Du sang et des larmes

Rejeton torturé de No More Heroes et de Devil May Cry, avec une ascendance probablement à chercher du côté de Platinium Games, Furi est un jeu indé sans grande prétention développé par les petits français de The Game Bakers, studio jusque là cantonné aux jeux mobiles.

Après avoir été libéré de nos chaînes par un mystérieux homme à masque lapin, nous voilà rapidement confronté à notre premier ennemi, qui n'est autre que le gardien de notre prison. Le vaincre est synonyme de liberté. Seulement voilà, des comme lui il y en a encore quelques uns qui attendent derrière, et ils ne sont pas là pour nous inviter à prendre le thé. Pas de scénario alambiqué ou de lignes de dialogue interminable, le but ici est simplissime : vaincre un par un chaque boss pour finalement atteindre le monde du dessous, et regagner cette liberté qui nous a été si injustement retirée.

Furi se place dans la droite lignée des "jeux à boss", où le principal intérêt repose sur de furieux combats en un contre un, plus ou moins à la loyal, contre de puissants adversaires à la barre de vie interminable. Introduit par notre guide à tête de lapin au cours de lents interludes sans ennemis, chacun possède son propre thème, son univers ... et bien sûr ses attaques spécifiques, qu'il faudra connaitre sur le bout des doigts pour espérer survivre. Voilà la première réussite de Furi : proposer des boss aussi divers que variées, insistant sur tel ou tel aspect du gameplay, et tous plus marquant les uns que les autres. Le parallèle est ici évident avec No More Heroes : chacun des boss propose un thème unique, une personnalité et des motivations qui lui sont propres, le tout servi par un chara design léché et d'une évidente classitude. Le jeu réussit le tour de force de se renouveler sans arrêt et aucun combats ne se ressemblent, chose rare dans le petit monde du beat them all.

Au terme d'une brève cinématique introductive précédent chaque boss, les choses sérieuses commencent. Chaque combats se déroulent dans une arène et se divisent en deux phases bien distinctes : une première, vue du dessus, qui se rapproche parfois du shmup et qui peut rapidement tourner à l'orgie de boulettes, puis une fois l'ennemi suffisamment affaibli, une seconde plus classique qui fait la part belle aux attaques de mêlée et aux parades réflexes.
C'est dans ce diptyque guerrier que réside tout le génie de Furi. Le gameplay se révèle pourtant être simple, loin d'égaler la profondeur des pontes du genre. Pas d'arbres de compétences, pas de combo, seulement deux armes, et la possibilité de se téléporter sur de courtes distances. Mais ramené à ses fondamentaux, basé sur un rythme effréné et exigeant du joueur une précision et un sens du placement parfait, Furi réussit à proposer un gameplay grisant grandement basé sur l'apprentissage de pattern et le die and retry, à l'ancienne.

Autre argument de poids, la bande originale. Elle accompagne avec maestria toutes nos confrontations, dans un style électro synthwave du plus bel effet, d'autant que de grands noms du genre sont aux commandes. Citons notamment Danger, qui signe ici un retour fracassant, Carpenter Brut, ou encore Toxic Avengers (à qui l'on doit le thème principal du jeu). Peu de fausses notes, des pistes qui ajoutent à la frénésie de l'ensemble : un plaisir pour les oreilles, et assurément l'une des grandes réussites du jeu.

Un plaisir pour les oreilles oui, moins pour les yeux. Le résultat est ici plus mitigé. Autant la direction artistique (et plus particulièrement le chara design) est mené de main de maître et offre autant d'univers que de boss différents, avec un petit côté néon japonisant très réussi, autant la partie technique pure est elle plus en retrait. Textures pauvres, animation raide, ombres taillés à la serpe ... fort heureusement cette sobriété dans les effets visuels affichés s'accompagne d'une fluidité parfaite, paramètre essentiel dans ce type de jeu.

En définitive, Furi est l'archétype du petit jeu sorti de nulle part et qui fout une grande torgnole à tout le monde. Pour peu que l'on soit un tant soit peu amateur de shmup ou de beat them all, on est ici devant un petit bijou. Une perle un peu brut, mais qui une fois apprivoisé procure un plaisir monstrueux. Car attention, il s'agit d'un jeu difficile et particulièrement exigeant, où l'erreur ne pardonne pas. Un jeu gratifiant, aussi, où l'on construit pierre par pierre son succès, phases après phases, échecs après échecs, pour finalement arriver au coup de grâce tant attendu, un poing rageur levé au ciel.