J’ai une admiration sans borne pour le design de Monster Hunter. Ca tout le monde le sais, j’en ai fait des caisses dans un « Vous n’avez rien compris » il y a bientôt deux ans de cela. Je me suis donc inévitablement intéressé à Monster Hunter Generations. Privilège de tenir un site sur les jeux, je l’ai même reçu plusieurs semaines en avance. Pourtant vous n’en entendez parler que maintenant. Pourquoi? C’est ce que l’on va chercher à comprendre.
Generations n’a pas de chiffre et cela se sent rapidement. Contrairement à son grand frère Monster Hunter 4, le petit dernier souffre d’un phénomène connu dit du « menu best of ». L’univers est en grande partie un patchwork des meilleurs éléments (villages, terrains de chasse et monstres) des épisodes antérieurs. Si vous avez lu mon article précédent (ce que je vous conseil de faire pour suivre les arguments avancés ici), vous comprendrez donc aisément qu’en recyclant terrains, armes et monstres, Capcom nous propose des dynamiques sentant clairement le déjà-vu. Certes il y a quelques menus changements de design pour adapter les niveaux à la verticalité instituées dans l’épisode 4, mais rien de suffisamment sérieux pour nous donner l’impression de ne pas jouer à la même chose.
A l’opposé, au chapitre des mécaniques on a droit à de sacrés morceaux de fraîcheur pour un épisode non canonique. Monster Hunter Generations introduit une excellente idée avec les styles de chasse. Ces derniers sont une nouvelle variable qui vient s’ajouter aux combats. A la place de rajouter une arme ou deux, Capcom a eu la très bonne idée d’ajouter 4 façons nouvelles de jouer les 14 existantes. Ce qui nous fait, si je sais toujours compter, 56 nouvelles dynamiques à exploiter. Non seulement cela rajoute énormément de contenu mais surtout cela s’inscrit parfaitement dans l’esprit de Monster Hunter où le renouvellement du plaisir provient des riches interactions entre les éléments de jeu (vous ai-je dit déjà parlé de mon article précédent?).
Du coup, pourquoi avoir autant trainé pour en parler? Eh bien simplement parce que malgré ses qualités, je n’arrive pas à m’investir réellement dans ce Monster Hunter Generations. A force d’enchaîner les épisodes à un ou deux ans d’intervalle, j’ai la sensation d’une incompatibilité profonde entre le design du jeu et la façon dont il est commercialisé. Contrairement à tant d’autres, Monster Hunter est le client idéal pour un modèle économique basé sur les extensions: il a un coeur de design adapté, une structure en villages qui permet d’ajouter facilement de nouveaux lieux et aucun système de « leveling » nécessitant de déséquilibrer en permanence le gameplay avec de nouveaux pouvoirs plus puissants. Pourtant, à cause d’une commercialisation sous forme de suite, les nouvelles itérations sont à chaque fois plus douloureuses: les 20 premières heures ayant un intérêt inversement proportionnel à notre maîtrise de la série. Hormis la découverte de nouveaux monstres et environnements (quand il y en a), le niveaux normal est beaucoup trop simple pour un chasseur ayant pratiqué du monstre de rang G dans les épisodes précédents. On prend donc son mal en patience en chassant des monstres aux patterns d’attaque de vieillards et en forgeant des versions moisies des armures que l’on jouera dans 20 ou 30 heures de jeu. Une situation déjà prodigieusement agaçante quand on a pris la série en cours de route et qui doit confier à l’abnégation quasi divine lorsque l’on a terminé chaque épisode depuis le premier.
Difficile de dire si cette structure inadaptée est à imputer à l’archaïsme japonais en matière de distribution de jeux ou à la tolérance légendaire de l’archipel au fastidieux « farming », mais en tous les cas ce Monster Hunter Generations sera pour moi celui de trop. Malgré d’appréciable aménagements d’interface, quelques chouettes nouveaux monstres et un brillant système de style, je dois avouer être fort heureux de savoir qu’au prochain démarrage de ma 3DS mon doigt pourra à nouveau glisser sans remord sur l’icône de l’ancienne génération.
Publié sur tartinemecanique.net