Une nouvelle génération de Pokémons avec ambitions et bonnes idées, mais pas toutes maîtrisées

Co-réalisée par Satoshi Tajiri, le game-designer du premier opus, et Junichi Masuda qui prendra le relais par la suite, la deuxième génération de Pokémon apporte un chant du cygne à la Gameboy 10 ans après sa sortie initiale, soit en 1999. Pour la petite anecdote, je n’avais pas trop aimé Pokémon version Cristal à l’époque, je me souviens très bien que je préférais Pokémon Jaune qui fut mon premier Pokémon. Je pense que c’est simplement que j’avais développé un affect avec la première génération que j’avais été déçu de ne pas retrouver tel quel dès le début de l’aventure de cette nouvelle génération, une mauvaise raison bien entendu.

J’étais très jeune et pas forcément assez mature pour passer outre cet état de fait et du coup je suis un peu passé à côté de cette génération sans trop lui laisser sa chance, tort que je rattrape avec autant de retard que de nostalgie. D’autant que la deuxième gen’ me paraît être l’une des plus populaires encore aujourd’hui parmi toutes celles qui composent la saga, il me semble donc intéressant d’y confronter mon opinion. Je parlerai ici des versions Game Boy et Gameboy Color de cette génération, non de leurs remakes DS, tout en revenant sur les petites différences entre Or, Argent et Cristal ici et là.

GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆

Le système de jeu étant aussi intéressant que perfectible sur les Pokémons précédents, la route à suivre était toute tracée pour cette nouvelle génération qui pouvait la reprendre en l’améliorant telle une suite conventionnelle. Le système de combat a notamment profité de quelques améliorations et rééquilibrages qui manquaient à ses aînés, la caractéristique « spécial » est désormais scindée en deux, ce qui est la logique même, on peut faire tenir des objets pour qu’ils agissent comme item en plein combat automatiquement ou qu’ils attribuent un effet passif permanent… La tour de combat de la version Cristal consacrera cette volonté d’illustrer l’aspect technique très poussé de ces combats, un premier point fort indéniable de cette génération et un parti pris auquel j’adhère parfaitement.

C’est également un contenu plus riche qui nous est proposé avec 2 nouveaux types de Pokémons qui font leur apparition, le type ténèbres rééquilibrant le jeu qui jusque là voyait la suprématie quasi-totale des Pokémons Psys, ainsi que le type acier offrant une alternative à la roche. Mais les nouveautés stratégiques se retrouvent surtout avec les 86 capacités inédites apportant plus de progression à la puissance des attaques les plus brutes et bien des capacités originales, pouvant être uniques à leur Pokémon, équilibrant un peu plus les types entre eux et leur insufflant davantage une stratégie globale qui leur est propre… Il y a tout de même quelques impaires d’équilibrages comme avec les CS, 3 de type eau, 1 mauvaise et 2 très ressemblantes, mais c’est secondaire.

La mécanique de capture a également été enrichie avec 7 nouveaux types de Poké Balls différents au taux de capture variable selon la situation, ce qui est très sympathique même si un peu plus de clarté dans ces taux de capture aurait été préférable. Par contre, le coup des Pokémons Shiny dont le taux de rencontre est fixé à 1 chance sur 8192, je n’en vois pas l’intérêt, même chose pour la règle de capture de certains Pokémons légendaires pouvant être rencontrés aléatoirement durant l’aventure, un choix que je trouve très curieux et peu pertinent.

Une nouveauté plus ambitieuse c’est la prise en compte de l’horloge qui permet un cycle jour / nuit qui impacte le gameplay avec 3 phases prises en compte pour la capture de Pokémons. C’est une idée que je trouve originale et intéressante même si elle amène ses contraintes évidentes, notamment vis-à-vis des jours de la semaine précis durant lesquels peuvent se dérouler certains événements. Ça devient un peu compliqué pour finalement pas grand-chose mais ça reste ambitieux et facteur d’immersion par des biais innovants, j’ai quand même envie de le saluer.

