Project Zero
7.5
Project Zero

Jeu de Tecmo (2001PlayStation 2)

Une expérience horrifique japonaise authentique, originale et aboutie

Alors que Capcom et Konami ont toutes deux produit une saga horrifique majeure lors de la précédente génération, Tecmo décide de lancer la sienne sur la sixième génération de consoles en visant d’abord le marché nippon en se basant sur un concept de chasse aux fantômes inspiré du folklore japonais. C’est ainsi que né Zero, ou Fatal Frame, ou Project Zero, c’est au choix, sur Playstation 2 en 2001, face notamment à Silent Hill 2 et Resident Evil Code Veronica X. Voyons si ce premier épisode a su d’emblée s’inscrire au rang des meilleurs survival-horror de son époque :


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆


Réalisé avec des angles de vue préconçus autorisant parfois la caméra à s’y déplacer selon nos propres déplacements, Project Zero offre le choix de contrôles rigides mais parfaitement adaptés aux changements d’angle, ou plus souples mais potentiellement sources d’erreurs lors de certains changements de plan. Le maniement est donc fondamentalement imparfait, quelque soit l’option retenue et ça tombe bien car Zero en est parfaitement conscient et a le bon goût de proposer avec son appareil photo comme seul arme un système de jeu basé sur le sang-froid, l’intelligence de placement et la capacité à viser à la première personne, sans nécessité de mouvements vifs et précis.


Cette mécanique de combat est très bien pensée, elle récompense à la fois le fait de prendre le temps de viser et le tir réflexe juste avant de se prendre un coup ce qui implique à la fois de bien se positionner dans l’arène en prenant en compte que l’ennemi peut traverser les parois, de réussir à maintenir la visée malgré les mouvements du fantôme et enfin d’être rapide pour maximiser les dégâts. La possibilité de bouger lentement tout en visant à la première personne est également très appréciable pour dynamiser la proposition.


Les combats sont ainsi très techniques et la courbe de difficulté est progressive et plutôt maitrisée avec des fantômes d’abord lents et faibles dans des environnements ouverts avant que ceux-ci ne gagnent en puissance et en vitesse, en mouvements et en attaques possibles dans des environnements parsemés de pièges. Je regretterai juste que quelques ennemis communs aléatoires sont plus coriaces que des boss, mais ce n’est pas vraiment un problème car au premier run les consommables de soin et les munitions offrent une marge d’erreur confortable, pouvant être optimisés dans le second run.


Ces apparitions aléatoires parfois très dangereuses et/ou vicieuses, par exemple dans un espace restreint juste avant le point de sauvegarde alors qu’on vient de vaincre un boss, nous poussent à nous dépêcher alors qu’il faut parfois garder la tête froide pour vaincre ou contourner le péril sans gaspiller de ressources, ce que j’apprécie particulièrement dans un jeu de ce type. Et si les énigmes se répètent un petit peu, elles demandent un minimum de réfléchir sans être exagérément complexes ou tributaires de manipulations fastidieuses dans l’inventaire, j’apprécie également.


Le mode histoire nous fait explorer un même manoir sur notamment 3 chapitres différents, ce qui demande une vraie maîtrise du level-design pour ne pas être redondant ou trop labyrinthique. Ainsi, redécouvrir un environnement déjà parcouru s’accompagne également de nouveaux raccourcis et zones cachées à découvrir, les scripts rendent tous les lieux différents d’un chapitre à l’autre en terme de dangerosité, les repères visuels pour des zones centrales permettent de s’en souvenir quand on a besoin d’y retourner, le point de départ et l’ordre d’accès diffèrent pas mal d’un chapitre à l’autre…


Et toute cette expérience de Survival-Horror authentique se fait avec bien peu de frustrations, points de sauvegarde bien répartis, inventaire sans limites, carte dynamique parfaitement claire, munitions et soins en quantité tolérant quelques erreurs, sauvegardes illimitées… j’aimerais en dire autant de tous les survival-horror de son époque. De plus, le mode bataille et le mode difficile à débloquer prolongent assez bien une durée de vie de 7 à 8 heures de jeu correcte pour le genre. Et j’ai déjà été bien élogieux jusqu’ici, je n’ai pas fini.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆


Bien que sorti en début de vie de la Playstation 2, la réalisation de Zero est très solide, reposant en grande partie sur la qualité de son éclairage placé judicieusement au centre de l’expérience, s’affranchissant de temps de chargement en dehors des changements de chapitres, ne multipliant pas les effets visuels ou les mouvements à l’écran permettant ainsi un framerate très stable… même si le potentiel de la machine est loin d’être poussé à son paroxysme, cette réalisation est très satisfante.


Profitant d’angles de vue variés et de très nombreux effets de distorsion, de flou, de grain, de noirceur… lors des cinématiques comme en jeu, Zero impose une mise en scène sombre et malaisante aboutie et pertinente, se payant le luxe de ne recourir que très peu au sang. Cependant, cette colorimétrie très grise limite bien évidemment la beauté des images et jamais le jeu s’autorisera à en sortir, bien au contraire, il optera même pour des scènes clefs pour un noir et blanc total, c’est plutôt original.


