Loco Motive nous avait tapé dans l'oeil. Nous, les nostalgiques de l'époque où les jeux Lucas Arts (et Lucasfilm avant eux) avaient une position hégémonique sur la production de jeux Point-and-Click. C'était les années 90 et d'ailleurs ces jeux-là on les appelait les jeux d'aventure.
C'était Monkey Island, le dyptique Maniac Mansion/Day of the Tentacle, Sam & Max...
Ce n'est pas un hasard si je cite ceux-là, plutôt que Loom, Indiana Jones ou Grim Fandango.
Ce sont les plus emblématiques. Ce sont ceux qui ont marqué toute une génération à travers le monde.
Robust Games est un studio britannique. Mais c'est surtout deux frères, Adam et Joseph Riches. Une nation et deux personnes qui ont été traversées, en même temps que le reste du monde et de leur génération, par les jeux cités plus haut.
Je dis ça mais je n'en sais rien, je n'ai même pas envie de prendre la peine de vérifier mes infos. Ça se trouve ils ont 27 ans. C'est pas ça qui compte. Ce qui compte c'est d'insister sur l'influence qu'ont eu ces jeux emblématiques. Parce que Loco Motive est un jeu sous influence.
On peut jouer à pointer du doigt toutes les références. Je ne vais pas le faire ici*, mais vous allez le faire en jouant à Loco Motive. Vous allez trouver du Monkey Island, au moins dans le thème de Don qui fait plus que rappeler le thème de LeChuck ("Don's Quarter" je vous laisse chercher dans youtube ou spotify la BO signée Paul Zimmermann), ou dans la scène de la triple validation des éditeurs qui fait penser au jury de pirates du Scumm Bar. Vous allez trouver du Sam & Max ou du Monkey Island 2 dans les animations des personnages. Vous allez trouver une référence à Indy sur le toit du train, une référence à Maniac Mansion et Day of the Tentacle dans une mécanique qui apparaît à la fin du jeu.
Vous allez trouver plein de trucs (*finalement je l'ai fait). Ou peut-être que non, parce que peut-être que vous n'avez pas connaissance de ces jeux. Si c'est le cas, je mesure difficilement comment vous allez apprécier Loco Motive. Car sa réussite tient évidemment dans le brio avec lequel il ressuscite le genre.
Je ne suis pas en train de prétendre que Loco Motive ne s'apprécie qu'en tant que référence à un genre et à une époque. Le jeu est bon et il a quelques modernités notamment dans l'assistance à la résolution des énigmes, avec un système d'indice malin, plus malin et tellement plus progressif qu'aller chercher la solution sur internet (ce qu'on ne pouvait pas faire à l'époque, car personne n'avait internet à la maison).
Le jeu est bon, parce que l'histoire est réussie. Le récit des faits est bien pensé, rythmé comme il faut, avec des révélations ou simplement des moments de compréhension où il faut, quand il faut.
Tout se déroule à huis clos dans un train. Ou quasiment.
A bord de ce train, une galerie de personnages, souvent fantaisistes comme le veut la tradition du genre, et un crime. Un meurtre. Lady Hunterberg est assassinée. Pile avant de rendre public la teneur de son testament. Comme c'est curieux ! Il faut dire que l'héritage est coquet et donc convoité. L'intrigue fonctionne comme un whodunit ? Vous savez à la Agatha Christie... Oui et non. Parce que le suspect c'est vous.
La principale réussite scénaristique du jeu tient dans l'idée qu'on va incarner successivement trois personnages différents, qui ont agi à différents moments de l'enquête. Chacun a foutu le bordel dans le train, chacun avec son style, chacun à différents moments de l'intrigue. Je ne dirais que cet exemple pour vous donner un avant-goût : dans les premiers chapitres on traversera les restes d'une cuisine ravagée. Quelques chapitres plus tard, avec un autre personnage dont l'action se déroule plus tôt, on comprendra qu'il va nous falloir être le responsable de ce chaos. Et des choses comme ça il y en a plein dans le jeu.
Non seulement c'est savoureux... Arrêtons nous là un instant : c'est savoureux, je vous jure.
Donc non seulement c'est savoureux, mais surtout c'est intelligent parce que c'est une aide à la réflexion. Quand on comprend qu'on a déjà "vu" la finalité des choses, ça nous sert de guide sur l'action à mener.
Bref, le jeu est bon. Bien raconté. Bien construit.
Et surtout, on n'avait pas ressenti à ce point la touche Lucas Arts depuis les jeux Lucas Arts.
Ce n'est pas rien de le dire car je pense que c'était le but ultime de la proposition.
Mission accomplie donc.
NB : ma note peut sembler sévère à la vue des standards de notation habituels, ici et encore plus ailleurs notamment quand il s'agit de jeux video. Pour moi ce n'est pas un 6/10 scolaire. Loco Motive est un bon jeu. Un de ceux qui resteront quand je repenserai à 2024. Mais ce n'est ni un jeu extraordinaire, ni particulièrement marquant, pas un jeu du top 10 de l'année, encore moins un jeu de mon panthéon personnel. J'ai besoin de garder mes 7/10, mes 8 et mes 9 pour des jeux qui se démarquent ou me frappent d'une façon ou d'une autre. Plus que Loco Motive ne l'a fait.