Après avoir perdu sa famille, la nouvelle femme qu'il aimait, sa réputation, ses illusions il ne restait plus grand chose à Max Payne, flic New-Yorkais accro aux médocs, à la souffrance et à la violence. Dix ans après ses derniers déboires, beaucoup de choses ont changées.

Sao Paulo remplace New York.
Le soleil remplace la neige.
La chemise à fleur remplace le pardessus de cuir.
Rockstar remplace Remedy.

Par dessus tout le jeu vidéo à changé, profondément, massivement, intimement. Loin des stratégies de reboots chères à l'industrie les nouvelles aventures de ce bon vieux Max se veulent comme un pont tendu entre deux mondes. Celui qui avait donné un nouveau souffle à ce que l'on n'appelait pas encore le TPS a-t'il encore des choses à offrir à l'heure des Gears of War et autres Uncharted ?
Le changement c'est maintenant, pour Max Payne aussi ?

La première modification fondamentale dans l'ADN de Max Payne est bien entendu le changement de développeur et donc de scénariste. Dan Houser remplace Sam Lake et ce qui aurait été un détail invisible dans la majorité des jeux vidéo a ici un impact immédiat. Les rebondissements, L'histoire, les personnages, les dialogues.... l'écriture du titre porte définitivement la marque du petit frère Houser, a tel point qu'on jurerait certains passage issus d'un spin off de GTA. Max n'a pas tant changé que ça, traînant son malheur et sa poisse avec la même lassitude. Mais autour de lui gravite une galerie de personnages vivant avec le perpétuel besoin d'en faire des tonnes, de faire du bruit, de se donner des airs faussement cools. Le choc des cultures est frontal et le regard navré de Max sur ceux qui l'entoure occasionne quelques dialogues savoureux.
Oubliant l'introspection et le rapport intime que liait Max avec l'intrigue des précédents volets l'histoire de Max Payne 3 reste finalement sans grand intérêt malgré des thématiques parfois bien glauques.
L'enfer est-il plus doux au soleil ?
Rockstar répond clairement : non. Le changement de décor n'adoucis pas la dureté des choses, bien au contraire même. les situations et propos chocs s'enchaînent mais le traitement convenu n'épargne pas quelques facilités assez grossières, voir parfois franchement idiotes.

La série Max Payne a toujours été connue pour son aspect cinématographique poussé et Rockstar s'emploie à ne pas changer cet aspect. Cependant la méthode change. Adieu les cases de bande dessinée et bonjour les cinématiques faites avec le moteur du jeu. Nombreuses, très nombreuses, trop nombreuses. Max Payne 3 est littéralement un jeu sur-narratif. Impossible de franchir une porte, monter une échelle, traverser un couloir, appuyer sur un bouton sans avoir une cinématique. Sans subir une coupure dans le gameplay. La continuité entre les phases de jeu et les cinématiques est parfaite puisque la caméra glisse naturellement de l'un à l'autre mais on ne nous rend la manette que lorsqu'il faut vider des chargeurs, pour tout le reste nous restons de simples spectateurs.
Le rythme du jeu s'impose trop au joueur qui ne peu que le subir tant les cinématiques sans réel intérêt s'étalent pour pas grand chose. Ces cinématiques ont aussi la délicate charge de masquer les temps de chargement, ce qui les rend impossible à passer même lorsque l'on a déjà fini le jeu. Agaçant.
Quand on sait que le jeu n'abandonne pas non plus les fameux monologues du héros et s'octroie également quelques flash-back, ça ne contribue pas à alléger la recette. Rempli jusqu'à la gueule de procédés narratifs le jeu ressemble à une grosse meringue sur laquelle on aurait rajouter du sucre glace et de la crème chantilly, au cas où.

