Smith, ce schizo
Killer7 est un OVNI. Avec l'avènement d'internet, tout le monde le sait, sa réputation le précède et Grasshoper Manufacture, développeur du jeu, fait figure d'entité emblématique dans le domaine du...
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le 6 juil. 2011
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Petit test publié il y a des années sur un blog que je recycle ici, je ne souhaite pas l'altérer pour ne pas trahir l'intention originale ;)
Harman Smith est un tueur schizophrène, l’original parmi 7 personnalité, chacune capables de prendre contrôle sur son corps en le transformant mentalement et physiquement, 7 tueurs a gages légendaires. L’ennemi juré de Smith revenu de l’enfer, Kun Lan, fomente un complot mondial grâce à son armée, des humains mutés kamikazes appelés Heaven Smiles. Les Smith, étant les seuls à pouvoir les arrêter, sont engagés pour le combattre...
Si vous n'avez pas compris grand chose au résumé, c'est normal, Comme toute œuvre difficile a appréhender, Killer 7 ne laisse personne indifférent (le vieil adage : soit on aime, soit un déteste) car il possède des qualités évidentes, mais abstraites. Il s’éloigne de tout code du jeu vidéo, et ne peut s’apposer a aucun genre défini (mi FPS, mi rail shooter, mi exploration/aventure, mi survival horror… Il y a même un petit côté RPG !). Malgré tout, il a su gagner un statut mérité de jeu culte durant les quelques années qui nous séparent de sa sortie, ne serait-ce que grâce a sa réputation sulfureuse et a l’autre succès de son créateur (Suda 51), la non moins culte saga No More Heroes. L'avis donné ici est fait pour montrer tout ce qui fait que ce jeu est un des meilleurs de sa génération (qui a pourtant eu un bon nombre de perles). Ces raisons peuvent être considérée comme des défauts suivant la personne, l’avis, et de toute façon, ce genre d’œuvre unique ne fera jamais l’unanimité.
(PS : Au départ, quand cette critique a démarré, le test était extrêmement positif. J’étais prêt à mettre 9 ou 10 mais, après avoir fini le jeu, quelques petites choses viennent embrumer mon enthousiasme, j’en reparlerais après).
La première chose qui montre le style spécial et abstrait de l’œuvre qu’on va aborder, est à la sélection d’une nouvelle partie. Un rire sadique se fait entendre, après un écran titre stylisé et propre. Les lettres suintent le sang et le jeu commence. Sans aucune introduction, une silhouette tout en pointillés rouge apparaît avec un pointeur sur le corps. Le bouton de tir pressé, la silhouette explose en des centaines de gerbes de sang et des caractères japonais rouges vif se collent subitement sur l’écran dans un bruit stressant. Cette mise en scène peut rappeler, dans certains aspects, les films japonais (certains effets utilisés dans des chanbaras pour exposer le titre) où des effets du même style sont mis en place pour donner un sentiment de brutalité au spectateur. Puis, une lune de couleur irréelle apparaît (pouvant faire penser aux expérimentations de Toshio Matsumoto). Suite cette introduction qu’on retrouvera plus ou moins identique a chaque mission, une cinématique avec Garcian Smith (le #2) commence. Vous rencontrerez, dans cette première mission, un servant sado maso fantôme, des monstres qui apparaissent subitement et rient d’un rire hystérique en explosant, une tête qui parle dans une machine a laver avec des smilies dans ses sous titre, un ange au visage manga aux faciès de douleur collés dans le dos... Le pire reste à venir ! (Ah et, ça ne ressemble pas vraiment a un film de David Lynch et encore moins un de Quentin Tarantino, pour ceux qui croient encore que ces deux là tiennent le monopole du cinéma...)
Le jeu est très simple a prendre en main. Il y à un bouton pour avancer et pour changer de direction, un pour recharger, un pour tirer, un pour scanner (indispensable pour repérer les ennemis) et un pour le pouvoir spécial du personnage. L’originalité réside surtout dans l’utilisation de ces commandes classiques. On ne peut se déplacer librement, il faut suivre un rail prédéfini ou on ne peut que choisir les embranchements (on peut tout de même se stopper et revenir en arrière a volonté, ce qui laisse un côté exploration qu’il faudra exploiter pour résoudre diverses énigmes au long de l’aventure). Le combat contre les Heaven Smiles s’inscrit dans une logique banale : scanner, viser le point faible, tirer (on peut aussi mitrailler mais cette technique s’avérera vite dangereuse). Ce sera les différents types d’ennemis et les techniques propices qui feront tout l’intérêt de ces affrontement, par exemple en employant tel ou tel personnage. Il suffit de rentrer dans le menu (a tout moment) pour switcher avec le Smith adéquat (mis a part Garcian Smith, qui ne doit servir qu’à ressusciter un allié tombé au combat car, en plus de ne pas être très puissant, sa mort entraine un game over direct) suivant la solution adoptée en utilisant la capacité spéciale de l’un ou l’autre, quelles soient létales ou non : Coyote Smith peut sauter par-dessus les obstacles et crocheter les serrures, Kaede Smith peut zoomer sur les ennemis et ouvrir des passages secrets en s’ouvrant les veines et en tapissant le mur de sang, Mask de Smith, en plus de son arme surpuissante, peut détruire des murs friables pour dévoiler des chemins alternatifs…
Les niveaux sont assez longs et originaux pour tenir le joueur jusqu’à la fin, notamment grâce a des situations surprenantes et des boss novateurs (ils utilisent a la perfection le manque de mobilité du personnage par rapport au système de jeu). Tout est mis en place pour passer outre la linéarité du titre.
