En tant que nouvelle production de Jane Jansen, Moebius : Empire Rising avait forcément eu son petit succès sur Kickstarter avec plus de 400 000 dollars récoltés (ce qui semble plutôt raisonnable comme somme). N'ayant même pas eu connaissance de cette opération à l'époque, j'ai simplement précommandé le jeu par la suite et l'ai fini aujourd'hui après 11 heures 30 de jeu. Je vous le dis tout de suite, en l'état le jeu me semble avoir été un bon gâchis de concept, nous allons voir pourquoi...


Artistiquement fade


Le principal problème de Moebius, c'est qu'il se révèle assez vite comme un jeu plutôt assez quelconque d'un point de vue artistique même si le concept de base aurait pu laisser présager un traitement digne de Gray Matter ou au moins de Cognition. Malheureusement, on a l'impression que Moebius ne dépasse jamais le niveau de ces point and click moyens sans véritable patte caractéristique.
Graphiquement en effet, le jeu fait penser aux Sims avec des décors colorés présentés de façon neutre et sans véritable souci du détail. Adieu donc les angles de caméra évocateurs de Gray Matter et le trait fin. D'ailleurs, le jeu nous fait visiter différents pays mais aucun n'est vraiment travaillé de façon pointue et crédible. Dans les villes, on a l'impression de visiter des quartiers déserts et microscopiques (comme au Caire ou à Paris qui ne ressemble pas du tout à notre chère capitale si l'on excepte la présence d'une Tour Eiffel en arrière plan d'un hôtel...). L'architecture n'est pas complètement éloignée mais pourrait ressembler à n'importe quelle ville d'Europe...
Au niveau du son, les voix demeurent réussies et la musique est juste passable (la bande originale du jeu fournie avec ce dernier est composée de 32 titres mais j'ai eu l'impression dans le jeu d'en entendre juste 2 ou 3 avec pour seul thème notable (mais pas génial non plus) celui de l'intro qui revient dans le jeu de temps en temps.

Mais le gros problème vient de tout ce qui touche au scénario qui est sous-exploité malgré quelques chapitres qui donnaient l'espoir que le jeu se relance. Concrètement, Moebius nous met dans la peau de Malachi Rector, antiquaire du segment premium (ce n'est pas Louis la Brocante en somme...) disposant d'un QI de 175 et sujet aux crises de panique. Un jour, Malachi est contacté par une agence gouvernementale étrange lui demandant de se rendre à Venise pour déterminer de quel personnage historique est proche une femme noble de Venise qui a été assassinée récemment... Bien entendu, vous vous doutez que cela ne s'arrêtera pas là et que les proportions de l'affaire vont finir par augmenter (je vous laisse découvrir ce qu'est la théorie du Moebius)... D'ailleurs, quelle est cette mystérieuse agence ? Pourquoi formulent-ils une demande si étrange ?
Si le point de départ aurait pu laisser présager un développement assez subtil et transcendant comme dans Cognition et (surtout) Gray Matter, il n'en est finalement rien et le jeu reste au niveau du factuel, se rapprochant ainsi du thriller de gare qui hante nos librairies. Nulle symbolique donc mais pas plus de développement psychologique des personnages qui demeurent sympathiques mais dont on n'aperçoit que la surface. Par exemple, Malachi apprendra à faire confiance à une autre personne (avec un parallèle historique), lui qui n'a globalement aucun vrai ami ; malheureusement, même cet aspect là est négligé car traité de façon expéditive. Le problème, c'est que seuls ces deux personnages sont exploités un minimum, alors je vous laisse imaginer ce qu'il en est des autres (Gretchen, Amble Dexter, etc.).
L'intrigue quant à elle est également digne d'un thriller de gare tout juste apte à faire passer le temps. A certains moments, on commence à croire que le jeu démarre enfin (le chapitre 3 par exemple), mais c'est sans compter d'énormes baisses de régime et n trop grand nombre de tâches inutiles qui rallongent le jeu. Au final, on rencontre peu de monde et la résolution du titre est un pétard mouillé. La fin quant à elle est extrêmement décevante puisqu'il ne se passe juste RIEN dans un endroit VIDE et avec AUCUNE énigme ni atteinte du paroxysme du concept du jeu. Adieu donc la puissance émotionnelle et la symbolique des fins des deux précédents jeux de Jane Jansen...
Enfin, un autre problème majeur est le manque de documentation. Dans les jeux de Jane Jansen, moi, j'aime lire les documents souvent détaillés qui forment un tissus cohérent et justifient et enrichissent les énigmes. Là, les quelques coupures de presse et mini-biographies sont hyper courtes et assez pauvres. Ce point m'a vraiment déçu...



