Ce deuxième épisode est assez paradoxal. D'un côté, vous avez une générosité de tous les instants, une envie de bien faire et de surprendre continuellement le joueur. De l'autre, une exécution étrangement timide qui n'exprime pas totalement les folles ambitions affichées. Et si à force de vouloir tout donner, on finissait par s'emmêler les pinceaux ?
Half-Life premier du nom révolutionnait pas mal de choses, pour les FPS en particulier, pour les jeux vidéo en général. Et même ce qu'il n'inventait pas, il le popularisait dans une formule si fluide et mémorable qu'il en acquérait l'aura d'un précurseur. Conscient de cette réputation aussi lourde que prestigieuse, Valve décide que sa suite devra elle aussi révolutionner le média. Ils ne veulent pas sortir un très bon jeu, ils veulent un nouveau chef-d’œuvre.
Et le chef-d’œuvre demandera plus de cinq ans de développement.
Pas de faux suspens: vous voyez très bien que ma note est inférieure à celle du premier opus, car justement, selon moi, on est finalement juste en présence d'un bon jeu, et rien de plus. Comment ? Ce n'est pas suffisant d'être "bon" ?
Mais je dois être aveugle, n'est-ce pas ? Moi qui ne cesse de réclamer aux jeux de l’originalité, de tenter des trucs, de surprendre le joueur, n'ai-je pas vu que chaque chapitre de l'aventure apporte une variation de gameplay ? Effectivement, c'est exactement le genre de procédé qui m'émerveille: une épopée qui ne se contente pas d'apporter une base solide de laquelle elle ne bougera plus pendant des dizaines d'heures, mais une remise en question continuelle du gameplay, de l'audace, de l'inventivité ! Mais pourquoi alors ne me sens-je pas totalement convaincu ?
Peut-être à cause de l'aspect un peu lourd du procédé. Lorsqu'une nouvelle variation de gameplay arrive, tout le game design semble concentré sur cette dernière de manière aussi appuyée qu'artificielle, délaissant les autres possibilités. "Regarde ! Tu peux faire ça maintenant ! Alors fais-le ! Mais FAIS-LE PUTAIN !"
D'accord monsieur !
En fait on s'amuse à découvrir ces nouvelles idées, mais à chaque fois, on se sent rapidement un peu coincés là-dedans. On a la possibilité de conduire un véhicule ? Trop bien ! Mais alors les niveaux, toujours linéaires, s'étirent mollement et se diluent dans une fausse impression de liberté. Pour la première fois dans la saga Half-Life, je me suis un peu ennuyé lorsqu'on m'a demandé de chevaucher un jet-ski...
Oh, c'est dingue ! On peut contrôler une armée de fourmis géantes ! Bon, en fait, il n'y a que deux ordres à donner... On spamme les boutons, après tout elles viennent en nombre infini... Aucune vraie stratégie à adopter. A force de les voir surgir encore et encore, le sentiment de puissance ressenti au début s'estompe rapidement. Et je m'ennuie de nouveau un peu...
La structure du jeu est pourtant audacieuse. Les idées proposées sont très bonnes sur le papier ! L'univers dystopique est même plus intéressant que l'invasion très cliché du premier opus. On sent la volonté de bien faire à chaque instant ! Et parfois tout marche très bien et l'expérience de jeu est alors jouissive.
Le vrai souci de ce Half-Life 2, selon moi, c'est le level-design qui est bien moins maitrisé que celui de son ainé. Très horizontal (sauf à la fin), étrangement beaucoup plus classique que son gameplay qui se veut inventif, sans compter le fait que les décors sont souvent mornes et incroyablement lassants à parcourir. Du sable... une ville décrépie... encore du sable...
Le jeu brille pourtant à son plein potentiel à deux moments: Ravenholm, pour une séquence survival-horror dantesque, avec un level-design enfin très inspiré qui met à profit plusieurs possibilités de gameplay au lieu de se concentrer sur une seule (on peut utiliser le Gravity-gun, véritable innovation de ce jeu qui permet de soulever et utiliser pratiquement chaque élément du décor, ou on peut utiliser des pièges semés sur notre route); et la conclusion du jeu, que je ne divulgâcherai pas, mais qui offre in extremis à l'aventure une soudaine et grandiose escapade artistiquement inspirée. Il était temps !
Pas aussi indispensable que le premier épisode dans le parcours idéal d'un joueur, ce Half-Life 2 n'en reste pas moins une curiosité à tenter, y compris par ceux qui, comme moi, ne sont pas spécialement férus de FPS, tant la diversité, bien qu'un peu artificielle et maladroite, est de mise. Avec un level-design plus inspiré, le jeu aurait sans aucun doute côtoyé lui aussi les cimes du média. Je comprends mieux à présent pourquoi un troisième épisode n'est finalement jamais sorti: bien que muet, Gordon Freeman a peut-être bien dit tout ce qu'il avait à dire.
Ma critique de Half-Life: https://www.senscritique.com/jeuvideo/half_life/critique/214452007