Un TPS généreux et innovant limité par un scénario dont on aurait pu se passer

Les Resident Evil que j’appellerai classiques sont révolus, après avoir tiré sur la corde autant que possible avec 5 jeux reposant sur un même game-design (bien qu’il y ait des évolutions et variations au fur et à mesure ça reste fondamentalement le même style de jeu), Capcom bouscule complètement la formule qui a fait le succès de sa franchise, rien à voir avec le quatrième épisode d’une série (qui de toute façon en est le 6ème à cause de Zero et de Code Veronica), Resident Evil 4 est un véritable reboot qui va opter pour la formule TPS, post Max Payne mais pré Gears of War, donc assez innovant pour le genre. La critique étant particulièrement longue, tout comme le jeu, je vous propose l’écoute du relaxant thème de sauvegarde pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : 9 / 10



Il faut bien admettre que le gameplay, indépendamment de sa qualité et de l’innovation qu’il représentait dans le contexte de sa sortie, m’a d’abord donné l’impression d’avoir pris un coup de vieux, surtout à sa première prise en main. On peut citer l’impossibilité de se déplacer tout en visant rendu obsolète depuis Dead Space (3 ans plus tard), la vitesse de course maximale parfaitement ridicule, la caméra avec le joystick droit très lente à déplacer et dans un champ très limité, l’obligation de passer par le menu pour changer d’arme ou même s’équiper d’une grenade, le couteau qui demande de maintenir une touche et d’appuyer sur une autre pour donner toujours le même coup...


Maintenant la question fondamentale pour moi c’est : est-ce que toutes ces lourdeurs empêchent le plaisir de jeu ? À ça, je dirais oui et non ! Oui, car ça empêche le plaisir de jeu immédiat et 9 morts sur 10 je me suis dit que si j’avais eu un maniement plus souple, avec une possibilité d’esquive notamment, il n’y aurait pas eu de problème, le jeu en devient assez frustrant à cause de ça. Non, car c’est source d’une certaine tension tout du long quand on sait qu’on peut vite être débordé et malmené, tension doublée d’une petite fierté à chaque nouvelle zone franchie et quand on vient de flinguer 40 ennemis sans s’en prendre une malgré toutes ces petites contraintes c’est pas rien, être fier d’avoir surmonté la difficulté compense le déplaisir d’y avoir fait face.


Par contre, à côté d’éléments assez vieillots, on retrouve des mécaniques assez évoluées et pas toujours bien exploitées dans les TPS modernes AAA d’aujourd’hui. Je pense notamment à la localisation des dégâts, pas seulement la tête bien sûr puisque tirer dans les jambes, les bras, l’arme à la main... peuvent parfois être de meilleures options. Je pense aussi à l’interaction avec l’environnement comme lorsqu’on peut bloquer ou débloquer des passages pour amener la horde dans un goulot d’étranglement, exploiter des flaques d’huiles et bidons explosifs au moment opportun, tirer dans une cloche pour attirer des ennemis dans un coin avant d’y balancer une grenade... Je pense également à la difficulté évolutive avec les drops plus avantageux et le nombre d’ennemis à la baisse si on arrête pas de crever et inversement.


On a par contre quelques phases en QTE plus ou moins intéressantes, c’est bien au succès de ce jeu que l’on doit en partie l’overdose de cette pratique dans le jeu vidéo moderne, Resident Evil 6 en tête, mais ces phases sont pour ce jeu suffisamment en retrait pour ne pas trop gêner et si tout le monde avait dosé comme cela il y aurait peut-être pas tant de reproches à adresser à cette mécanique aujourd’hui. Bon par contre, déjà à l’époque c’était mal foutu puisque c’est toujours les mêmes touches qui reviennent et si vous appuyez sur les 4 en même temps au lieu des 2 demandés spécifiquement le QTE sera tout de même accepté, donc ça ne sert à rien en fait.


Le principe d’escort mission très présent fut pour moi une grosse crainte au départ, se coltiner un PNJ à protéger de temps en temps pourquoi pas, mais la majeure partie du jeu ? Ça me laissait sceptique et pourtant au final j’ai trouvé que c’était une très bonne idée. On peut ordonner à Ashley d’attendre ou de se planquer à tel endroit, on peut l’utiliser pour appâter l’ennemi qui deviendra inoffensif en essayant de l’enlever mais le tuer requiert alors plus de précision en contrepartie... Et il y a des très bonnes phases avec ce système où il faut jongler entre se protéger et la protéger elle à distance, c’est pas simple mais gratifiant à l’arrivée sans être mal fait.


Enfin, la campagne principale m’a demandé presque 20 heures pour en voir le bout la première fois en mode normal, les campagnes annexes et le mode mercenaires quelques heures de plus, quant au mode de difficulté professionnel il menace de m’y faire replonger pendant 20 autres heures. La durée de vie du titre est donc exemplaire pour le genre et je pense que cette générosité évidente est loin d’être étrangère au succès critique dont il bénéficie. Un gameplay innovant et de qualité réparti sur un contenu aussi large, ça force inévitablement le respect.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



Resident Evil 4 fut techniquement très solide à l’époque de sa sortie originale en 2005 sur Gamecube en plus d’avoir un contenu bien costaud et ce n’est pas rien. Arborer autant d’environnements sur une durée aussi longue en les renouvelant suffisamment pour ne pas donner un aspect répétitif et sans donner l’impression d’en avoir bâclé c’est un autre petit tour de force dont le titre peut se vanter. Bon par contre l’âge du jeu implique des arrières plans un peu flous et dépouillés par moment et un alliasing assez prononcé ici et là, ça serait sympa que le titre soit véritablement remastérisé un de ces 4 (oh oh le jeu de mot foireux).


