Hellblade fait partie de cette catégorie de jeu que j'aurais aimé aimer. Malgré son statut de jeu indépendant, la réalisation place la barre très haut : graphiquement magnifique, l'audio est très réussi et globalement le design de cet univers viking apocalyptique est sublime. Les 20 premières minutes de jeu nous proposent une ambiance sombre et crasseuse dans laquelle patauge notre héroïne, atteinte de démence, dans sa quête pour ressusciter l'être aimé en allant chercher son âme en enfer (tout simplement une transposition du mythe d'Orphée). On a donc une réalisation solide soutenue par une thématique intéressante, le tout dans un jeu indépendant - donc libéré des carcans habituels des AAA - qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?
Tout, ou presque. Le jeu va nous proposer trois types de gameplay : les énigmes, les combats et la marche à pied dans des couloirs sans rien à faire.
Si cette dernière activité n'a pas besoin d'être détaillée, imaginez juste votre personnage avançant longuement dans des décors sans aucune interaction et avec pour seule distraction des voix ASMR qui racontent des banalités dans vos oreilles, les "énigmes", elles, valent leur pesant de cacahuète. Régulièrement, Senua sera bloquée par une porte scellée sur laquelle se trouve des runes. Votre mission va être, dès lors, de trouver ces runes dans le décor. Par exemple, un X se retrouvera dans deux poteaux écroulés. Voila, Hellblade se transforme en bête jeu d'objets cachés (vous savez les trucs qu'on retrouve à 1€ dans les bacs à merde de la FNAC) en 3D. Ce n'est déjà pas intéressant la première fois, mais vu que le jeu va vous demander de résoudre ce problème des dizaines de fois, ça devient particulièrement agaçant. Il y a bien un autre type d'énigme (basé sur des effets d'optiques encore une fois) mais globalement les runes cachées représentent environ neuf "énigmes" sur dix.
Les combats vont eux aussi être complètement décevants. Ils sont suffisamment bien réalisés pour donner l'impression d'être dynamiques... La première fois. Par la suite on comprend très vite que ceux-ci vont devenir extrêmement redondants, dans la mesure où ils n'évolueront JAMAIS. Pas de nouvelles armes, pas de nouveaux combos, pas de pouvoir spécial à débloquer durant l'aventure. Pro-tip, contentez-vous de réaliser cet enchaînement de touches pour pouvoir vous en sortir : carré, carré, carré, triangle, croix + bas (Appuyez de temps en temps sur R2). Et je ne parlerais même pas du combat final qui est une véritable blague pouvant durer très, très, très longtemps...
OK le gameplay est à chier, mais parfois ce défaut peut-être contrebalancé par un scénario, des dialogues et une écriture en béton. La thématique de la folie est soit-disant ultra-travaillée et profonde, le studio ayant fait appel à des consultants spécialistes de la question. Malheureusement, ici le rendu ne rend pas honneur aux efforts apparemment déployés, contrairement à ce qu'on voudrait vous faire croire dans certains tests. Le résultat est absolument banal, la folie de notre personnage n'étant dépeinte que par des murmures ASMR ou des hallucinations, voir même par des passages en mode Gollum devant un miroir, une vision complètement clichée et déjà traitée dans tous les médias.
Pire encore, les rares dialogues se voulant profonds, voir philosophiques, semblent tout droit sortis d'un skyblog d'émo dépressif des années 2000, avec des phrases aléatoirement générées par des lamantins comme "La vie sans l'amour n'est que ténèbres" ou "Tu crois que ce qui t'entoure n'existe pas, mais si c'était toi qui n'existait pas ?". Super. Et je ne parlerais même pas des audiologs, longs et chiants, qui permet aux devs de donner un peu de background mythologique viking au jeu sans avoir à réfléchir à comment le faire : "on va juste placer des bouts d'articles wikipédia récités ça et là, et ils se démerdent avec ça !".
Bref, outre sa réalisation franchement réussie, Hellblade est un véritable échec sur tout ce qu'il entreprend, que ce soit dans sa façon de décrire la folie, sa narration, ses combats, ses énigmes... Pire, tout est mou. Mais VRAIMENT mou. Les paupières deviennent vite lourde face à ce terrible vide que compose le jeu... jusqu'à ce qu'une phrase tirée du blog de DarkNaruto666 ou qu'une grimace de notre héroïne au chromosome supplémentaire viennent nous déclencher un fou rire. Triste.