Elle est de retour
Imaginez jouer à Amnesia, mais sans l'horrible monstre qui hante la maison, qui vous poursuit et vous tue. Imaginez jouer à Bioshock, mais sans cet affreux système de combat répétitif et...
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le 15 août 2013
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Attention, cette critique divulgâche de nombreux éléments du jeu.
Premier titre du studio Fullbright, Gone Home est un simulateur de marche (appellation que je déteste), sous-genre du jeu d'aventure, prenant place dans une maison qui semble avoir été abandonné précipitamment.
L'une des principales forces du titre est d'arriver à beaucoup jouer sur les sous-entendus, à faire imaginer des choses au joueur sans pour autant lui donner tout cuit dans le bec ce à quoi il pense.
Ainsi, si on peut penser à un meurtre, à un enlèvement ou à une présence surnaturelle lors de nos premières minutes de jeux, il n'en est rien ; et Gone Home se révèle être un jeu traitant d'autres thématiques, plus humaines, concernant l'homosexualité, la fracture du couple et plus spécifiquement le passage à l'âge adulte.
Les développeurs jouent donc avec les joueurs plus qu'eux ne jouent avec le jeu. Pourquoi les lumières clignotent-elles comme dans un film d'horreur ? Pourquoi entend-on des bruits de pas dans la maison alors que nous somme seul ? Pourquoi semble-t-il y avoir du sang dans la baignoire ? Quelle est cette entité surnaturelle dont parlent certains personnages du jeu ? Pourquoi le père semble nous refaire le coup de Jack Torrance dans Shining en écrivant n'importe quoi sur sa machine à écrire ?
À des questions extraordinaires, le jeu nous répond par l'ordinaire. Un système électrique daté justifie ces lumières qui clignotent. L'âge de la maison et son plancher vieillissant explique l'impression de bruits de pas. Ce n'est pas du sang dans la baignoire mais seulement le reste d'une teinture pour cheveux. L'entité surnaturelle se révèle simplement être un “jeu” entre copines autour d'une planche de ouija. Le père n'étant quant à lui qu'un écrivain raté, perdue dans son couple et dans l'alcool.
Je pense qu'il est très important de rappeler l'époque de la sortie du titre (à savoir 2013), des jeux publiés avant lui, et des réponses que semblent apporter les développeurs de Gone Home à ces mêmes titres sortit antérieurement.
Amnesia : The Dark Descent, publié en 2010, amena avec lui une horde de titres, souvent indépendants, plus ou moins bons (généralement moins), à la première personne et portés sur l'horreur : Slender, Outlast, Five Nights at Freddy's (le pire de tous si on excepte les nombreuses crottes qui sortent chaque semaine sur Steam encore aujourd’hui)… avant qu'heureusement, des développeurs bien plus talentueux s'emparent du concept et nous dévoilent Resident Evil VII ou encore P.T., la démo jouable du Silent Hills de Kojima qui ne sortira donc jamais.
Gone Home prend le contre-pied de tous ces jeux susnommés et, à l'inverse d'un X-Files où “l’occulte semble plus plausible que le tangible” (je ne peux d'ailleurs que vous renvoyer vers l'analyse de Merlanfrit.net à qui j'ai piqué cette phrase), préfère s’ancrer le plus possible dans le réel, quitte à décevoir ceux qui s'attendaient à un twist final horrifique et non à une happy ending.
Malheureusement, la volonté de jouer avec le joueur et de lui faire miroiter quelque chose de plus horrifique ne peut pas fonctionner avec tout le monde, et n'a en l'occurrence pas fonctionné chez moi. N'étant pas un fan de ce genre de jeux je m'attendais, en découvrant Gone Home pour la première fois, à avoir en face de moi un jeu d'aventure et non un jeu d'horreur. Le fait est que le titre est aujourd'hui logiquement réputé pour son côté aventure et non pour son côté horreur, difficile donc de trahir les nouveaux joueurs en leur faisant croire qu'ils vont avoir affaire à un jeu de ce type. J'y vois là un parallèle avec un certains Spec Ops : The Line qui, avec sa réputation de Apocalypse Now du jeu vidéo, n'arrive plus à surprendre les joueurs découvrant le titre aujourd'hui comme ceux l'ayant découvert à sa sortie ; joueurs qui s'attendaient à découvrir un énième cover-shooter pro-américain sans intérêt.
Aussi, les réponses à certaines interrogations surviennent trop vite. C'est le cas par exemple de la baignoire tâchée de rouge ; la teinture pour cheveux se trouvant au pied de celle-ci, on n'a pas vraiment le temps de s'imaginer une situation violente. C'est aussi le cas concernant les suspicions autour de la folie du père de famille que se désamorcent d'elles-mêmes très vite.
