Hatred
4.7
Hatred

Jeu de Destructive Creations (2015PC)

Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas vu un jeu aussi important et aussi mauvais. Ceci dit, tout le monde en parle, et un jeu qui réveille tous les social justice warriors de l'Internet mérite au moins qu'on l'essaie. C'est pour cela que j'y ai joué dès le jour de sa sortie officielle pour voir ce qu'il en est.


Qui est responsable ?

Tout d'abord, un peu de contexte : Hatred met les points sur les i dès la cinématique d'intro, avec un personnage faisant un monologue dont voici la première phrase :

My name is not important. What is important is what I'm going to do...
I just fuckin' hate this world.

Vous l'avez compris, vous incarnez donc Not Important.

Not Important est un homme plein de haine, désirant enfin se relâcher et commettre un véritable génocide avant de mourir violemment. Cheveux longs, grand trenchcoat, tout de noir vêtu, le genre de personne qui fait pan dans les universités américaines. Toujours est-il que le tutoriel nous exerce au combat dans sa cave avant de se débarrasser d'une personne droguée qu'on retient prisonnière.

Une fois fait, on sort de la maison et on tue autant de civils que possible. Après c'est au tour de la police, plus des SWAT, puis des militaires ; au total on doit bien tuer quelques milliers de personnes innocentes au cours du jeu. Enfin, Not Important décide de faire sauter la centrale nucléaire à côté de la ville pour toucher le jackpot ; il y arrive et le jeu se termine ainsi.

Bref, il n'y a pas de scénario ou de prétexte, c'est simplement de la tuerie de masse. C'est l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes ont bataillé pour faire interdire le jeu à la vente, et c'est aussi pour cela que Gabe Newell a dû personnellement approuver la vente de ce jeu sur Steam. C'est sans aucun doute le jeu qui aura le plus fait parler cette décennie, ce qui est une bonne nouvelle pour ses développeurs dont c'était l'objectif. Destructive Creations a souhaité aller à contre-courant total de la mode actuelle des jeux vidéo, consistant à se rapprocher de plus en plus du politiquement correct.

Même si il y a du progrès au niveau de ce qu'on peut se permettre dans un jeu vidéo depuis ces vingt dernières années. Qui se souvient de Jack Thompson ?

Mais restons concentré sur le jeu : si la dimension polémique a été accomplie à 200%, qu'en est-il de la substance en elle-même ? Est-ce que c'est drôle, amusant, audacieux, witty, beau, jouable ?


15 ans de retard

Permettez-moi de répondre à cette question en disant qu'il y a 7 niveaux, que le jeu se termine en quatre heures, et que pourtant j'ai préféré aller regarder la fin du jeu sur YouTube plutôt que de continuer à y jouer. Pas parce que je suis choqué, traumatisé ou autre ; simplement parce que ce jeu est sans intérêt aucun.

C'est un shooter en vue isométrique réalisé sous Unreal Engine 4. Donc certes c'est beau, certes le noir et blanc calme la rétine. On ne peut pas reprocher au jeu son apparence qui est bonne et agréable pour les yeux. Mais ce n'est pas le plus important dans ce genre de jeu ; ce qui l'est, en revanche, est son gameplay.

Malheureusement, c'est un gameplay vraiment pauvre, du même niveau qu'Alien Swarm (mais sans la co-op, donc encore plus pauvre). Tirer, coup de pied et grenade sont les moyens de se "défendre". Sprinter sert à tracer à travers les environnements au level design quelconque, et s'accroupir ne sert à rien. Enfin, on a une touche pour exécuter violemment ses victimes au sol et regagner de la vie.

Le cycle de jeu est ainsi : on a un objectif principal (généralement "tuer X civils") et des objectifs secondaires ("tuer Y monsieurs", "faire exploser une station service"...). Not Important arrive sans crier gare, tue des civils, puis des policiers arrivent. On tue les policiers, ce qui nous laisse un peu temps pour exécuter des innocents sans défense pour se soigner. Rinse and repeat until dry.

De plus, le fun n'est pas au rendez-vous car l'élément le plus important de ce genre de jeu, l'IA, est à la ramasse. Les civils restent souvent bras ballants quand vous arrivez (ou fuient vers vous, pourquoi pas). Les forces de l'ordre n'ont aucune tactique propre et viennent donc très facilement se faire abattre au lieu de profiter de leur avantage numérique. Ils pourraient très bien établir un périmètre pour vous encercler, faire de véritables barrages pour vous faire reculer peu à peu...mais à la place, ils ne font que se mettre devant la sortie du niveau et vous attendre.
Ce qui est problématique car il n'y a pas besoin de les tuer pour sortir du niveau. Mettre un gilet pare-balles et courir en plein milieu de la rue afin de déclencher une cut-scene est donc une option totalement viable pour s'échapper.

J'aimerais bien élaborer mes propos, mais il y a si peu de matière que c'est à la limite du possible. Le jeu aurait peut-être pu marquer le public de manière plus efficace s'il était bon en plus d'être controversé.


Mauvais jeu, mais encore ?

Le jeu est mauvais, le constat est établi. Mais est-ce vraiment le plus important ? Probablement pas, car de nombreux mauvais jeux ont marqué leur époque. Hatred le fera probablement aussi pour ne pas être rentré dans le rang comme les autres.

Selon moi, il appartient à une catégorie de jeux très fermée : les jeux thermomètres.

Cette catégorie, extrêmement select, est composée de jeux dont la qualité importe peu voire pas du tout. Leur véritable but est de prendre la température de la société pour voir ce qui est toléré et ce qui ne l'est pas. Leur point commun est d'être (généralement) de mauvais goût, et d'obtenir bien plus d'attention qu'ils ne méritent. Avec des membres tels que Carmaggedon, Postal² et Rapelay, ce club est un vrai nid à ennuis. Est-ce que ces jeux méritent d'être vendus ? Ce n'est pas à moi de le dire ni de le décider ; toujours est-il qu'ils existent et que tout le monde se souviendra d'eux non pas pour leur (piètre) qualité, mais pour ce qu'ils permettaient de faire.

Un simulateur de meurtre de masse a donc bien sa place au club ; on se fiche de sa valeur, le fait est qu'on en entendra parler.


C'est votre dernier mot ?

En conclusion, Hatred est un jeu plus médiocre qu'il ne pouvait se permettre, plus choquant par sa nullité que par le fait de tirer sans raison sur des polygones. Et bien que la communication ait été très efficace pour un jeu de si petite envergure, il ne répond clairement pas aux attentes qu'on pouvait espérer de lui. Non je plaisante, on n'attendait rien.

Sabaca
3
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le 2 juin 2015

Critique lue 981 fois

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Sabaca

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