En 2012, alors que tout le monde découvrait ou redécouvrait Jet Set Radio sur consoles HD et PC, j'étais comme à mon habitude un bon prolétaire à la recherche de jeux. J'avais fini toute ma ludothèque à l'époque (je ne pourrais plus dire ça aujourd'hui), et ma foi cette version GBA du titre culte de la Dreamcast est tombée à point nommé. A déguster de préférence en rollers, le son à fond.
JET SET RETROOOOOO !!!!!
J'ai toujours été admiratif des conversions de gros jeux sur un hardware infiniment moins puissant, à fortiori quand le contenu reste le même. Jet Set Radio sur GBA est impressionnant à plus d'un titre : sorti en 2001 au Japon soit à peine 1 an après la version Dreamcast (ce qui en fait un quasi-jeu de lancement pour la GBA), le jeu adopte une 3D isométrique et propose de revivre exactement les événements du jeu original.
Si les esprits les plus affûtés remarqueront que JSR n'est pas un jeu avec beaucoup de contenu, surtout pour une console 128-bits (il se boucle en 2 grosses heures), la performance est louable. On retrouve la structure du jeu (3 quartiers, bataille de gangs, police débilement surarmée...) et une bonne partie des maps. Beaucoup ont été modifiées pour s’accommoder à la nouvelle caméra, mais on reconnaît sans problème tous les lieux cultes du jeu original. Le seul gros retrait à déplorer est la ville de New York qui est passée de 2 quartiers à 1 seul, assez peu fun qui plus est. Mais comme dans l'original, vous y passerez très peu de temps.
L'histoire est identique, bien qu'elle soit narrée avec des écrans fixes au lieu de jolies cinématiques. Seule différence : Coin, l'acolyte de Combo et Cube, n'est jamais mentionné. Bizarre, mais il était tellement insignifiant dans le scénario qu'on l'a de toute façon déjà oublié.
Tous les personnages sont présents, tout comme les missions permettant de les débloquer. Vous avez ragé face à Yo-Yo en 2000 ? Vous ragerez pareil face à Yo-Yo en 2001. Il y a même un personnage bonus par rapport à la version Dreamcast : DJ Professor K en personne !
Enfin, un mot sur les musiques, l'ADN de Jet Set Radio. C'est elles qui ont connu les suppressions les plus violentes, puisque seules 6 sont restées ! Pire, elles sont composées de loops de 30 ou 40 secondes, au lieu des 3 ou 4 minutes réglementaires.
On a là une recette pour un désastre, et pourtant. Miraculeusement, les courtes boucles ne lassent jamais, et surtout la qualité audio est exceptionnelle pour de la GBA ! Combien de jeux en-dehors de Wario Land 4 possèdent des musiques chantées sur la console ? Très peu à ma connaissance, et JSR en fait partie. Evidemment, tout est repris de la version Dreamcast, mais ça n'en reste pas moins un exploit.
Et même si mon morceau préféré n'est pas de la partie, les 6 pistes sélectionnées sont parfaitement cultes. Vous connaissez forcément Let Mom Sleep ou Sweet Soul Brother, non ?
Graphiquement, le jeu est juste magnifique. La 3D isométrique rend bien sur le petit écran de la GBA, et les personnages ont de gros contours noirs pour rappeler le cell-shading du jeu original. D'ailleurs j'ai l'impression qu'ils sont rendus en 3D, ce qui est plus qu'impressionnant pour un titre de 2001 ! J'ai même fait quelques parties sur le Game Boy Player de ma GC, et sur grand écran on constate très peu d'aliasing à ce niveau-là, preuve de la très grande maîtrise des développeurs.
Notons également un mode multi-joueurs. Aucune idée de ce à quoi il ressemble, mais il est là, et aucun autre jeu de la série n'en possède.
Décidément, ce jeu est plein de surprises. Reste à parler du gameplay, et c'est là que ce portage atteint ses limites.
Graffiti riquiqui
Comme dit plus haut, le jeu adopte une vue en 3D isométrique afin de reproduire l'expérience de la version Dreamcast, ce qui était sûrement le seul choix possible pour une GBA incapable de gérer la 3D (à moins de s'appeler Astérix XXL). Le jeu tourne sous le même moteur que les Tony Hawk GBA, des jeux appréciés des aficionados.
Sauf que la 3D isométrique, c'est pas très lisible, surtout sur un petit écran qui coupe souvent l'ombre de votre personnage, censée vous aider. Ajoutez à ça des contrôles "tank" (à la Resident Evil), vous allez chier du sang. Du coup, si c'est déjà assez galère de s'orienter lors des phases "classiques", s'essayer à sauter sur un rail au-dessus du vide est un défi de tous les instants.
D'ailleurs, devinez quoi ? Le boss final a été complètement changé dans cette version et il consiste en partie à faire du grind au-dessus du vide. Est-ce du troll ?
D'ailleurs, je n'avais jamais battu ce boss à l'époque, je m'étais arrêté là. Au final il n'était pas si dur, mais tout de même !
Etrangeté du gameplay : le bouton A sert à graffer et le bouton B sert à sauter. C'est un layout assez banal sur une console à 4 boutons comme la SNES ou la DS, mais traditionnellement sur une console à 2 boutons comme la GBA, le bouton A sert à sauter. Du coup c'est assez contre-intuitif et dans le feu de l'action vos vieux réflexes vous feront sans doute foirer un saut ou deux.
Rendons à César ce qui lui appartient : puisqu'il n'y a plus de gestion de caméra pour le joueur, la mécanique la plus foireuse du jeu original a disparu (je rappelle qu'à l'époque, le bouton pour taguer était le même que pour recentrer la caméra, bonjour la gerbe). Mais bon...
Notez également que la difficulté a été revue à la hausse. Outre les problèmes de gameplay mentionnés qui rendent difficile le simple fait de se mouvoir et la taille de l'écran qui vous empêche de voir le danger arriver de très loin, le temps imparti a été revu à la baisse dans beaucoup de missions. La mission Golden Rhino de Shibuya-Cho, passée de 999 à 400 secondes, se joue désormais à la seconde près ! Etrange choix qui ne fait que compliquer certaines missions déjà difficiles.
Au final, Jet Set Radio GBA remplit parfaitement son rôle de démo technique. Encore aujourd'hui, difficile de trouver un jeu aussi beau ou avec des chansons de cette qualité sur la machine. Portage parfait de la version Dreamcast avec un peu de contenu en plus pour la forme, le gameplay est vraiment la seule chose qui ne suive pas. C'est dommage, ça rend certains passages frustrants, car basés sur la chance et/ou le die & retry pour pouvoir réussir.
Si vous voulez jouer à Jet Set Radio dans les transports aujourd'hui, le jeu est facilement accessible sur Vita et smartphones, rendant ce portage GBA parfaitement obsolète. Pas de chance, s'il avait été un titre original pour la GBA, nul doute qu'il aurait une solide petite fanbase pour le défendre.