Heureusement, il se sauve par l'expérience ludique



Non, je rigole, même là il se révèle extrêmement décevant, se plaçant tout juste au dessus d'un point and click ultra-conservateur comme L'Œil Noir : Les Chaînes de Satinav.

Commençons par les idées nouvelles du jeu quand même, il ne faudrait pas non plus enchaîner les critiques sans laisser une petite bouffée d'air au jeu.
Les nouveautés donc sont en fait respectivement une version historique du jeu "Qui est-ce ?" et une espèce de reprise d'un des pouvoirs de Cognition en version inférieure (je n'ai pas tenu bien longtemps dans ma retenue, je vous l'accorde). Le premier mécanisme correspond au système permettant de rapprocher une personne du jeu avec un personnage historique. En fait, dans le jeu, vous récolterez des informations sur le personnage (en observant des objets, en discutant, etc.) pour enfin commencer à trouver le personnage le plus proche. Pour ce faire, vous aurez la liste des informations et devrez éliminer les candidats historiques jusqu'à trouver le bon en fonction des informations. Passionnant ? La description parle d'elle-même. Enrichissant ? Pas vraiment puisque, comme je l'ai déjà dit, la documentation est rachitique. Le deuxième mécanisme consiste à analyser les personnes ou les antiquités. Pour les personnes, c'est plutôt sympathique : sur les vêtements, sur les attitudes, sur le visage, etc., Malachi devra associer une analyse de la personnalité, du statut social, etc. Sur les antiquités, le système est moins convaincant puisqu'il s'agit d'un matching visuel sur des caractéristiques de l'œuvre ; mais, comme graphiquement le jeu est très peu détaillé et que la documentation est pauvre, finalement cela n'apporte rien.
C'est donc là les seules originalités ? Oui... Ou plutôt non, il y a aussi quelques (très) rares phases d'"action"/mini-jeux sur lesquelles il ne vaut mieux pas revenir étant donné l'intérêt limité (à la limite dans le chapitre 2 ou 7...).

Ceci dit, le jeu aurait pu être un bon point and click classique mais...devinez quoi ? Eh bien ce n'est pas le cas ! Mis à part des jeux qui ne sont finalement que des quasi-films (ex : The Walking Dead), je n'avais jamais vu un point and click si facile. Pour tout vous dire, il m'arrive toujours de m'impatienter dans un tel jeu et de céder de temps en temps à la consultation d'une bonne petite soluce ; ici, je vous rassure, cela n'a jamais été le cas. Les rares "énigmes" qui peuvent faire perdre sont juste pénibles et non pas difficiles à résoudre. Hormis les puzzle, l'utilisation circonstancielle des bons objets n'est jamais difficile puisque la combinaison de deux de ces derniers est très rare et que votre inventaire est toujours très peu rempli. Un point reste positif, heureusement il reste une des qualités d'un jeu de Jane Jansen : globalement les énigmes ont toujours une résolution logique ce qui se retrouve d'ailleurs dans le ramassage d'objets puisque, si le personnage ne sait pas qu'il aura besoin d'un objet, il ne le prendra pas avant d'avoir été confronté à la situation. La progression n'est donc pas trop absurde même si cela fait toujours un peu sourire de faire un aller-retour en avion juste pour prendre des boucles d'oreille et du whisky pour les offrir à une femme...no comment... Enfin, j'en ai déjà parlé mais la dernière "énigme" est simplement bâclée puisqu'il s'agit seulement de marche dans des décors inlassablement recyclés et laids.



Je m'arrête ici puisqu'il n'y a finalement pas grand chose à dire sur Moebius qui reste perpétuellement en surface de ses personnages, de son intrigue et de son concept métaphysique. Purgée de sa documentation fournie, enrichissante et pertinente, de son souci du détail, de sa profondeur scénaristique, de ses énigmes de qualité et de sa fin magistrale, un jeu Jane Jansen n'est plus un jeu Jane Jansen, c'est un point and click quelconque qui fait de la peine tellement il avait du potentiel. Gray Matter se distinguait surtout par son traitement artistique, Cognition par son gameplay mais Moebius sur aucun des deux aspects ; il est même inférieur aux deux jeux sur les deux plans. Mais pourquoi ce gâchis ? Manque de budget ? Panne d'inspiration ? Qui sait au fond ? Peut-être qu'avec ce budget on aurait pu se passer de cinématiques inutiles (et laides car en très basse résolution) et d'une sortie sur trop de plateformes. En l'état, le jeu est pour moi juste du niveau d'un thriller vaguement divertissant et accrocheur (je l'ai quand même englouti en quelques jours, ma virulence reste donc un peu à relativiser), bien écrit certes, mais qui ne sucite aucune passion. J'espère que Dreamfall Chapters ne suivra pas la même voie.
Foulcher
5
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le 17 avr. 2014

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