Jouer à l'opus fondateur de l'univers Might & Magic en 2015, c’est un peu comme monter à bord d'une DeLorean et partir presque trente ans dans le passé. On débarque alors à une époque où le RPG occidental vit son premier âge d'or et où les rôlistes s'en donnent à cœur joie avec tout un tas de vieilleries qui donnaient parfois naissance à des licences populaires de nos jours.
Créer par Jon van Caneghem, ce Book One nous propose de contrôler six aventuriers déjà existants, ou de créer ses propres héros, via un système préhistorique de customisation distribuant les points de compétences au hasard, obligeant à reroll jusqu'à obtenir les attributs souhaités. Autant être clair, on gagne du temps en utilisant le groupe très homogène proposé. Et on est ensuite lâché dans la première ville. Mon premier essai à durer moins de cinq minutes, tout simplement parce que j'étais paumé, ne comprenant pas grand chose aux divers éléments affichés à l'écran. La lecture du manuel est ici une nécessité pour pouvoir appréhender le gameplay et son fonctionnement. Cela s'est perdu aujourd'hui, les jeux possédant tous un tutoriel plus tout un tas d'aides intégrés. Idem pour le cluebook, affichant les diverses cartes et épargnant un laborieux mappage manuel.
Might & Magic laisse la part belle à l'exploration, la recherche d'indices, de quêtes pour la progression dans cet univers fantasy. Les indications sont maigres, il ne faut pas hésiter à prendre des notes dès qu'on tombe sur une quelconque description. Il n'y a pas vraiment d’histoire, juste un monde avec ses secrets. Seul la fin vient mettre les choses au point avec sa révélation final surprenante remettant en cause tout ce qu'on croyait savoir, et autant dire que ça vaut son pesant de cacahuètes.
Le jeu oblige à avoir constamment le manuel ouvert aux pages des sorts pour savoir quelle code numérique correspond à quelles magies. Une autre façon de jouer, associant un coté travaux pratiques à l'expérience.
La carte du monde est assez vaste, et comme dans tout dungeon crawler, labyrinthique. C’est du classique porte, monstre, trésor dans des maps en 16x16 cases en vue à la première personne au milieu de décors plats aux couleurs ternes. Un sort permet de se localiser via des points de coordonnés, qui associés aux maps du cluebook, sert au final de GPS. Un autre façon de jouer donc, datant d'une époque où la progression était parfois synonyme d'implication.
Les premiers pas sont les plus décourageants. Il n'existe aucun lieu sûr, même les villes sont liées aux rencontres d'ennemis, qu'elles soit aléatoires ou prévues. Et il n’est pas rare de tomber sur un groupe de monstres puissants, tuant en un coup n'importe lequel des membres du groupe. Et c’est pire une fois qu'on met le nez dehors, les combats pouvant s'effectuer contre un grosse dizaine d’adversaires à la fois, parfois complétement pétés. Ajoutons à cela des idées de game-designs tout sauf bonnes, pour ne pas dire merdiques. Un exemple étant le système d'handicap en combat. À chaque tour, les personnages ou les ennemis se retrouvent affublés d'un bonus de vitesse leur permettant de taper avant leurs adversaires. Pour peu qu'on tombe contre des adversaires puissants et qu'ils ont l'avantage dans l'engagement, on se mange un game over sans avoir eu le temps de dire bonjour. Et c’est le genre de truc qui m'est arrivé à chacune de mes parties. Tu parles d'une idée de génie...
Les combats sont tellement décourageants qu'ils en viendraient presque à éclipser le reste du jeu. Pourtant, on perçoit une certaine profondeur. Il y a une gestion de l'âge avec la montée en niveaux, un perso trop vieux pouvant mourir dans son sommeil. La nourriture permet de récupérer ses points de vie en repos. Il y aussi un système d'alignement en fonction des choix. En tombant sur des ennemis, on peut au choix attaquer, tentant de dialoguer, se rendre ou fuir. Cela joue sur l'alignement des personnages, et donc parfois des réactions de certains PNJ à leur rencontre.
Malheureusement, la montée en niveau demande de payer une somme augmentant avec le level. Et l'or est aussi rare que l'eau dans un désert. Surtout que les nombreuses quêtes annexes qu'a à proposer le jeu ne rapporte que de l'exp. J'ai terminé l'aventure avec un groupe level 5, mais assez d'exp pour pouvoir en faire une team de retraités. Le soucis, c’est que j'étais constamment fauché. Et c'est pas faute de revendre le surplus de matériel inutile.
Pas de musiques hormis en écran titre, à la qualité sonore repoussante. On a quelques notes par-ci par-là pour faire comprendre certaines actions (un ennemi meurt, un perso est mis K.O.), mais c’est tout.
Reste la bonne idée de proposer au joueur un accès dans le jeu vers le second opus en gardant ses personnages et leurs stats, ce qui m'épargnera des débuts compliqués. Je l'espère du moins.