L’ergonomie a également été revue qualitativement avec des onglets dans l’inventaire pour un tri mieux élaboré et plus simplifié, une jauge bleu pour matérialiser le gain d’expérience en fin de combat, le changement de boîte un peu plus facile et permissif, l’icône pour indiquer si un Pokémon sauvage a déjà été capturé, plus d’options de recherche et de tri dans le Pokédex… ça n’a l’air de rien mais comme toute bonne option d’ergonomie, ça apporte un confort non négligeable au final qui tend à rendre davantage obsolète les aînés qui n’en faisaient pas autant, même s’il demeure des partis pris de cette gen avec lesquels je suis en désaccord.

En fait, même aujourd’hui je me rend compte que le concept de nouveaux Pokémon mêlés aux anciens et répartis sur 2 continents qui est apparu avec cette génération me donne le sentiment d’être un peu le fessier entre deux chaises. C’est d’autant plus dommageable que je trouve la répartition souvent maladroite avec beaucoup de Pokémon de la gen 1 que j’adore sur Jotho très tôt dans l’aventure et mes Pokémons de la gen 2 préférés sur Kanto, l’inverse de la logique. Ça se retrouve aussi dans la courbe de difficulté qui devient très aléatoire dans cette seconde partie de l’aventure, on peut avoir 5 dresseurs successifs avec des Pokémons vers le niveau 25 puis un dresseur avec du niveau 50, puis le contraire… un peu n’importe quoi.

C’est un choix qui se défend mais avec le recul je pense que j’aurais aimé une position plus tranchée, soit en faveur d’une toute nouvelle aventure parfaitement séparée de l’ancienne avec que des Pokémons inédits, soit un vrai mélange du Pokédex avec une répartition plus égalitaire entre les deux générations plutôt qu’une première partie orientée nouvelle gen et une seconde orientée première gen, mais jamais vraiment assumé d’un côté ou de l’autre. Je ne reproche pas non plus trop au jeu ce parti pris qui est d’un autre côté très généreux en matière de contenu, mais à choisir ce n’est pas l’idéal pour moi et c’est ce pour quoi je ne suis pas fan du gameplay de cet épisode malgré toutes ses bonnes nouveautés.

RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆

Nouvelle génération de jeux, à défaut d’une nouvelle génération de console, cette deuxième gen’ arbore pas de nouveautés visuelles plus ou moins importantes. La Gameboy tient là l’une de ses plus belles vitrines, encore heureux on pourrait dire tant les moyens sont déployés dans une licence en plein boom et en fin de vie de la console. Ce que j’ai réellement apprécié dans ses ajouts visuels c’est que les modèles en combat des Pokémons sont réellement plus soignés, surtout de dos, ce qui rend davantage justice au travail de design original, c’était le principal ajout que j’attendais et il est là.

Le chara-design des pokémon inédits n’est pas autant à mon goût que pour la première génération, avec le recul comme à l’époque, et cela dès les starters dont je préfère systématiquement l’équivalent de la première génération sur la seconde. C’est bien sûr très subjectif et nul doute que pour certains ce sera l’opinion inverse. Par contre, ce qui était sympa à l’époque côté trans-média, c’est que certains étaient introduits par petites goûtes dans l’animé, ne serait-ce que par des apparitions furtives, une très bonne manière de les teaser.

Il y a tout de même des bonnes idées de direction artistique dans ce design avec l’idée de bébé Pokémons renforçant l’aspect mignon de certains d’entre eux, parfaitement en accord avec le ton du jeu bien entendu. On a aussi des fulgurances dans le ton opposé avec des Pokémons très imposants (Tyranocif, Démolosse…) ou élégants (Suicune, Ho-Oh…), mais si je devais dresser un top 10 de mes Pokémons préférés quant à leur design sur ces deux premières générations, le rapport serait largement favorable à la première génération. Je pense qu’il y a tout de même beaucoup de designs de cette deuxième génération qui sont du recyclage d’idées abandonnées pour la première génération.

Là où je serais déjà plus élogieux, c’est la prise en compte de l’horloge qui permet un cycle jour / nuit qui offre bien plus d’immersion en soi et un renouvellement visuel très plaisant avec 3 jeux de couleurs différents en extérieur, le soin du détail qui convient avec les fenêtres éclairées la nuit tombée, les Pokémons nocturnes au design évoquant des animaux associés à la nuit… C’est tout un ensemble de détails qui séparément n’ont l’air de rien mais qui ensemble constituent une force visuelle du titre non négligeable et une source supplémentaire d’immersion dans l’aventure.