La mise en scène s’inspire assez bien de grandes œuvres cinématographiques horrifiques japonaises telles que Ring ou Ju-On sans trop copier-coller non plus, ce qui est juste ce qu’il faut. Ces films étant assez bien distribués en occident, y faire référence permet à la fois de toucher un minium le public occidental peu connaisseur du folklore japonais et de respecter l’ambiance très nippone du récit, distinguant ainsi nettement cette saga de toutes les autres franchises japonaises situant leur action aux Etats-Unis.


Le chara-design de notre protagoniste parmi les plus mignons possibles tout en restant parfaitement naturel offre un contraste saisissant avec l’horreur auquel elle se confronte, les fantômes profitant quant à eux d’un chara-design particulièrement angoissant. C’est très intelligent pour renforcer l’aspect horrifique de l’expérience qui peut aussi très bien compter sur ses fantômes pouvant apparaitre à tout moment, n’importe où sans qu’on ne puisse tout de suite savoir s’ils sont inoffensifs ou dangereux, amenant ainsi le joueur à être constamment sur le qui-vive.


L’OST sait se montrer particulièrement anxiogène, tout comme les bruitages, mais c’est aussi là que se trouve la vraie carence du titre, pas de musique emblématique, pas de thème chanté mémorable, seulement une bande-sonore pour l’ambiance horrifique. C’est sans doute l’essentiel, mais on est désormais habitué à ce type de proposition chez la concurrence et je ne peux m’empêcher de limiter mon appréciation du titre à cause de ça. Mais ne boudons pas notre plaisir, Zero a encore plusieurs qualités à faire valoir.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆


Le premier choix fort du récit est d’abandonner sitôt le prologue passé le jeune adulte comme protagoniste masculin au profit de sa sœur, âgée de seulement 17 ans, une jeune fragile qui n’a pour seul repère que son frère qui vient de disparaître en enquêtant dans un manoir hanté. Bien que la démarche ne soit pas rare dans le survival-horror, qu’elle s’impose si franchement dès le premier épisode de la franchise reste à porter au crédit de la saga. Courageuse et bienveillante, Miku parvient très bien à remplir son rôle même si elle aura finalement assez peu de dialogues.


Le second choix fort est en effet de proposer aucun PNJ à qui parler pendant la plus grande partie de l’expérience, Miku est seule du début à la fin face à l’horreur qui l’attend, ce que la plupart des autres survival-horror ne font pas alors que ça semble tellement évident pour que l’ambiance horrifique soit permanente. Souvent confrontée à des esprits torturés qui nous supplient de les achever ou nous attaquent en paniquant face à la menace qu’on représente, cette horreur s’émancipe aussi d’un récit manichéen nous faisant affronter de simples créatures purement maléfiques.


Tout est donc bien appréciable même si le récit est linéaire, facile à comprendre et que la première fin assez audacieuse est aussi un peu maladroite, et que même la fin alternative n’est pas très à mon goût :

Malgré tous ses efforts face aux multiples dangers que Miku a affronté avec bravoure, elle ne peut accomplir le seul objectif qu’elle s’était fixé, ramener son frère à ses côtés. Elle doit l’abandonner en ce lieu désolé et perd sa faculté à se confronté au paranormal. La seule chose qu’elle a donc gagné par rapport au début du récit, c’est de vraisemblablement ne plus avoir à revivre de pareils événements. C’est assez peu compte-tenu du fait que rien ne laisse penser que cette faculté était perçue par elle comme une malédiction ou un fardeau dont elle voudrait être débarrassé. La fin alternative à débloquer en difficile est ainsi plus logique à mes yeux.

Néanmoins, il est quand même difficile de reconnaître ce que l’intrigue implique : le rituel ignoble pratiquée sur une enfant innocente tous les 10 ans est une nécessité pour empêcher un mal plus grand de se développer. La simple envie de vivre d’une enfant est l’élément perturbateur du récit qui a causé tant de souffrances, difficile d’y voir une quelconque morale positive. La seule chose que nous dit finalement ce récit c’est qu’il nous faut parfois faire notre devoir pour le bien commun même si ce devoir est un sacrifice personnel injuste qui est dû à la malchance…

Face au mastodonte Silent Hill 2 sorti à quelques mois d’intervalle, il est évident que ce scénario et cette narration font pâle figure, mais en même temps face au maître du genre c’est un peu normal. Il est tout de même assez intéressant de constater que cette fin a le mérite de clôturer l’intrigue de ce premier opus de manière satisfaisante tout en l’ayant fait s’étaler sur près de 2 siècles à travers les flashbacks et en reposant sur un concept pouvant amener d’autres intrigues pleinement inédites.


Ainsi, la saga Zero peut partir dans bien des directions différentes ou s’arrêter là en toute cohérence grâce à cette première intrigue. On peut tout de même regretter l’absence de doublages japonais dans les versions européennes et américaines. Même si les voix anglaises sont de qualité, le récit est tellement lié au folklore japonais que l’authenticité de la langue aurait été vraiment appréciable. Il est désormais temps de conclure cette critique qui ne saurait trop souffrir de ces légers défauts.


CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆


Zero est une expérience horrifique authentique nettement distincte de sa concurrence par ses inspirations japonaises assumées, osant une direction artistique radicale en accord avec sa philosophie, appuyé par un système de jeu inventif et très bien abouti, soutenu par une réalisation solide. Tecmo se dote avec ce titre d’une de ses franchises majeures et joue clairement dans la cour des grands du genre horrifique de son époque sans pour autant avoir révéler tout son potentiel.

damon8671
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le 17 nov. 2024

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