Je m'attendais à retrouver un remake du premier Ratchet & Clank, alors qu'en réalité le cas de ce Ratchet & Clank PS4 est assez singulier : loin de se contenter de faire un copier-coller, on a plutôt affaire à une sorte de remake rebooté, empruntant énormément d'éléments du tout premier épisode de la série pour les remixer de manière totalement nouvelle.
Du coup on a une impression étrange, celle de retrouver avec un plaisir immense les sensations et les souvenirs du premier Ratchet & Clank et en même temps d'avoir un nouveau jeu entre les mains. Certains partis pris sont intéressants, d'autres plus déroutants mais on sent au moins une vraie démarche et une véritable réflexion dans la manière de réinventer l'opus original.
Parmi les éléments qui perturbent, il y a justement cette sensation de ne pas retrouver tout à fait l'esprit du premier Ratchet & Clank. Même s'il conserve certains objectifs phare et une progression relativement similaire, le scénario a été modifié pour coller davantage au film sorti au même moment.
Je n'ai pas vu le film mais, à travers les cinématiques du jeu, on sent que la trame se veut plus linéaire, plus classique - plus rythmée aussi - comportant tous les ingrédients attendus d'un film d'animation destiné avant tout aux enfants. Je comprends la démarche mais cela dénature l'esprit du jeu original principalement pour deux raisons :
- La structure du jeu a été épurée pour répondre aux besoins du scénario et de la dynamique d'ensemble. Cela n'a pas que des mauvais côtés (j'y reviens) mais certaines planètes ont purement et simplement disparu. On a l'impression que le jeu a dégagé tout ce qui n'était pas utile à la progression du scénario.
- Le caractère des personnages a été modifié, là encore pour proposer des sortes d'archétypes que l'on croise dans le premier film d'animation venu. J'aimais beaucoup le scénario et les personnages du jeu original. Tout cela aurait sans doute pu être mieux exploité - plus cohérent disons, plus inspiré vis à vis de son approche space opera parodique - mais l'ambiance était très attachante. Ratchet et Clank formaient un duo aux caractères opposés mais complémentaires, Ratchet étant loin d'être un modèle ou un idéal de héros parfait.
Le point de départ de l'histoire originale me paraissait aussi plus satisfaisant : à aucun moment Ratchet n'avait envie de sauver la galaxie ou de devenir un ranger galactique. C'est Clank qui le poussait à contrecarrer les plans du Président Drek. Bref, c'était un peu plus borderline et plus amusant, il y avait quelque chose de plus libre et dépaysant puisque Ratchet se contentait de voyager pour le simple plaisir de la découverte (et la recherche de nouvelles armes et gadgets absurdes) et non pour la quête d'un idéal.
Et puis il y a aussi le Capitaine Qwark qui est sans doute le personnage le plus amusant et intéressant de la série qui, dans ce remake, devient plus lisse, moins surprenant et par extension moins mémorable.
Je trouve qu'il a été transformé en gentil méchant typique des films d'animation - le traître qui se découvre du courage et un grand cœur - alors que dans mes souvenirs sa trahison est plus sournoise dans le premier Ratchet & Clank. J'avais rarement vu un personnage aussi ambigu et traître dans un jeu de plate-forme. Il était aussi délirant que lâche et sans morale. A aucun moment il n'avait droit à son acte de bravoure rédempteur comme dans le final de ce remake.
Il découle de ces changements l'impression d'avoir un jeu plus concentré, où la plupart des aspérités ont été gommées. Si on peut regretter le choix fait au niveau des personnages et du scénario il faut avouer que, d'un autre côté, ces changements contribuent à dynamiser le jeu de manière incroyable. Je ne sais pas trop comment ils s'y sont pris mais on a constamment l'impression de poursuivre un objectif - toujours plus que moins lié à la trame principale.
Le jeu d'origine était aussi relativement linéaire (chaque planète ayant environ trois objectifs clairement définis) mais ici cet aspect me semble encore plus exacerbé, comme si chaque objectif avait été agencé dans un ordre précis afin de conserver un rythme constant. Je pense aussi que le fait d'avoir enlevé certaines planètes accentue l'impression de linéarité.
Si on perd un peu en divagation (aspect déjà limité dans l'original, mais tout de même présent), le jeu gagne en dynamisme et c'est indéniablement la plus grande réussite de ce Ratchet & Clank 2016. Le polish en terme de rythme, de progression, de réalisation mais aussi de gameplay vaut clairement le détour. Une multitude d'ajustements, d'ajouts, de modifications, a été opérée pour offrir l'expérience la plus fluide et amusante possible.