Cependant, force est de constater qu'il s'agit plus d'un parti pris qu'autre chose, la preuve étant qu'une fois les soupçons tournés vers l'horreur levés, le titre se révèle être un véritable puzzle géant où rien n'est laissé au hasard.
J'ai par exemple beaucoup apprécié l'arc narratif autour de Teddy, le père de famille. Si dans un premier temps celui-ci semble juste être un écrivain raté, aujourd'hui juste bon à écrire des tests sur chaines hi-fi et donc un simple personnage secondaire ; fouiller la maison nous en apprendra plus sur le personnage. Ainsi, on se rendra compte dans un premier temps qu'il n'est pas en bonne relation avec son propre père, ne comprenant pas les choix que fait son fils dans son livre et dont le visage, peint sur un tableau présent dans la cave, a été arraché. On comprendra ensuite que son oncle, mort depuis peu et ancien propriétaire de la maison dans lequel le jeu se déroule, a abusé de lui sexuellement quand il était plus jeune ; une lettre d'excuse de l'oncle étant présente dans un coffre dans la cave, à côté d'un marquage sur le mur indiquant la taille de Teddy lors plusieurs années de sa vie. On finit alors par démêler le tout et obtenir les réponses que l'on cherchait (ou non) depuis le début : pourquoi ses livres parlent de voyage dans le temps ? Pourquoi parle-t-il de son enfance dans ses tests de chaines hi-fi ? Le jeu répond donc à tout ça mais laisse le soin au joueur de tout retrouver et de tout remettre dans le bon ordre.
Volonté des développeurs de terminer sur une happy ending : l'une des dernières pièces que nous visiterons nous indiquera que le père a enfin réussi à retrouver sa plume et à être publié à nouveau.
La mère de famille, Jan, bien qu'un poil en retrait par rapport à son mari, possède elle aussi son propre arc narratif. Arc narratif dans lequel on ressent une distance qui s'est créé entre elle et son mari au cours de ces dernières années, via notamment des lettres envoyées à l'une de ses anciens amis ; distance qui l'a fait se rapprocher d'un autre homme exerçant la même profession qu'elle ; distance qui se ressent d'ailleurs en visitant la maison, l’atelier dans lequel elle travaille se situant presque à l'opposé du bureau de son mari. Pourtant, là aussi les développeurs ont préféré clôturer l'arc sur un happy ending puisque Jan, à la place d'assister à un concert avec le collègue dont elle s'est rapproché au cours de ces dernières années, tentera de laisser une dernière chance à son couple en organisant avec son mari un voyage vers un lieu dédié aux couples en difficultés… Ceci expliquant par ailleurs l'absence des parents lors de notre entrée dans la maison.
Il est cependant regrettable que Katie, le personnage que l'on incarne, souffre du syndrome Gordon Freeman, maladie bien connue des personnages de jeux à la première personne, puisque muette durant toute l'aventure, à l'exception près du message laissé sur le répondeur.
Ce choix est somme tout logique, Katie a beau être le personnage que l'on contrôle, elle n'est pour autant pas le personnage principal du récit, bien au contraire : les deux personnages au premier plan étant Lonnie, mais surtout Sam, petite sœur de Katie, et comme nous l'apprendrons très rapidement, petite amie de Lonnie. Le jeu aborde donc la thématique de l'homosexualité, et de son acceptation dans une famille des années 90.
Là encore, on sent que dans sa globalité le jeu vidéo a évolué depuis 2013. Pour rappel fin 2012, BioWare s'était vu fortement critiqué par certains joueurs pour avoir laissé aux joueurs, dans Mass Effect 3, le choix de former un couple gay ou lesbien (et avait basé une grande partie de sa com' sur ça, ce qui avait tendance à exaspérer davantage de monde) ; alors que parler d'homosexualité était interdit sur les forums de BioWare. Il en était de même concernant Les Sims ainsi que les forums d'EA, qui eux aussi interdisaient aux membres d'évoquer le sujet sous peine de bannissement.
La thématique en question est donc moins impactante aujourd'hui qu'elle ne pouvait l'être à l'époque de la sortie du titre. Cela ne rend pas le propos inintéressant pour autant ; le fait que le titre se déroule dans les années 90, époque durant laquelle l'homosexualité n'était pas encore très accepté, nous amène à observer la relation qu'entretient Sam avec ses parents et le déni de leur part concernant ce sujet.
