-"Le ciel s'étend jusqu'à perte de vue
peu importe où ils fuiront, leurs ennemis les chasserons de leurs ailes blanches
c'est pour ça qu'eux, sans ailes, cherchaient un lieu où le ciel ne s'étendait pas
leur prière a été exaucé, désormais dans un pays lointain à écouter Jingle Bells"
telles sont les dernières lignes de l'introduction de "Oretachi ni tsubasa wa nai"(OreTsuba en plus court) ou "nous sommes des êtres sans ailes", un visual novel écrit par Ou Jackson publié en 2009 après 6 ans de développement infernal. Une oeuvre très particulière à son auteur et que l'on peut considérer comme "oeuvre de sa vie", du moins pour l'instant, ayant été réécrite 3 fois afin d'atteindre le résultat voulu.
Je vais tenter de ne pas vraiment approcher le scénario en lui même mais tout ce qui approche l'oeuvre, si vous voulez rester totalement sans avis extérieur passez votre chemin, cependant il n'y aura pas de réel spoiler.
Oretsuba est une oeuvre profondément humaine, dépeignant la vision que Jackson a de la vie, autant dans les relations humaines que dans les réflexions personnelles, les émotions et j'en passe. Il arrive à traiter énormément de thèmes sans jamais "être à propos de quelque chose", comparé à la plupart des livres ou vn, il est très difficile de déffinir un thème à Oretsuba, dépeignant de nombreux personnages de millieux et fréquentation différentes, chacun avec leurs propres soucis et intention, passant de la dépression à la question des minorité ethnique au japon il est très difficile de le définir.
Ainsi la chose la plus proche décrivant Oretsuba est un vn parlant de "la vie", en bien, en mal et surtout de la relation personnelle que l'on a et sa relativité à nos environnements.
Bien sûr avec ce genre d'intention la seule chose qui pourrait faire tenir ça en place sont les personnages. Tous les personnages sont débordant d'humanité, de personnalité, tous intéressants à leur manière. Avec un cast massif de ~40 personnages, chacun ayant beaucoup de screentime au court des ~70h de playtime nécessaire pour voir le bout. Chacun excentrique à sa manière et complétant les autres à la fois au niveau des thèmes et de la personnalité. Le cast est divisé en trois groupes assez distinct, chacun de ces groupes ayant sa propre partie de la bande son et une ambiance totalement différente.
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La chose m'ayant le plus marqué et dont je me retiens de parler est l'écriture. Difficile d'en parler sans utiliser de grands mots mais la prose de Jackson est phénoménale, et l'attention passée sur le jeu au cours de ces 6 années se ressent vraiment. Chaque ligne individuelle est un plaisir à lire. Particulièrement l'écriture des dialogues, chaque personnage a sa propre façon de parler sans pour autant tomber dans les gimmicks débile ou le cringe, ce qui leur donne une impression de réel qui n'est que renforcée par le voice acting phénomale que je n'ai vu égalé que dans Soukou Akki Muramasa. La narration elle aussi n'est pas en reste, arrivant toujours à développer les personnages et l'impression de lieu sans pour autant être lourde, à l'inverse, toujours divertissante et passionnante à lire peu importe ce qui est décrit (heureusement d'ailleurs vu la tonne de narration présente).
Particulièrement une chose qui démarque particulièrement Oretsuba d'autre oeuvres considérées comme "nakige" ou cry-game c'est qu'il n'est jamais vraiment but de "forcer l'émotion". Comme je l'ai dit avant l'on suit la vie de différents personnages... et par conséquent dans une vie normale les moments où tout le monde se met à pleurer avec une musique émotionnelle suivit d'un flashback avec la backstory du personnage. Rien de tout ça ici et même si l'oeuvre est considérée comme émotionnellement forte de ce côté, à part une scène dans la true route rien ne force vraiment à te faire ressentir les émotions, c'est le pur lien entretenu entre les personnages et le lecteur, et les conséquences que les évènements auront pour les personnages qui sont marquantes.... très marquantes..
Au final, Oretsuba est un peu comme une fenêtre sur un autre monde où l'on regarderait par voyeurisme. On commence par être légèrement intrigué par ce qu'on voit pour finir totalement engagé dans les actions et relations des personnages, sans pour autant avoir une quelconque influence sur eux. D'ici la fin, lire les dialogues est un peu comme discuter avec des amis semi-saoul en baignant dans une ambiance de nostalgie, ce qui est quand même un sentiment relativement particulier et compliqué à émuler.
Une oeuvre profondément humaine et marquante qui probablement influera mes opinions dans le vrai monde de la vérité véritable pendant encore des années, sans même avoir parlé de l'utilisation ingénieuse des musiques ou de la structure intéressante. Définitivement un "must-read" pour tous ceux intéressés dans la fiction en général.