Les ennemis sont différents à chaque niveau et restent assez imprévisibles (par rapport a la technique pour les vaincre) : ils déboulent sans prévenir d’une porte ou d’un coin de couloir après avoir fait entendre un rire de fou. De peu qu’on ne les voit pas à temps, leur invisibilité leur permet de nous surprendre tel un monstre de jeu d’horreur (l’influence, sans doute, de Shinji Mikami au scénario, le créateur de Resident Evil).
Le seul problème est certains combats très frustrants, par exemple quand une vague d’ennemis se jettent sur notre personnage sans qu’on puisse bouger ni esquiver (il met trois plombes à se retourner et partir) alors que le joueur assiste a sa mise a mort, impuissant. Ceci dit, ces passages restent assez rares si l’on sait bien appréhender les créatures. C’est d’ailleurs ce qui rend le jeu bien plus stressant et étouffant que ce qu’on peut croire, laissant apparaître une certaine tension malgré l’apparence décomplexée du titre. Les munitions sont illimitées mais mitrailler sans viser peut déboucher sur une issue funeste, recharger faisant perdre quelques précieuses secondes primordiale dans certaines situations.
Le graphisme est composé de textures simples et d’ombre omniprésentes, ce qui donne un aperçu simple mais plaisant et classieux, ressemblant a une bande dessinée, plutôt du style comics (un peu comme du Charles Burns). Il n’a pas trop vieilli, contrairement a beaucoup de jeux 3D de l’époque a l’apparence plus classique (a part peut-être beaucoup d’aliasing sur télé HD…), le mélange de scènes 3D et de scènes d’animations (style manga) marche parfaitement.
Bien qu'ayant vécu des événements assez improbables et en ayant réussi a nous entrainer dans sa folie, le scénario s'avère décevant sur la fin, même après avoir lu les interview des développeurs et les explication complémentaires. A vrai dire, il n’y a pas vraiment de finalité a l'histoire. On nous dévoile un point du scénario qu’on ne soupçonnait pas vraiment, tout le reste du jeu n’avance pas plus, et le non sens du titre est encore plus exagéré. Beaucoup de facettes primordiales restent dans l’ombre ou son expédiées dans le dernier acte avec la sensibilité d’un docker russe, sans aucune explication. Là ou un Metal Gear Solid réussit à combiner univers bizarre avec réalisme historique, ce Killer 7 effleure cet exploit de cohésion sans jamais réussir a l'atteindre (par exemple, la raison assez ridicule du pourquoi du comment qui au final ne résout rien du tout) et fini par se prendre beaucoup trop au sérieux, a peine sauvé par une cinématique finale montrant que rien de ce qu'on a fait n'avait vraiment de sens.
Malgré tout, le jeu reste passionnant : il parvient à nous amener dans sa logique délirante, on avance dans une étrange clarté et on comprend sans peine tout ce qu'on attend de nous au moment ou il le faut, tant bien même dans tout autre jeu ces énigmes relèveraient du ridiculement inconcevable (un boss qui se bat en nous lançant son cerveau et qu'il faut tuer en tirant dans sa cravate, un combat contre une fille manga qui jure protéger la justice et qui fuit subitement le combat en prenant le bus, un égocentrique qui demande la collection des figurines de lui même dans des contextes ridicules et un quizz sur sa personne pour pouvoir le rencontrer, Mask De Smith qui au fil du temps se transforme en emule de héros sentaï...), Cela est dû au soin apporté au jeu (il n’y a aucun vrai bug ou problème de gameplay qui ne soit pas volontaire), au background, au design original, mais évidemment aussi au fait qu'il soit assez linéaire. Tout être bizarre ou événement anachronique s'inscrit dans une logique perverse mais compréhensible a celui qui rentre vraiment dans le « délire » des créateurs. Il est évident que tout ceux qui ne pourraient pas jouer a un jeu pour son ambiance et qui veulent absolument du frénétique, de la difficulté et un scénario clair comme de l'eau de roche ne devraient pas s'intéresser a ce soft. La compréhension finale dépend de toute façon de la façon dont le joueur voit les événements, suivant son bagage artistique et/ou culturel,
Petite parenthèse personnelle : j'adore les jeux, films, livres, ou tout art abstraits et basés uniquement sur le ressenti. Mais, Killer 7, a force de vouloir jouer dans le mindfuck constant, se prend un peu les pieds dans le fil et on ne comprend pas trop ce qu'ils voulaient accomplir. C'est du moins ce que j'ai ressenti en comparaison avec toutes les œuvres œuvres abstraites que j'ai connu qui ne veulent pas forcément montrer qu'ils (les auteurs) voulaient passer un message, ou montrer qu'il n'y a pas de message, mais laissaient tout ça au soin de celui qui essaie de s'y intéresser, de trouver une explication. Peut-être que quelqu'un de moins familiarisé avec « l'abstrait » pourrait mieux y trouver son bonheur, je ne sais pas. Je vous conseille tout de même de le tester d'une manière ou d'une autre et si vous accrochez tout de suite, vous ne serez pas (entièrement du moins) déçu.
Killer 7 est une œuvre unique et viscérale, qui restera pour toujours quelque chose a part, de spécial dans le monde du jeu vidéo. Grâce a son style, son histoire et son gameplay, jamais re-exploité par la suite, pas même par son créateur, il peut être rejoué même plusieurs années après sans trahir son époque. Il reste assez passionnant et original pour attirer n’importe quel fan de jeu vidéo qui a su passer outre les sempiternel titres cultes énoncés ci et là dans diverses listes. Comme dit en intro, on aime ou on déteste, mais on est définitivement marqué par cette ambiance mi folle mi grave mi malsaine sur fond de politique qui symbolise les aventures inconcevables de Harman Smith.
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Créée
le 2 juin 2017
Critique lue 502 fois
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