C’était il y a fort longtemps, avant que les jeux indés explosent, avant que je ne fasse fortune sur le net, avant Facebook même. Une autre époque. J’étais chez un pote en train de méditer sur le sens de la vie (je suis un peu philosophe) quand il me propose d’un coup un petit jeu marrant qu’un autre pote lui a montré. Sceptique (depuis quand il a d’autres potes), j’ai quand même jeté un œil.
Gish est le premier jeu d’Edward Mc Mullen, à l’époque chez Chronic Logic, bien avant qu’il ne devienne connu pour Meat Boy. Etonnamment, malgré la réputation de ce monsieur, peu de gens connaissent ce jeu. Et encore moins l’aime. Ah ça, on en voit de la haine sur ce jeu, comme quoi ce serait pas maniable, comme quoi ce serait moche, comme moi ce serait chiant… Que des pleurnicheries sans fondements faites par des gens aigris par la vie, car laissez-moi vous dire, tous ces gens ont tort. De petites gens grises sans âmes qui boivent probablement leur whisky avec des glaçons.
Parce que Gish est un jeu de plateforme absolument extraordinaire, un petit bijou. Mais ce n’est pas de la plateforme classique, et c’est là qu’il a dû perdre les gueux. On y dirige en effet une boule de goudron, et ça change tout, parce qu’un boule de goudron, ça ne se déplace pas comme un Mario, c’est plus lourd, c’est plus mou, c’est plus collant (je vous laisse le soin d’imaginer vos propre blagues salaces, je suis au-dessus de ça). Dans les faits, on dispose de quatre boutons permettant de devenir collant, de se raffermir d’un coup, de devenir lourd et de devenir visqueux. Et grâce à ça, le gameplay ne ressemble à rien d’autre.
Le problème pour la plèbe, c’est que ce n’est pas si facile que ça à prendre en main. Quand on commence, on se traine misérablement d’un bout du niveau à l’autre, on fait des sauts minables et on se retrouve coincé entre deux plateformes. Et puis on commence à s’habituer, on arrive à tuer les ennemis sans perdre la moitié de sa vie, on prend un peu de vitesse, on rebondit sur le sol un peu plus haut. Au bout d’un moment, on traverse à pleine balle les niveaux, on joue à et on rebondit du sol au plafond. Et là on a vu la lumière : ce jeu est jouissif quand on a compris comment se déplacer. C’est ça qui fait sa plus grande force, mais qui rebute aussi l’homme médiocre, la progression est difficile au début, mais bien visible. Ce qui semble lourd et pathétique au début se révèle rapide et élastique. De la plateforme maitrisée.
Au niveau artistique, c’est pas incroyable mais les monstres ont bien la pâte de Mc Mullen, débris grotesques des bas-fonds des égouts. Les décors sont insipides, voir moches quant à eux mais restent assez sobres et lisibles. La musique ne va pas changer votre vie mais reste parfaitement agréable et met bien dans l’ambiance. Au fond c’est pas pour ça qu’on achètera le jeu, mais tout ça reste assez correct pour qu’on n’y prête pas trop gaffe et qu’on se concentre sur l’important.
Mais si Gish ça n’était que ça, ça ne serait juste un bon jeu. Or Gish abrite un secret de plus. Un vrai de vrai, un truc que personne ne semble connaître, que tout le monde a loupé : Gish possède un mode multi-joueurs (uniquement local malheureusement) absolument incroyable. Plus qu’incroyable, le meilleur. Oubliez Trials, Castle Crasher, Zatacka et d’autres conneries du genre, Gish est mieux. Enfin pas tout, parmi tous les modes multi de Gish, il n’y en a qu’un qui vaut le coup. Mais quel mode ! Dans le mode sumo (car tel est son nom), les joueurs jouent chacun une boule de goudron dans une arène fermée, formée d’une ou plusieurs plateformes mouvantes (par exemple sur un pivot central). Le but est de faire tomber l’autre hors de la plateforme. Avec son système d’accroche, de poids, d’élasticité, Gish se sublime dans ce mode. Le seul problème, il faut que les deux joueurs sachent jouer, sinon ça n’a plus beaucoup d’intérêt. Les casuals ne peuvent donc pas profiter de la beauté cachée du monde.
Au final je me suis un peu laissé emporter. Gish n’est pas le meilleur jeu du monde, mais mon amour pour lui est sans limite. Vous aussi vous pouvez vous élever de votre condition grise et triste et enfin connaitre joie et félicité. Enfin jusqu’à ce que vous appreniez que Gish 2 a été annulé après le départ de son créateur du studio.
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