A Crackin' Time

Ça fait des années que l’on voit des simulateurs se voulant sérieux inonder le marché, des célèbres Euro Truck ou Farming Simulator, aux plus obscurs Travaux Routiers Simulator 2011 ou autres Drug Deal Simulator. Dans cette foultitude de jeux qui ne valent pas un kopeck pour la plupart des gens, mais qui ont néanmoins leur public niche de passionnés, PowerWash Simulator se cale dans le creu de ceux qui se veulent “satisfying”, une autre tendance qui a pris les internets de court, jusqu’à devenir une série Netflix, une source de meme, un hashtag Tik Tok et que sais-je d’autre encore. Je n’en ai jamais rien eu à carrer, je me tape déjà assez de vie réelle pour en jouer un simulacre. Mais le titre dont il est ici question est apparu dans le pass Playstation, et entre deux jeux, je me suis dit que je pouvais tenter l’expérience quelques minutes, pour ma culture.

Et c’est quinze heures à passer le karcher plus tard que j’écris ces lignes.

PowerWash Simulator, c’est du crack.

Comme le crack, il ne vous apporte absolument rien et vous plonge dans un vide cérébral où le temps file à toute allure sans que vos neurones ne s’activent pour autre chose qu’un vain sentiment de complaisance. Il active juste les récepteurs qu’il faut, le susmentionné sens de satisfaction, en vous donnant à mirer ces tâches de mousse, flaques de gadoue et autres traces de rouille qui disparaissent sous la pression de votre jet.

Comme le crack il vous use, et est nocif pour votre santé. Passer trois heures à fixer un point devant vous pendant que les tâches disparaissent vous fera entrer dans une léthargie apathique et creusera d’énormes cernes sous vos yeux usés. Il instaurera en vous une profonde fatigue, tant physique que mentale.

Comme le crack, il est incroyablement addictif. Raccrocher le tuyau ne se fera pas sans peine, vous poussant à vous coucher à des heures déraisonnables.

“Après tout, je ne vais pas m’arrêter là alors que j’ai presque fini cette façade du bâtiment.”

“Ah mais attends, la portion de sol là, elle est toute petite, je peux bien nettoyer ça aussi.

“Bon, du coup je suis à 80% du niveau, autant aller au bout!”

“Niveau terminé, c’est bon, j’arrête là et je n’y reviens plus, c’est vraiment de la merde… Mais que vois-je? Il y a un niveau avec juste un camping-car à récurer, ça va aller vite, je vais faire ça histoire de tester le nouvel appareil que je viens de débloquer.”

Et ainsi, deux heures passent, et comme lors une introspection post-onanisme, on est accablé par ce que l’on vient de faire. On a brassé du vide alors qu’il y avait tant d’autres choses à faire de notre temps limité sur cette Terre. J’aurais pu vider mon backlogs de jeux, regarder ce film soviétique que je n’ai jamais osé lancer, faire cette vaisselle qui traîne depuis deux jours, démarrer un centre de secours pour gerbilles malmenées, échafauder ce plan de domination mondiale que je procrastine depuis tant d’années... Mais non, j’ai préféré laver virtuellement des assets dégueulasses, un truc que je ne ferais jamais chez moi. Putain, vu les quantités d’eau, je te raconte même pas l’impact écologique!

Comme le crack, il a déteint sur ma vie, me coupant du monde réel pour m’abrutir, m’isolant dans une bulle où la réflexion et les enjeux sont proscrits. Il m’a volé les plus tendres heures de ma semaine, et je ne pourrais jamais les récupérer. C’est après quatre jours à ne faire que ça sur mon temps libre que j’ai compris que j’avais un problème, qu’il fallait que je me débarrasse de cette saloperie, que je procède à un sevrage.

En plus, à l’inverse du crack, PowerWash Simulator ne provoque aucune euphorie, il est beaucoup moins fun. Préférez-lui donc le crack.