Marrant de se dire que parmi les jeux de la licence Kingdom Hearts, l’opus préféré des fans n’est pas nécessairement l’un des volets principaux mais un des épisodes annexes qui apporte malgré tout un édifice non négligeable à l’épopée débuté par Tetsuya Nomura et Square Enix depuis 2002.
Alors que la conclusion de Kingdom Hearts II laissait croire à la fin de l’aventure jusqu’à ses dernières secondes, c’est un crochet au pied des fans qu’il fera avec sa dernière cinématique. Ainsi qu’une deuxième cachée pour les gamers hardcore prêt à tous les efforts pour finir le jeu à 100% à l’époque : une courte cinématique dévoilant trois guerriers et trois keyblades plantés au sol, ainsi qu’une immense terre jonchée de centaine et de centaine de keyblades enfoncés tandis qu’une silhouette noire menaçante arrivait au loin. Tandis qu’une deuxième cinématique sorti quelques temps après (que j’ai toujours cru pendant un temps être celui d’ouverture du troisième Kingdom Hearts tant ça semblait dramaturgique), et qui nous dévoilait un vieux monsieur pas bien commode avec son bouc, promouvait un opus destiné à la console portable avant qu’il ne soit réédité plus tard sur Playstation 3 et4, mais en découvrant cette fois-ci un préquel aux événements survenus dans les épisodes principaux ainsi qu’un nouveau trio non mentionné précédemment à l’inverse de Roxas et Axel qui auront aussi leur propre aventure dans 358/2 Days.
Et s’il y a à redire sur son statut d’épisode annexe, il a également ses qualités propres non négligeables qui le placent facilement en haut des autres jeux dites secondaires de la licence. Tout d’abord sa volonté d’explorer davantage la mythologie autour de cette arme mythique par l’examen de passage au titre de maître, l’origine des mondes, ainsi que les rôles incombant à chacun des 3 héros incarnés par le joueur vaquant de monde en monde Disney sans oublier un Mickey moins expérimenté et par moment plus vulnérable que ce à quoi nous ont habitués les premiers jeux de la licence.
Au-delà de la redécouverte de la mythologie Kingdom Hearts par trois intrigues étroitement lié (Aqua, Terra et Ventus passant chacun dans les mêmes mondes mais à des moments différents), c’est surtout dans sa reconstruction esthétique des divers mondes que le jeu sur console de démarque en tentant davantage de se fidéliser avec les films en terme de mimétisme visuelle sur une simple console portable : que ça soit la forme géométrique des arbres de la forêt enchantée de La Belle au Bois dormant en passant par le pays imaginaire avec la possibilité de gravir les hauteurs avec Ventus ou les lieux tous retranscrits du film découvrable dans son entièreté avec les trois porteurs de Keyblade. Si la transposition sur console de salon nous fait souvent remarquer qu’on a affaire à un jeu initialement adapté pour Playstation Portable avec sa patte graphique (on voit parfois uniquement les lèvres s’animer en deux images et un regard qui ne bouge pas), il est revanche très remarquable pour une transposition de la licence sur console portable et en terme d’immersion malgré les répétitions qui se font sentir à partir du deuxième ou troisième personnage qu’on contrôle.
Par contre, ce qui arrive tant bien à passer crème sur console portable comme sur console de salon : c’est le renouveau de son gameplay par rapport à ses aînés et son évolution progressive au fil des mondes. Plus question d’assimiler une montagne de technique en une fois avec des variantes par Keyblade, cette fois-ci c’est à nous de trouver les commandes au fil des mondes en y repassant par moment pour dénicher tout ses trésors cachés, ou en participant aux mini-jeux fournis tous très prenant et proposant également un bon moment de détente pour augmenter la durée de vie du jeu (le jeu de plateau avec en décor de fond tel monde Disney faisant varier les règles et bonus, ou ceux de la ville Disney étant un très bon alternative au monde de Winnie l’ourson qui constituait le moment de détente du joueur dans les 3 premiers jeux, sans oublier l’arène spatial se substituant au Colisée du monde d’Hercule). Sans oublier la fusion des techniques et des sorts permettant de découvrir davantage de technique en tout genre afin de gérer l’espace, le nombre d’adversaire, leur force et surtout la difficulté qui nous entoure.
Les combats gagnent davantage en intensité à force de cumuler les divers types et variantes de combos (certains iront davantage vers les dégâts infligés ou d’autres ver l’acquisition de la monnaie du jeu ou des points de vie et si vous jouez en mode difficile, vous allez en avoir besoin), chacun des protagonistes se distinguent par son propre style auquel le joueur pourra avoir sa propre affinité (la force pour Terra plus doué au corps à corps, la vitesse pour Ventus qui permet d’enchaîner des coups rapides et précis, et enfin l’agilité pour Aqua plus douée en magie) et s’adapter aux animations variés de chaque style de combo selon la nature du manieur de keyblade.
