Memento Mori par Foulcher
Pour être plus précis, Memento Mori nous fait diriger deux personnages. Le premier, féminin, est un agent d'Interpol pas spécialement gradé qui va se retrouver impliqué dans l'affaire du fait de ses liens avec le second personnage, masculin, ancien faussaire d'Art obligé de collaborer avec les autorités sous peine de voir son dossier remis à la Justice. Les noms des héros sont respectivement Lara Svetlova (d'origine Russe) et Max Durand (d'origine française). Mais qu'est-ce qui va les amener à s’impliquer dans une enquête me direz-vous ? Eh bien la raison s'appelle Ostankovic, un policier haut-gradé soucieux de maquiller une affaire de vol de tableaux pouvant nuire à sa carrière et capable pour cela de menacer de révéler des informations compromettantes pour nos deux héros.
Après quelques heures d'enquête préliminaires, le joueur se rendra compte que l'histoire s'axera progressivement sur un mystérieux groupe de gens vêtus comme des moines et arborant le sigle de la boîte de Pandore.
A l'époque de sa sortie, le genre narratif n'était pas très populaire auprès des joueurs (moins nombreux) et de la presse qui reprochait à ce type de Point&Click de négliger les énigmes (Dreamfall en a aussi fait les frais). Aujourd'hui, la donne a changé avec The Walking Dead qui a popularisé cette orientation et changé étonnament le regard de la presse alors que fondamentalement les orientations sont proches ; celle de The Walking Dead est même plus radicale...Je serais toujours étonné de voir ces changements d'avis brusques, mais ceci est un autre sujet...
Quoi qu'il en soit, la condition principale de réussite de ce type de Point&Click est que la narration et l'histoire doivent bien nous accrocher. Est-ce le cas ici ? La réponse est oui ! Je dirais même que le jeu avait des cartes suffisamment bonnes en main pour faire un jeu quasi-mémorable mais au final, on a juste une histoire plaisante et bien narrée, ce qui est déjà pas si mal...
Dans la narration, Memento Mori se distingue par une mise en scène irréprochable. De fait, les voix sont très bonnes (notamment le narrateur mystérieux dont on découvre la surprenante identité en fin de jeu...) et les animations atteignent un niveau de qualité rare pour le genre (presque toutes les actions du jeu disposent d'une animation propre et complète, i.e. il n'y a pas qu'une animation générique pour chaque type d'action). De même, le jeu est bien rythmé, repose sur un background solide et sait rendre ses personnages attachants grâce à la mise en scène et aux nombreuses scènes cinématiques du jeu (certains actes durent pas plus de 5-10 minutes et finissent par une cinématique). Ainsi, on découvre une Lara qui a grandi dans un milieu très superstitieux et qui a un lien assez fort avec Max, personnage très loyal hanté par ses souvenirs d'enfance et vêtu à la manière de Ryo Hazuki. A ce casting, ajoutez un Ostankovic qui alterne entre des manières machiavéliques et une sollicite presque sympathique, une vieille femme aux prédictions funestes, une petite fille malade vivant dans un quartier délabré de Saint-Pertersbourg, etc. et vous obtenez un éventail de personnages variés et intéressants. Le voyage social se complète aussi par un voyage géographique de qualité servi par des beaux effets de lumière et des paysages parfois très beaux (notamment un certain pont en Finlande...).
Mais alors, d'après toutes les qualités énoncées, pourquoi le jeu n'atteint pas le statut d’œuvre mémorable ? Principalement parce que Memento Mori est trop court ; je l'ai fini en sept heures pour ma part. Vous me direz que si le jeu n'avait plus rien à dire, cela peut suffire. Eh bien en l’occurrence je trouve qu'il aurait été intéressant d'encore plus développer les personnages avec davantage de scènes et surtout de moins précipiter la fin qui perd du coup un peu en impact. Par exemple, le thème de la boîte de Pandore est vite abandonné et l'on a du mal à vraiment saisir certains éléments en ce qu'ils n'ont pas été assez préparés. Sincèrement, je pense qu'on aurait pu doubler la durée de vie sans problème sans impacter la fluidité de l'intrigue...