Le premier Ratchet & Clank reste sans nul doute un bon jeu (je l'ai fait il y a maintenant plus de 8 ans je crois) mais ce remake lui fout clairement un méchant coup de vieux - au-delà du visuel - en équilibrant la formule initiale. Si une des meilleures idées de la série réside dans la grande variété des armes offertes, avec quelques grands moments de n'importe quoi dans le lot, Insomniac Games ne s'est pas contenté de resservir l'arsenal du premier épisode qui partait dans tous les sens sans grande cohérence, quitte à laisser certaines armes sur le carreau.
Ici, les armes proposées sont moins nombreuses mais beaucoup plus complémentaires, piquant visiblement des idées dans tout ce qui a été créé dans la série jusque-là (n'ayant fait que les deux premiers épisodes je ne m'avancerai pas trop de ce point de vue). On se retrouve donc avec des armes variées, parfois loufoques (le groovitron), mais qui, globalement, servent toutes à un moment ou à un autre et ont chacune leur utilité selon la situation. On jongle constamment entre les armes pour s'adapter aux différents ennemis et à l'environnement. Cette profusion, cette frénésie, reste la grande qualité de la série à mon sens.
Dans le même temps, la difficulté à été revue à la baisse et je trouve que c'est une bonne chose. La difficulté dans le premier Ratchet & Clank résidait surtout dans la multiplication des ennemis et dans l'imprécision relative du gameplay à cause d'un système de lock déficient. Par ailleurs, le fait que les ennemis respawnent pouvait s'avérer frustrant et renforçait l'impression désagréable de die & retry selon les passages, surtout vers la fin du jeu. Tous ces soucis sont réglés dans le remake qui offre un système de contrôle plus satisfaisant, notamment au niveau de la visée et du straff, et plus généralement en fluidifiant le gameplay et en le rendant plus dynamique.
Après, le jeu semble plus facile - sans doute aidé par ce gameplay plus efficace - mais aussi par une fréquence plus élevée des sauvegardes auto et des des ennemis qui ne respawnent plus, ce qui fait qu'une mort n'est jamais vraiment pénalisante. Et ce d'autant moins qu'a été conservée l'excellente idée (introduite dans le second épisode) de l'expérience qui permet d'augmenter sa barre de vie et surtout d'améliorer les armes, notamment à travers des arbres de caractéristiques à débloquer.
Autant d'éléments qui renforcent le rythme déjà bien soutenu de l'action. Ce Ratchet & Clank 2016 est un véritable défouloir de luxe, un certain idéal du jeu d'action, magnifiant le principe de base de la série - la plate-forme nettement portée sur l'action - en ayant parfaitement compris tout ce qui fait le charme et l'efficacité d'une telle formule : un gameplay simple, concis, facile à maîtriser, et en même temps souple et immédiat, bourré de fun, d'une générosité folle, avec ses armes explosives et originales, et la profusion des éléments que l'on prend plaisir à détruire et/ou à collecter ; les ennemis, les caisses remplies de boulon ou le décor volant en éclats participant à cette frénésie sensorielle et auditive, limite régressive mais d'une jouissance totale. Les graphismes sont la cerise sur le gâteau, le jeu étant d'une beauté éclatante. C'était déjà le cas à l'époque - le premier Ratchet & Clank étant sans doute un des plus beau jeu de la PS2 - là on reprend une petite claque devant les environnements majestueux aux couleurs chatoyantes. C'est un véritable plaisir pour les yeux.
On reconnaît bien là la patte Insomniac Games qui, avec le temps, maîtrise de plus en plus cette formule qui peut paraître simpliste mais qui a finalement bien peu d'équivalent. Le studio avait déjà tapé fort avec Sunset Overdrive (que j'apprécie énormément) mais il y a quelque chose dans ce Ratchet & Clank qui confirme une maîtrise totale du genre, cette générosité, cet amour d'un jeu vidéo avant tout pensé pour le plaisir et le fun mais qui ne se moque jamais du joueur, chaque détail du jeu transpirant la passion du travail bien fait. (Re)jouer à Ratchet & Clank c'est se rappeler que des jeux comme ça - bourré d'action décomplexée, beau, fun, blue sky et sans prétention, au feedback immédiat et grisant - on n'en fait finalement plus beaucoup, et c'est bien dommage. Je me console en me disant qu'il me reste tout un tas d'épisodes à rattraper, notamment les épisodes PS3, puisque je me suis arrêté à Ratchet & Clank 2.