L’OST est assez efficace dans l’ensemble même si j’ai une préférence pour les musiques du premier opus et que beaucoup de thèmes repris ne sont que sensiblement différents et pas forcément en mieux. A noter que c’est la première fois que Go Ichinose fait partie de l’équipe de compositeurs du jeu comme il le fera sur une grande partie de la saga. Le respect du sound-design hérité de la première génération est bien là, le petit jingle quand on soigne au centre Pokémon, quand on level up, quand on capture un Pokémon sauvage… rien n’est particulièrement apporté par cet épisode, simplement respecté.

SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆

Les thématiques centrales de l’intrigue ou les mécanisme de narration pour les développer n’ont pas beaucoup évolué avec cet épisode, ça ne veut pas dire qu’il n’apporte rien sur les questions scénaristiques et narratives au sens large. La distinction entre les Pokémons mâles et femelles avec un système de reproduction, avec des bébés Pokémons, participe grandement à l’idée de mettre en scène un écosystème cohérent et vraisemblable dans cet univers des Pokémons, et c’est pour moi le premier gros apport scénaristique et narratif de cet opus, tant le monde des Pokémons y prend une place de première importance. En plus, ça s’accompagne d’idées ludiques et visuelles très intéressantes donc là-dessus il n’y a vraiment rien à redire.

Comme évoqué dans la partie ludique de la critique, l’aventure est orientée sur les nouveaux Pokémons dès le choix de notre starter mais on trouve à côté des anciens et des rappels que nous sommes dans le même monde, simplement sur un autre continent qui comprend de nouveaux Pokémons justifiant le fait qu’ils soient inconnus dans la première gen. Malheureusement, l’incohérence de retrouver des Pokémons de deuxième génération sur Kanto pose un peu soucis bêtement, me confortant dans l’idée que cette proposition n’a pas été très aboutie, quand bien même elle porte quelques promesses alléchantes.

L’idée de revisiter les lieux de Kanto qui ont pu changer depuis la première génération, comme pour Cramois’île, y affronter les champions et dresseurs propres à la région, c’est assez intéressant pour jouer sur l’aspect nostalgique du joueur, pour souligner le passage d’une génération à une autre… mais c’est un peu sous-exploité puisque cette partie a été plus bâclée que la première malheureusement. Les quêtes ne sont pas aussi bien amenées, beaucoup plus courtes et je suis un peu partagé au final entre l’idée de base qui est très bonne et ambitieuse, et finalement le peu qu’il en fait par rapport à tout ce que je pouvais en attendre.

Le choix du genre de l’avatar apporté par la version Cristal nous est maintenant laissé, comme celui-ci ne comprend quasiment aucune personnalité c’est plutôt une bonne chose de pouvoir prendre cette liberté. Par contre, du côté de notre Rival je ne suis pas sûr qu’on gagne en charisme avec un voyou un peu insupportable tellement il est ridicule dans ses dialogues, mais ça permet de souligner à quel point notre protagoniste est vertueux, que la réussite n’est pas tout ce qui compte… donc pourquoi pas ?

Surfant sur l’idée de la première génération de mettre en avant des objets centres d’intérêt des enfants de cette génération, le téléphone portable est une bonne idée, qu’ils ont voulu poussé jusqu’au bout au Japon avec une interaction entre la console et des appareils réels. L’apport du téléphone est par contre assez raté au niveau de l’utilité des dialogues qu’il permet, plutôt que de recevoir l’appel d’un PNJ lamba qui va nous raconter qu’il a battu un Pokémon ultra-commun, ça aurait été pas mal qu’il nous offre un indice pour dénicher un item ou un Pokémon rare si le jeu détecte qu’on ne l’a pas encore trouvé arrivé à tel moment de l’aventure par exemple. La radio est déjà un peu mieux implémenté dans le même genre, même si ça reste discret.

CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆

Malgré toutes ses bonnes idées et ajouts telle une suite conventionnelle mais réussie, cette deuxième génération de Pokémon, la dernière de la Gameboy, ne m’a pas convaincu sur tous ses aspects avec toujours des idées intéressantes mais sous-exploitées, des maladresses pas très graves mais a minima gênantes… pour en limiter le potentiel pour moi. C’est bien entendu l’une des meilleures aventures à vivre sur la Gameboy qui aura toujours ma sympathie, mais pas l’un de mes jeux Pokémons préférés, contrairement à certains.