D'ailleurs en parlant de la fin (ou plutôt DES fins, le jeu en ayant 8 (cependant il y a deux vraiment différents sur un point important) selon des actions et choix faits dans le jeu) , sans la révéler, je dois dire qu'elle est vraiment très surprenante et propice à l'interprétation. Une part de cette interprétation provint, il est vrai, de quelques carences narratives (notamment de précipitations sur cette société secrète et sur des explications relatives à la rencontre qui s'opère à la fin) mais l'autre est bien le fait d'une certain talent narratif. Pour être parfaitement honnête, je n'ai pas vraiment de clé sur le sens à donner à cette fin... Si l'on se réfère au sens profond classique de la locution "Memento Mori", on a cette idée qu'il faut éviter de céder à l’orgueil et de ne pas avoir l'outrecuidance de croire qu'une quelconque nature divine (du fait d'exploits, de réussite sociale, etc.) nous préservera de la mort. A cette aune, l'explication finale de la nature de l'aventure peut être éclairé par cette interprétation même si j'ai toujours du mal à comprendre les motivations de l'"antagoniste" principal...
Sur la partie gameplay maintenant, le jeu s'avère assez light mais au moins logique, bien pensé au niveau ergonomique et peu enclin au remplissage.
En effet, même si les "énigmes" sont dans l'ensemble très faciles (les derniers actes sont d'un meilleur niveau), elles ne mettent pas en jeu des associations d'objets tirées par les cheveux ou des mécanismes artificiels de recherche du petit pixel cliquable insoupçonnable... De plus, des tâches ingrates qui ne servent à rien n'ont pas été intégrées au jeu. Ainsi, la progression est réaliste, logique et fluide. Ceci dit, on peut faire un jeu logique et pourtant assez élaboré, je pense notamment à Gray Matter avec son énigmes finale de haute volée. L'ensemble est donc plutôt bon (mais pas non plus exceptionnel) au regard de son concept qui ne plaira pas à tout le monde (notamment si vous aimez vous triturer les méninges).
En sus, le jeu propose certains dialogues avec des choix qui ne changent pas grand chose en règle générale sauf le ton (interrogatif, bienveillant ou irrité). En somme, cela n'apporte rien au gameplay mais ajoute un peu à l'immersion. Cela reste anecdotique...
On appréciera aussi sans doute les quelques variations au principe du P&C (pas révolutionnaires mais un peu immersifs) sur les décors : manipulation d'objets à faire tourner, un petit jeu des sept erreurs, envoi de mails, composition des numéros de téléphones, dialogues facultatifs, etc.
Au demeurant, Memento Mori demeure une expérience narrative assez originale, très bien mise en scène et relativement fluide. Bien que très facile, la partie ludique s'avère aussi logique et se concentre sur l'essentiel. Il est malheureusement dommage que le jeu soit si court, sous-exploitant ainsi au final un jeu qui jouit de bases très solides (assez remarquables dans le genre même, cela se ressent dans la présence d'animations détaillées pour chaque action comme déjà évoqué). La fin et d'autres scènes perdent donc en éclat du fait d'un traitement parfois précipité et qui n'ose peut-être pas jouer la carte de l'emphase sur les scènes les plus tragiques. Pour son prix actuel cependant, il s'agit d'une expérience très convaincante que je recommande à tous les amateurs du genre. Je songe d'ailleurs très sérieusement à m'acheter le second épisode.
Créée
le 24 mai 2014
Critique lue 261 fois
D'autres avis sur Memento Mori
Du même critique
La renaissance de la gestion ?
Le problème quand on critique un jeu de gestion c'est de réussir à prendre en compte le prix du jeu tout en en évaluant l'intérêt ludique absolu qui repose grandement sur le contenu en sus des...
Par
le 13 mars 2014
31 j'aime
6
Transformers : Hobbs & Shaw
Aucune critique négative sur un tel film ? Il doit y avoir une erreur, ce n'est pas possible...heureusement, la nature a horreur du vide et je suis là pour le combler. Commençons sans détour : ce...
Par
le 7 août 2019
20 j'aime
1
Un parfum de téléfilm TF1 sans ambition
Le titre pourrait paraître contradictoire étant donné que je suis un fan absolu des Misérables de Josée Dayan mais il s'agissait d'une des rares superproductions qui contredisaient la règle. Pourquoi...
Par
le 11 déc. 2018
19 j'aime
2