Quitte à faire dans la cinématique envahissante autant le faire à fond. Là où Remedy puisait dans le film noir et dans le néo polar, Rockstar lorgne du côté du film d'action post moderne. La maître à penser n'est autre que Tony Scott. La matrice n'est autre que Man on Fire. Si on échappe (de peu) aux explosifs introduits dans l'anus on a en revanche droit à tous les artifices visuels du moins doué des frères Scott.
Image qui saute, filtres parasites, couleurs saturés, splits screens... il y a même les sous-titres reprenant les dialogues.
Parfois sympa. Souvent gratuit. Pénible à court terme. On sent les auteurs pris au piège, ne voulant pas répéter les ambiances originels de la série tout en voulant imprimer une identité forte. Le fait est que Max Payne 3 dégage une vraie personnalité. Mais là encore le procédé est lourd, empilant jusqu'à l'écoeurement les effets de style, assommant au passage le joueur légèrement fatiguer de subir son centième filtre surexposé jaune/vert en moins d'une minute. En allant jusqu'au bout de la démarche on peut y voir une transposition de l'état lamentable de Max. Soit. Mais pourquoi utiliser certains effets qui seraient alors des contre-sens (par exemple le split screen, évoquant une acuité optimisée de l'espace hors il ne devrait en être rien de la part d'un drogué/alcoolique/incapable de prendre une décision) ? Pourquoi garder certains autres alors même que des rebondissements de l'histoire les rendent caducs ?
Le jeu se révèle tellement mis en scène que celle-ci ne veut plus rien dire, l'effet est tué dans l'oeuf par excès, sacrifié sur l'autel de l'esbroufe.
Le début du jeu, mettant en place les enjeux et personnages, est à ce titre particulièrement insupportable. Heureusement les dernières actes se révèlent être les meilleurs, que ce soit au niveau des situations de jeu, de la narration plus équilibrée, de la mise en scène moins envahissante et des ambiances, beaucoup plus inspirées et mieux mises en valeur (notamment par la musique).

Jongler entre héritage et innovation, le gameplay s'essaye lui aussi à cet exercice délicat. Les bases restent les mêmes : vue TPS, bullet-time, shootdodging, fragilité de notre avatar, flingues variés, pas d'indicateur d'objectif au milieu de l'écran. Le jeu se permet même un luxe impensable pour un titre de 2012 : la vie de remonte pas toute seule ! Comme à la grande époque le joueur devra économiser ses painkillers et bien réfléchir à la manière d'aborder ses combats sous peine de mourir par quelques rafales bien placées. Sanction d'autant plus présente que nos adversaires sont particulièrement agressifs.
Un feeling old school qui fait du bien après tous les jeux d'action "clé en main" vendu en supermarché ces dernières années.
Ne pas trahir. Ne pas oublier. Ne pas oublier qu'en dix an le genre à évoluer. On retrouve ainsi un système de couverture, simple mais un peu rigide, qui s'intègre plutôt bien à l'atmosphère et au gameplay de la licence. On retrouve aussi les sempiternelles phases de rail-shooting, heureusement peu nombreuses. On retrouve, enfin, une propension au spectaculaire qui tombe parfois dans le ridicule comme lorsque notre héros s'amuse à faire voler des bateaux ou à combattre des hordes de vilains arrivant par camions entiers dans un décor se désagrégeant à grand renfort d'effets pyrotechniques bien tape-à-l'oeil.

Pour assurer un bon mariage entre tradition et modernité Rockstar soigne bien les détails. Le moteur du jeu affiche de jolies choses, que ce soit lors des cinématiques avec des visages et expressions réussis ou en jeu avec des décors réagissant à chaque balle et une localisation des dégâts pointue pour des gunfights intenses et jouissifs.
Le coeur, toujours viser au coeur.
Le coeur du jeu est bel et bien preserver. On pourra néanmoins regretter certaines aires de jeu où les affrontement se font à longue distance, diminuant ainsi l'impact des échanges. Mais le level design impeccable fait des merveilles lors des affrontements en espaces clos, tout en brutalité et en tension.

