Let's Go ne m'a pas fait forte impression la première fois que je l'ai vu, avec ses décors tout carrés hérités d'une époque où l'on pouvait compter le nombre de pixels à l'écran. Les assets ont été modélisés en 3D mais gardent pour beaucoup un aspect très angulaire, et ils sont agencés façon 2D, comme sur une grille. Le résultat manque de naturel à mon goût. Je regrette particulièrement que Game Freak ait conservé les rebords inesthétiques servant autrefois à suggérer un relief que la Switch aurait pu représenter concrètement en 3D.
Si l'on met de côté ces choix artistiques, force est d'admettre que le jeu est plutôt joli, coloré, avec des effets de lumière réussis. Let's Go est plus agréable à l'oeil que les Pokémon sortis après lui sur la même console. Ce qui est regrettable en revanche, c'est que ce soin graphique ait été apporté à Kanto, a.k.a. la région la plus ennuyeuse de toute la série. Des efforts ont été faits pour accentuer les différences entre chaque ville mais celles-ci demeurent légères, tandis que les routes finissent par toutes se ressembler. La région est plate, composée d'un seul type de biome, il n'y a ni effets météos ni alternance jour/nuit, le jeu est vraiment daté sur ce point. Puis la direction artistique et le level design manquent de folie, même les bâtiments notables comme le Manoir Pokémon ou la Centrale abandonnée sont assez oubliables.
Toujours sur l'aspect visuel, on saluera l'intégration de petites cinématiques à quelques moments clés. Elles sont rares mais bienvenues. Mais ce qui a vraiment retenu l'attention des fans à la sortie du jeu c'est le retour des Pokémon qui nous suivent sur la map, chacun ayant une animation travaillée. Un Abo et un Voltorbe ne se déplacent pas de la même façon, et certains Pokémon sont même capables de transporter le joueur sur leur dos (ou leur ventre dans le cas de Ronflex !). Je peux vous dire que je me la pétais grave, juché sur mon Léviator. Notons que les tailles des Pokémon ont été respectées, y compris en combat. C'est un vrai plus pour l'immersion.
Bon maintenant penchons-nous sur le gameplay et sur le point qui divise le plus : la capture. Honnêtement... Ça va. Bon c'est pas hyper précis, et j'aurais aimé que les baies facilitant les captures soient plus nombreuses et communes, afin de permettre l'élaboration de stratégies différentes à chaque rencontre et apporter un peu de variété à l'ensemble, mais ça reste une distraction appréciable entre deux longues séries de combats. Et Dieu sait que les combats sont fréquents dans ce jeu. Trop fréquents.
Que ce soit sur les routes, dans les grottes, dans les arènes ou dans les "donjons", c'est probablement la génération qui compte le plus de dresseurs au mètre carré, alors que c'est celle qui compte le moins de Pokémon... Ça se ressent particulièrement quand on affronte un énième sbire Rocket avec un Tadmorv ou un Smogo, sans parler de la Tour Pokémon qui compte pas moins de 13 exorcistes ne possédant que des Fantominus ou des Spectrum.
Rester fidèle à l'oeuvre originale est louable mais j'attends d'un remake qu'il corrige ce genre d'absurdités. Le fait est que Let's Go est un remake frileux qui, en dehors des points positifs évoqués plus haut -déjà assez anecdotiques pour la plupart-, se contente de légers ajustements ci et là. Le scénario n'a pas été enrichi, les personnages majeurs n'ont pas été développés, les maps n'ont pas été agrandies... Même les fonctionnalités "modernes" n'ont pas toutes été implantées. Ici pas de talents, pas d'objets tenus, pas de Pokémon issus des générations suivantes, pas de reproduction...
Pire encore le Parc Safari, l'une des zones les plus iconiques de Kanto, a simplement disparu, remplacé par un parc ne profitant qu'aux joueurs de Pokémon Go. J'en fais partie mais pas moyen de connecter mon compte à la Switch, de toute façon les avantages que le lieu procure ne compensent nullement la perte du Parc Safari, du plaisir de l'exploration et de la stupeur de rencontrer un Tauros pour la première fois. Au rayon des pertes, j'ajouterais celle des mini-jeux du Casino de Céladopole. Je comprends que la présence de jeux d'argent dans un titre pour enfants pose problème, mais Game Freak aurait très bien pu mettre autre chose à la place. Let's Go est censé être LE Pokémon pour casus et il n'y a pas de mini-jeux...?
Car oui, Let's Go est clairement une main tendue aux joueurs de Pokémon Go, à toutes ces personnes qui ont grandi avec la première génération et qui avaient délaissé la licence jusque-là, mais le jeu se contente de jouer sur leur nostalgie en évoquant l'expérience d'alors sans chercher à réellement la reproduire ou l'améliorer. En ce temps-là, pour les gamins que nous étions, Pokémon Bleu, Rouge et Jaune constituaient une aventure épique. La carte nous semblait immense, les grottes labyrinthiques, les Pokémon fascinants ou terrifiants, et l'on se perdait facilement dans ce monde qui s'ouvrait au fil des heures et dans lequel on ne nous disait jamais quoi faire.
Là au contraire sur grand écran, avec une vue plus large, des environnements 3D plus lisibles, des rencontres sauvages optionnelles et des PNJ qui nous indiquent la route à suivre, Kanto paraît soudain trop étroite. Les graphismes tout mignons et colorés atténuent voire dissipent la tension que l'on pouvait parfois ressentir, ainsi que la majesté des créatures rencontrées. Quant au multi EXP et au starter boosté aux hormones, ils tuent le challenge -certes un peu illusoire- que l'on devait surmonter.
Alors entendons-nous bien, j'ai conscience que les premières versions ont très mal vieilli et qu'un remake ne pourra jamais nous faire revivre les émotions d'autrefois, que le temps n'aura pas manqué d'embellir. Le truc, c'est que Let's Go n'essaye même pas et se retrouve le cul entre deux chaises. En refusant de choisir entre tradition et modernité, le studio de développement a fini par accoucher d'un jeu qui peine à répondre aux attentes de qui que ce soit. Trop lisse pour les puristes, trop épuré pour les fans de la formule actuelle, trop daté pour les joueurs occasionnels.
Cela étant, j'attribue un 6/10 à ce Let's Go parce que ça reste Pokémon Jaune. Pokémon Jaune avec de meilleurs graphismes mais surtout un multi EXP, de meilleurs movepools, des CT réutilisables, des CS remplacées par une mécanique moins contraignante et un nouveau gameplay de capture pour briser la monotonie des combats. Doit-on se satisfaire de si peu ? Non. Est-ce suffisant pour faire mieux que les remakes GBA sortis en 2004 ? J'estime que oui, en tout cas perso j'ai bien du mal à retourner sur ces versions où les Pokémon n'apprennent rien de mieux que tornade ou flammèche avant le lvl 30 et où tu dois passer une heure à grind sur des Chétiflor chaque fois que tu veux intégrer un nouveau membre à ton équipe.