y a aussi les dynamiques humaines), sauf qu'on reste un joueur assis sur son fauteuil en train de jongler entre des jauges. Il y a quelque part un truc qui coince un peu.
Mais ce n'est pas si dommageable car avec cette position un peu entre deux chaises, je suis resté souvent très pris, mais plus comme devant un film. L'absence totale d'espoir est assez poignante (après plusieurs parties, ça doit bien s'estomper mais les premières fois, ça rend très bien) et je dirais même que ça attaque le joueur dans sa position : certes sa gestion (souvent au bord du drame) peut fonctionner, mais à l'inverse d'un Banished ou d'un Sim City dans lesquels une bonne gestion conduit à une amélioration graphique et une amélioration de l'ambiance à l'écran (moins de pollution, moins de morts, plus de stocks, moins d'icônes négatives, plus de verdure, plus d'icônes positives,bref, des "récompenses", que sais-je encore : tu a bien géré, ce que tu vois à l'écran est plus sympathique) ici, une bonne gestion ne fait qu'enfoncer un peu plus la ville dans l'horreur, toujours un peu plus. Le joueur ne domptera pas le climat, et sa réussite ne créera pas de bonheur, il devra au contraire gérer le malheur pour continuer d'avance, parfois il devra même le creuser, l'amplifier, reniant petit à petit ses maigres ambitions de départ pour finir par abandonner des malades dans le froid afin de ne pas avoir à les nourrir et à les soigner.
De ce point de vue, je ne trouve pas que la moindre implication morale du joueur soit si rédhibitoire que j'ai pu le lire dans quelques tests. Elle est différente, elle ne joue pas tant sur l'immersion que sur la distanciation, de façon très basique en ne présentant presque jamais d'autre récompense au joueur que la survie. Pas de Game Over ? Estime toi heureux. Jamais tu feras de ce cratère un endroit supportable. Have fun !
Tout ça dépend évidemment de la façon dont on reçoit le jeu. Si on est pas spécialement pris par l'ambiance, on peut gérer la chose sans vraiment ressentir grand chose. D'un autre côté, dans mon cas, la rejouabilité sera très limitée : je ferai les trois scénarios (je n'ai complété que le premier) en testant éventuellement différentes choses mais pas de façon exhaustive. Je ne compte pas le refaire en hardcore ou améliorer au maximum mon score, car alors toute la dimension narrative s'effacerait, ça me refroidirait (ho ho ho).
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le 4 mai 2018
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