Cette partie du scénario est donc tout autant réussie que le reste, moins subtile et plus explicite certes (il s'agit encore une fois de la trame principale du jeu), mais est bien amené et ne fait pas l'erreur de sombrer dans le mélodramatique comme on pourrait s'y attendre de prime abord : en faisant bêtement suicider son personnage principal par exemple.
Aussi, un scénario étant toujours plus agréable à suivre quand les doubleurs s'investissent un minimum (coucou Soma), on ne peut que constater que le travail des acteurs est irréprochable de côté-là. À noter cependant que le doublage est uniquement en anglais mais que les sous-titres eux sont bien évidements traduits en français, et qu'une très grande partie de ce qu'on peut lire dans le jeu a été traduit en français pour les plus anglophobes… en fait, seuls les trois messages laissés sur le répondeur du téléphone de la maison n'ont pas été traduits.
Bien entendu, le scénario n'est pas le seul point fort du titre. Comme je le laissais sous-entendre plus haut, l'ambiance est elle aussi réussie, notamment grâce à tous les effets sonores (orage, plancher qui craque) pouvant être entendus une fois dans la maison et qui rendent l'expérience plus immersive, mais aussi grâce à la retranscription années 90 qui fonctionne tout autant. La maison se retrouve donc bardée d'équipements d’époque, de grosses TV cathodiques, de cassettes vidéos*, mais aussi de cassettes audio (écoutables), ainsi que d'une multitude d'autres objets que l'on peut prendre directement dans les mains afin de les scruter dans le moindre détail… les plus attentifs remarqueront qu'il manque quelques petites choses pour que la maison soit à 100 % crédible (il n'y a pas de chaussures dans la maison par exemple, surement une famille asiatique), mais force est de constater que les développeurs se sont donnés de la peine afin de rendre la maison la plus crédible possible.
D'ailleurs, en tant que ludofouillophile (terme que je viens d'inventer indiquant un plaisir pour le joueur de fouiller le moindre recoin dans un jeu vidéo), j'ai beaucoup apprécié visiter le moindre recoin de la maison afin récolter le plus d'informations et de trouver le plus de détails possibles.
Malheureusement, les développeurs sont tombés dans quelques travers propres aux jeux vidéo. Déjà, afin de conserver un semblant de linéarité, certaines parties de la maison comme la cuisine sont fermées à clé sans que ce soit réellement logique (qui fait ça sérieux ?). Jeu vidéo oblige, la résidence possède aussi son lot de passages secrets menant d'une pièce à une autre, le genre de trucs qui n'est pas censé rassurer quand on visite une maison pour la première fois. Autre écueil, le principe que certains documents importants ou privés soient posés bien en évidence est assez déstabilisant… alors certes, dans la vie réelle on ne fouille pas dans la vie des autres comme ça, mais on fait tout de même en sorte de ne pas laisser des papiers compromettants en plein milieu de la cuisine.
Enfin, il faut noter que le jeu peut facilement être parcouru une seconde fois en activant le mode commentaires. C'est le genre de bonus qu'on ne retrouve que trop peu dans les jeux vidéo alors que c'est généralement très intéressant, surtout qu’en l’occurrence, Gone Home possède de nombreux commentaires (il y en a presque trop d’ailleurs), certes pas tous forcément très intéressants, mais qui laissent la parole aux doubleurs, musiciens, développeurs, etc.
Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup apprécié Gone Home. Il n'est certes pas parfait et il ne s'agit pas non plus de mon walking simulator préféré, mais j'ai trouvé le titre bien plus complexe et détaillé qu'on ne pourrait le croire à première vue. Forcément, je conçois que les thématiques abordées ainsi que les différentes tromperies de Fullbright aient déçues certains joueurs, mais j'ai en l'occurrence pris beaucoup de plaisir à retrouver chaque pièce du puzzle laissée par les développeurs.
Aussi, contrairement à certains qui ne semblent jurer que par la durée de vie, le fait que le titre se termine en moins de deux heures en prenant son temps ne m'a clairement pas dérangé. Les développeurs avaient envie de raconter quelque chose et ils ne m'ont pas parus trop lent ni trop rapides dans leur manière de le faire.
Gone Home n'est certes pas une expérience parfaite, mais il n'en demeure pas moins le genre d'expérience que l'on ne retrouve que trop rarement dans les jeux vidéo, encore aujourd'hui.
*D'ailleurs, concernant les VHS enregistrées disséminées un peu partout dans la maison, chaque étiquette a son propre programme (tiré de la vie réelle) et l'écriture présente sur les étiquettes est différente en fonction du personnage qui a enregistré ladite cassette. Un détail toujours sympa.
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Créée
le 12 mars 2021
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