Gunpoint est, sur papier, plein de belles promesses : du puzzle / infiltration en 2D vue de côté assorti d'une narration à embranchements, j'achète.
On y incarne un espion freelance, Richard Conway, brutalement impliqué dans un meurtre dont il est le seul témoin. Ce meurtre constitue l'introduction du jeu, par ailleurs très réussie, via une séquence scriptée dans la vue gameplay principale.
Le coeur du jeu se déroule au cours de contrats souscris auprès de différents personnages ; ces contrats ou missions sont ponctués d'une introduction et d'un debriefing au format de dialogues interactifs : on peut y choisir ses propres réponses et parfois faire des choix qui influeront sur la structure de la partie.
Les missions consistent presque systématiquement à récupérer des données informatiques dans des immeubles bien remplis: gardes, caméras, ascenseurs et autres portes de sécurité constituent les ateliers de level design et le challenge du jeu. Se frayer un chemin dans ces bâtiments se fait notamment grâce au hacking, activé dans une vue spéciale "Crosslink" où l'on peut trafiquer les connexions (interrupteurs, éclairage, détecteurs de mouvement...), et grâce à une combinaison spéciale "Bullfrog" conférant à Conway des capacités surhumaines (saut, escalade).
Le level design est sûrement la partie la plus réussie de Gunpoint ; les niveaux sont intéressants, le challenge varié, et les situations de jeu laissent le choix entre plusieurs approches différentes : brutale, silencieuse ou technique. L'objectif est clair mais les moyens d'y parvenir sont nombreux. Le système de jeu permet beaucoup de flexibilité dans les interactions, et il n'est pas rare de provoquer une réaction en chaîne aussi surprenante et drôle qu'efficace.
L'intelligence artificielle des gardes est par contre minimale et peu convaincante, celle-ci étant à peine plus travaillée que de banals interrupteurs.
Chaque mission rapporte de l'argent que l'on peut investir dans de nouveaux équipements et améliorer les actions de base du personnage.
En plus des objectifs annexes fixés par niveau, la performance du joueur est jugée selon plusieurs critères : niveau de violence utilisé, témoins laissés, bruit effectué et temps pris pour accomplir la mission. Cette note de performance s'avère rentrer en conflit avec le coeur de l'expérience de jeu : lorsque l'attrait principal du game design de Gunpoint est de faire preuve de créativité dans la résolution des puzzles, le système de jeu introduit cette note "objective" se concentrant sur les données les plus inintéressantes de la session de jeu.
Un magasin incluant améliorations et nouvelles capacités du personnage, supposé renforcer les mécaniques de base, ne fait que les appauvrir en proposant des objets "défouloir" à l'intérêt de gameplay principalement superficiel. Ç’aurait été convenable s'ils n'avaient été obligatoires : les niveaux avancés du jeu nous obligeant à nous procurer ces objets, le fantasme de l' "infiltration pure" utilisant uniquement les capacités de base est ruiné : un comble pour un jeu d'infiltration.
Alors que l'introduction laissait présager une histoire intégrée au level design, le jeu ne compte aucune séquence de narration dans ses niveaux ; elle prend place exclusivement dans les séquences de dialogue interactif. Malheureusement, ces séquences sont complètement ratées : le rythme y est haché, l'écran du jeu nous affichant beaucoup de texte, trop rapidement, sans nous donner envie de nous y intéresser.
Le sentiment de jongler entre les différents niveaux sans pouvoir suivre la trame scénaristique convenablement est omniprésent, et les divers choix effectués au cours de l'aventure résonnent creux ; l'intrigue apparaît comme très pauvre la faute à ces séquences au design austère et très mal fini.
Le ton, parodiant les films d'agents secrets, est par ailleurs douteux et donne l'impression d'une œuvre aux inspirations nombreuses mais peinant à se constituer une personnalité propre. Le créateur du jeu multiplie les fautes de goût dans son écriture et la présentation de son œuvre ; quitte même à s’apitoyer sur le titre du jeu mal choisi (1) ou le manque de cohérence entre l'histoire et les mécaniques de jeu (2) dans les succès Steam. Dommage.
L'ambiance, justement, donnait plutôt envie : les musiques jazz sympathiques entretiennent l'aspect film noir du titre et les graphismes en pixel art sont agréables et convenablement animés. Cependant, l'ambiance sonore pêche dans son intégration au game design global : les quelques bruitages, trop peu nombreux, sont catastrophiques, que ce soit en séquence de gameplay ou pendant la navigation dans les menus. En ressort un sentiment froid et impersonnel qui nuit évidemment considérablement à l'expérience de jeu.
Si la brièveté du jeu est certaine, trois heures tout au plus, c'est surtout la pauvreté de sa présentation et les mauvais choix de game design qui ressortent de Gunpoint. Sa direction créative, caduque, déçoit alors que le concept avait un potentiel indéniable. Au final, Gunpoint est un échec global ; espérons pour Suspicious Development un nouveau projet mieux peaufiné et plus abouti.
(1) Succès Steam: Title Finally Relevant
Help justify my early, not entirely wise choice of game name by holding someone at gunpoint with the Resolver.
Titre du jeu enfin pertinent
Aidez à justifier mon choix de nom du jeu précipité et peu inspiré en tenant en joue quelqu'un avec le Resolver.
(2) Succès Steam: Acknowledged Ludonarrative Dissonance
Notice the story doesn't necessarily gel with the mechanics. Become qualified games journalist.
Dissonance ludo-narrative confessée
Remarquez que l'histoire ne colle pas forcément avec les mécaniques. Devenir un journaliste de jeux qualifié.