Par défaut le jeu possède un système d'auto-aim à la call of duty: il suffit d'appuyer sur le bouton de visée pour que le viseur s'accroche à une cible proche, permettant de débusquer le malotru avec facilité, même lorsqu'on ne le voit pas. Il suffit en effet de spammer le bouton de visée pour finir par accrocher une cible qui passait par là.
Les vraies sensations se débloquent au prix de la visée libre, retirant toutes les aides pour des fusillades enfin gratifiantes. Max Payne 3 n'est pas difficile. Il se contente de ne pas livrer au joueur du contenu pré-mâché, destiné à être ingéré sans être dégusté. Max Payne 3 a un peu de cette élégance des jeux d'avant. Cette élégance autorisant à faire mourir le joueur au cours du premier niveau, parce qu'il n'a pas pris la peine d'étudier les mécanismes de jeu. Même avec sa fâcheuse habitude de hacher les phases de jeu pour rien Max Payne 3 reste centré sur le joueur et sa maîtrise du gameplay. Au pire, si vous mourrez à répétition, le jeu vous offre des painkillers et des munitions. Max Payne 3 n'est pas difficile, il réclame juste un minimum d'attention et de coordination.
Une expérience plutôt pénible quand on est un joueur console tant les sticks manquent de précision et de réactivité, même avec la sensibilité à fond. C'est là qu'on se rend compte que le game design de Max Payne 3 reste proche de ses racines et donc pensé pour le PC, où la maniabilité offerte par le combo clavier-souris libère le joueur de toute frustration dans son besoin compulsif de meurtres virtuels. Le plaisir simple de viser juste et vite pour des sensations optimales.

Ultime conformation aux canons de la modernité le jeu se voit affublé qu'un mode multijoueur. Comme pour le reste Rockstar rempli son contrat. Relativement original avec ses modes de jeu adaptés et plutôt sympathique avec son adaptation, toute en compromis elle aussi, du bullet-time à plusieurs cet ajout est un bonus agréable mais assez peu convaincant pour une utilisation récurrente. Friandise.


Rockstar impose sa marque à la licence Max Payne, la modernisant mais sans la trahir, la recherche perpétuelle de compromis que représente le jeu fonctionne. A l'heure des reboots idiots et des suites insipides Max Payne 3 sonne comme une réussite inattendue.
Une réussite qui n'est cependant pas totale. Les frères Houser mettent le paquet mais leur énergie entraine parfois ce cher Max aux confins du nanar de luxe. La narration est aussi étouffante dans les faits que fluide sur le plan technique, la mise en scène est aussi travaillée qu'elle est fatigante, l'écriture est aussi omniprésente qu'elle est basique.
Max Payne 3 est un gros blockbuster efficace, réjouissant, un peu décadent mais guerre plus. On aurait pu avoir tellement pire. On aurait aimé avoir tellement mieux.
De la retenue, un minimum syndical au moins. Une petite touche de génie. Une étincelle. Ce petit quelque chose. Celui qui manque quand il n'est pas là et qui est invisible lorsqu'il est présent.
Un bon produit. Max Payne 3 est un bon produit mais pas grand jeu.

"Time Moves Forward, Nothing Changes" Nous confie Max.

Et si c'était l'inverse ? Et si le temps faisait du sur-place mais que tout avait changé ?
Avec un pied dans chaque époque on sent un conflit interne rongeant ce 3 ème opus. Une nouvelle dynamique qui s'impose à la fois comme un moteur de réussite et comme une limite indépassable.
Comme lors de la dernière séquence du jeu, plongeant allègrement dans le grand-guignol et le spectaculaire bas du front sans la moindre raison...
de la même façon qu'on rajoute des gros plans sur des culs de femme pour assurer une ambiance latine...
de la même façon que Rockstar confond vulgarité et maturité.
Vnr-Herzog
7
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le 2 juin 2012

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