Malgré tout, et c’est là que je ne vais pas être en accord avec l’avis des fanatiques et de ceux qui le soulèvent au panthéon de la franchise : Birth by sleep n’a pas les moyens de pousser ses idées assez loin et se retrouve continuellement freiné par son statut d’épisode annexe. Et cela se ressent sur deux points : ses personnages, en particulier le parcours d’Aqua, Terra et Ventus puis son ton global. Autant l’idée d’enfin incarner un trio complet pour découvrir un récit en 3 points de vue est alléchant sur le papier et innove vis-à-vis des opus centraux, autant il aurait été bien plus recommandable d’en faire un des opus principaux pour créer davantage de matière vu l’importance que va requérir ces événements pour la suite de l’histoire de la licence.
De tous les trios proposés par la licence, celui-ci est le moins convaincant de tous pour la simple et bonne raison que le découpage de leur histoire ne permet ni de donner suffisamment de matière à l’amitié qui les unit, ni envers maître Eraqus (doublé par Mark Hamill tout de même) et ni d’exploiter totalement la voie que chacun choisit avant de se retrouver au moment clé du jeu. Pire encore, Ventus s’avère ici être le moins intéressant des personnages de la licence Kingdom Hearts parmi les héros que l’on incarne : impossible de le voir autrement que comme une rencontre psychologique et physique entre Sora et Roxas tant son caractère semble pompé sur eux qui ont déjà largement fait leur preuve.
Et sans le Twist qui l’entoure et le mystère qui le lie à sa némésis Vanitas, il serait un personnage anormalement fade alors que chacun a su se distinguer à sa façon dans chaque trio même les non jouables.
Aqua et Terra sont plus compliqués à aborder car chacun a une voie intéressante à suivre les opposant d’une manière ou d’une autre, et se distinguent chacun davantage mais le jeu n’a pas le temps ni la possibilité de creuser assez loin pour les faire évoluer grandement, ou du moins faire ressentir une évolution flagrante. La tentation aux ténèbres de Terra et la manipulation dont il est victime en font un héros ni noir ni blanc prometteur mais qui n’arrive jamais à atteindre un point de fissure assez impactant sur la moralité de ses actions finalement pas aussi douteuse. Quant à Aqua qui est le premier personnage féminin contrôlable de la licence, son isolement quant à son récent titre de maître de la Keyblade et les désirs difficilement assouvis de ses deux amis donnent énormément de potentiel dramatique à son parcours (qui aura le droit à une bonne extension via A Fragmentary Passage sorti peu avant Kingdom Hearts III) mais là encore il y avait matière à aller plus loin quand bien même je garde de la sympathie pour elle et Terra.
D’autant qu’à l’inverse d’Axel, Roxas et Xion qui partageaient régulièrement leurs moments de complicités à la Cité du Crépuscule, Sora, Riku et Kairi qui ont eu l’occasion de trouver leur place depuis le premier jeu ou même notre trois mascottes Disney Mickey, Donald et Dingo, Birth By Sleep n’accorde bien souvent que des instants trop passager au flash-back et moments partagés par ce trio d’ami avant leur voyage et les rares souvenirs remémorés via les scènes Disney reprises manquent aussi. Difficile de retrouver des émotions semblables pour le gamer qui doit pouvoir s’identifier avec le personnage qu’il incarne dans ce genre d’action RPG. On retiendra surtout ce jeu comme un déclencheur de nombreux événements qui prendront place durant les opus principaux (la quête de Mickey qui débutait à ce moment, la X-Blade, les dessins du méchant principal), et surtout pour nous avoir dévoilé le grand antagoniste de la licence en la personne de Xehanort de par son allure lugubre et son sourire de vieux pervers calculateur, déjà capable de manipuler les cœurs pour parvenir à son but final malgré une ambiance moins sombre qu’on aurait été en droit de l’espérer sans quelques fulgurances.
Néanmoins il se rattrape ici et là par son final qui achève le jeu sur une note plus désespérée et incertaine que les précédents opus puisqu’aucun de nos trois héros n’arriveront à avoir le dernier mot au final :
Ventus plongeant dans un sommeil léthargique après s’être sacrifié face à Vanitas et caché pour ne pas être enlevé de nouveau, Terra voyant son corps volé par Xehanort et Aqua condamnée à l’errance au royaume des ténèbres après un ultime geste pour permettre à Terra de pouvoir un jour revenir parmi les siens.
On a beau entendre ici et là au sein de la communauté des fans qu’on tient le meilleur de la licence, pour moi il ne dépasse pas le statut du très bon. Ce qui est quand même loin d’être mal, que ça soit pour sa tentative très honorable d’aborder le commencement du commencement (c’est bon, vous saisissez ?), son esprit bon enfant qui survie toujours, ses renouvellements en terme de gameplay très maîtrisés et ses très excellentes musiques toujours dirigé par la baguette de Yoko Shimomura. Et ça reste néanmoins le plus réussi de tout les spin-off Kingdom Hearts, ce qui est déjà beaucoup.