Blowfish Studios est un nom peu connu, petit studio indépendant noyé parmi tant d’autres dont le catalogue éclectique prouve une volonté de s’essayer à tous les genres pour mieux attirer de potentiels joueurs désireux de donner sa chance à des indépendants. En fin septembre 2020, le studio déploie sur de multiples consoles, dont la Playstation 4, sa dernière création : Projection : First Light.


L’opus nous renvoie directement, par sa charte graphique, au théâtre d’ombres si populaire en Asie mais aussi à de multiples autres titres utilisant le concept. On pensera bien évidemment à Limbo dont la patte volontairement minimaliste ne faisait qu'accroître l’aspect horrifique de son univers. Mais on peut aussi noter une ressemblance avec les films de Michel Ocelot tels que Princes et Princesses reposant sur ce même schéma. En somme chacun trouvera un parallèle à effectuer.


Revenons en donc à Projection : First Light. Vous y incarnez Greta, une fillette qui a accumulé les incidents en une journée dont la plus magistrale fut d’avoir abîmé une voiture (non sans quelques frayeurs au passage). Punie dans sa chambre, la petite fille réussit à s’en échapper et va tomber, par le plus grand des hasards, sur un théâtre d’ombres. Greta va alors mener un voyage initiatique qui va lui permettre d’en ressortir grandie.



Au théâtre, tout n'est qu'illusions



En plus de sa petite bourgade, Greta va traverser cinq pays différents dont les énigmes et environnements vont différer. Afin d’arriver au bout de son périple, la petite fille est accompagnée d’une boule de lumière. Cette dernière se guide à l’aide de (L3) afin de créer et déployer des ombres pour créer des marches, pentes ou aussi activer des éléments du décor. Le jeu consiste à résoudre des énigmes se résumant bien souvent à traverser un gouffre, atteindre une plateforme en hauteur ou un levier à activer.


Chaque pays traversé apporte de nouvelles mécaniques assez succinctes. Ainsi la Chine nous fait découvrir les lanternes : les allumer crée de nouveaux éléments qui restent présents durant un certain temps, permettant d’exploiter notre sphère lumineuse pour créer une autre plateforme. L’Angleterre nous plongeant dans une usine on fera face à des rouages. Pour créer des ombres, notre boule lumineuse devra passer entre les crans ce qui induit un petit jeu d’agilité.


Pour autant ces ajouts sont restreints au pays que l’on traverse et finissent par être vite répétitifs. Projection : First Light propose pratiquement toujours les mêmes énigmes et il faudra attendre l’ultime combat de fin pour avoir droit à un mélange des différentes mécaniques apprises jusqu’à maintenant. Les autres boss sont très anecdotiques et rapidement battus. Même en butant sur quelques énigmes, il ne vous faudra pas plus de dix heures pour conclure le récit.



Au jeu des ombres, l'aveugle est roi



Projection : First Light remplit parfaitement sa charte graphique du jeu d’ombres. Le décor se présente sous forme d’un fond coloré. Chaque pays a d’ailleurs a sa propre teinte pour mieux le distinguer des autres comme le bleu pour l’Angleterre et l’orange pour la Turquie. S’y superpose le décor qui se dévoile peu à peu au fur et à mesure de votre avancée comme si une main invisible faisait défiler l’environnement. Et en premier plan se trouve votre personnage mais aussi les autres protagonistes, et le décor sur lequel votre boule lumineuse interfère.


Comme dit plus haut, seul cet élément vous permet d’avancer en créant des ombres qui deviennent tangibles pour vous. Il vous faut placer la sphère sur un angle précis pour pouvoir combler les vides ou ouvrir des portes. Parfois, Greta devra déposer un pot pour créer un semblant de marche-pied. Néanmoins le principe des énigmes reste basiquement le même : se rendre d’un point A à un point B en créant des plateformes à l’aide des ombres. Les quelques mécaniques propres à chaque pays sont vite éludés.


Si les énigmes demandent surtout de l’observation pour être résolues, elles réclament aussi du doigté. Non pas par volonté du studio mais parce que les ombres que vous créez peuvent se montrer, inexplicablement, intangibles. Parfois il vous faudra vous y reprendre plusieurs fois, voire doucement pour que la pente puisse être grimpée. Aucune explication ne vient préciser le pourquoi de cet imbroglio. On peut ainsi se retrouver à effectuer différentes manipulations alors que la première était la bonne. De même si vous devez créer une plateforme directement sous les pieds de Greta, elle peut se retrouver coincée dedans ce qui demande de recommencer encore et encore, ou de sauter au même moment pour éviter ce blocage. Ces multiples accrocs viennent gêner la progression du joueur, l’embourbant là où il aurait dû avancer sans gêne.


Si le jeu peut être mis en français, Projection : First Light demeure volontairement épuré sur le plan textuel et vocal. Les personnages ne dialoguent que par des expressions corporelles, rapprochant là encore le jeu de sa thématique du théâtre d’ombres. La musique elle-même est très simpliste et se montre même lancinante. On sent qu’elle a été créé pour être écouté que quelques minutes, le temps de traverser un tableau. Mais lorsque vous bloquez sur une énigme, à cause des bugs susmentionnés, la musique se répète en boucle. Au final, on finit par baisser le son pour pouvoir se concentrer.



Un voyage au XIXe siècle mouvementé



Projection : First Light est de ces jeux qui se profitent en une seule fois et en courtes sessions. Les énigmes pouvant parfois se montrer retorses, surtout à cause des limites techniques mentionnées plus haut, on peut vite finir par se lasser. Mieux vaut donc accorder à cet opus quelques courtes heures pour mieux y revenir avec l’esprit clair et les yeux grands ouverts.


En dehors de ces énigmes Projection : First Light propose un récit somme toute classique. Dans chaque contrée qu’elle va traverser Greta va rencontrer de multiples individus et faire face à des péripéties. La Chine devient ainsi le terreau idéal pour donner une nouvelle version du mythe de Sun Wukong, le roi singe. Greta apprendra ainsi à ne pas se conduire aussi effrontément que lui (et à voler à dos de dragon !) Le dernier pays, l’Angleterre, sera le passage le plus rude avec une exposition du travail infantile au XIXe siècle. Projection : First Light se permettra même une référence explicite à Oliver Twist. On peut tout de même décemment se demander si Greta devait passer par la case travail de forçat pour apprendre de ses erreurs. Une punition démesurée en comparaison à ses fautes.


Le récit terminé, Projection : First Light n’aura d’autre à vous proposer que relancer les chapitres pour glaner les derniers collectibles. Se présentant sous forme de papillons, ces derniers n’apportent rien en récompense, si ce n’est la satisfaction du travail accompli. Vous pouvez même recharger les chapitres sans avoir fini le jeu si vous préférez tout nettoyer au fur et à mesure.


Projection : First Light propose une idée qui aurait pu créer un petit jeu prenant et original. Au final l’opus s’empêtre dans les limites techniques du jeu des ombres : on ne comprend pas pourquoi elles sont intangibles, ou pourquoi notre personnage est coincé. Entre ces bugs de collision et la musique se répétant en boucle, on finit par concéder à Projection : First Light que de courtes sessions de jeu. Le récit, très classique dans sa construction, ne vient guère relever l’ensemble.



Petit aparté sur les trophées



La liste de Projection : First Light est simpliste dans le sens où elle se résume en trois grandes lignes directrices : accomplir l’histoire jusqu’au bout, ramasser tous les papillons et effectuer quelques actions annexes. Heureusement Projection : First Light propose de recharger le chapitre de votre choix. De plus, vous pouvez savoir le nombre de papillons manquants ce qui limite les zones de recherche et éviter de recommencer des sections entières pour rien. Pour le reste, il faudra bien fouiner les niveaux et, surtout, observer le décor pour trouver comment atteindre un papillon inatteignable… ou s’aider d’une vidéo sur Youtube.

So-chan
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le 1 oct. 2020

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