Les différentes versions du jeu (9 depuis la sortie jusqu’à cette critique !) qui seront proposées par la suite ne proposeront jamais ce que j’appelle un vrai travail de remastérisation. Même dans la dernière version PC dite ultime et HD (qui donne ironiquement l’acronyme UHD), elle est terriblement inégale, déjà c’est même pas du 60 FPS constant dans certaines zones (coucou le magma), autant Léon, les armes, les items... ont bel et bien été lissé et sont nets, autant les décors (murs, portes...) sont hyper laids à cause de textures étirées au possible souffrant de la comparaison avec les éléments refaits. Il faut attendre encore une fois que des amateurs fassent le boulot que l’on pourrait attendre légitimement des dev’ qui revendent leur jeu.


Les cinématiques profitent tout de même d’une mise en scène assez poussée et certaines d’entre elles se payent même le luxe d’être purement facultatives à déclencher, respect. En revanche, le chara-design me laisse mitigé pour ma part, autant je trouve des personnages comme Ada ou Salazar assez bien fichus, autant je trouve d’autres personnages pas tops du tout, y compris Léon qui ne ressemble même pas à sa version d’origine sur Resident Evil 2, rien d’aussi extrême que le look de Chris dans RE5 mais quand même. Le bestiaire est assez varié, on rencontre souvent le même genre de mobs dans une zone mais dans plein de variantes différentes donc ça passe plutôt bien.


Les costumes à débloquer sont pour la plupart des petits délires, à part le premier costume alternatif de Leon que je trouve classe il n’y a pas grand-chose de terrible, c’est encore une fois du côté des mods que j’ai pu trouver chaussure à mon pied, ou costume sur mon dos plutôt, mais ça c’est pas très grave, quand une vraie remasterisation n’aura plus que ce problème-là à régler… La direction artistique est assez sombre, ça colle bien avec le genre auquel le jeu se rapporte tout en faisant référence au premier épisode de la saga. Un cimetière à la nuit tombée avec des éclairs et un couloir avec tapisseries et fenêtres dont on se demande ce qui pourrait en sortir ça fera toujours son petit effet.


Par contre, cette ambiance sombre est à différencier de l’horreur et de la peur qui est bien là mais qui repose quasi-exclusivement sur le principe de savoir par l’audio qu’une menace est là sans pour autant la voir, soit parce qu’on entend l’ennemi, soit parce que le thème de combat continue de nous agresser les oreilles, un effet efficace mais un peu trop répété. Il y a tout de même d’excellentes phases de survival-horror comme le combat contre Verdugo, un boss impressionnant, effrayant et intéressant à combattre, ou notre première rencontre avec les Regenadores mais c’est trop rare à mon goût.


L’esthétique de certains environnements et le design de certaines créatures mettent mal à l’aise mais pas plus que ça j’ai trouvé, à part une petite visite dans des laboratoires sordides et des boss aux métamorphoses aussi gores que grotesques la plupart du temps, il n’y a pas grand chose qui créé un sentiment de malaise continu et intense. On est évidemment loin des licornes et des petits oursons dans un monde constamment éclairé par un arc-en-ciel bien sûr, mais je pense qu’il y avait moyen d’en attendre plus sur cet aspect horrifique par le design des créatures rencontrées entre autres.


J’admets sans problème que Shinji Mikami réalise là un titre oppressant, anxiogène, violent mais dans une moindre mesure à mes yeux que le premier Resident Evil avant lui ou The Evil Within après lui. Peut-être était-il déplacé d’espérer retrouver ça dans ce titre qui se réclame plus de l’action que du survival pour beaucoup mais je suis quand même resté sur ma faim. Au final, réalisation et esthétisme m’ont paru de bonne qualité avec un peu trop de petits points gênants ici et là pour y voir quelque chose d’excellent.



SCENARIO / NARRATION : 5 / 10



Le scénario est sans doute le plus gros point faible de Resident Evil 4. Il a notamment la bêtise de spoiler lui-même ses quelques retournements qui auraient pu le sauver en relançant l’intrigue de façon inattendue et intelligente. Le fait que Léon ait été infecté en début de jeu, c’est plutôt cool comme idée, mais à la condition que ce ne soit pas explicitement dit par 3 personnages différents et lu dans 4 notes avant que Léon ne le réalise lui-même ! Le twist est un coup d’épée dans l’eau absolument incroyable et de toute façon n’a aucune importance, il ne l’aurait pas été ça n’aurait quasiment rien changé à l’ensemble du récit.


On ne met pas en place un twist pour le griller par avance à répétition et de façon évidente pour enfin se dire que ça n’a pas d’importance et ne pas en tenir compte pour la suite du récit, c’est une erreur de débutant de la part de Shinji Mikami qui dirige l’écriture d’un jeu avec celui-ci pour la première et la dernière fois de sa carrière ! Le scénario est bourré d’incohérences (un exemple typique : le grand méchant révèle son plan machiavélique dans le détail à Léon alors que celui-ci ne peut marcher que par l’effet de surprise, fuck la logique), de raccourcis scénaristiques grossiers (Ashley qui fait immédiatement confiance à Léon parce que ça prendrait trop de temps de développer leur relation)...


Avec le temps, le problème de Resident Evil 4 c’est aussi qu’un certain The Last of us est arrivé et le bat à plat de couture sur certains points scénaristiques dont la comparaison se fait facilement aujourd’hui. Ellie est mille fois plus attachante de par son script qu’Ashley dans un rôle pourtant très comparable. On ne peut en tenir rigueur à Resident Evil 4 sans être de mauvaise foi puisqu’il est sorti 8 ans plus tôt mais quand on redécouvre ce titre aujourd’hui ça fait partie de ses aspects qui ont mal vieilli alors que les limitations techniques n’expliquent en rien le problème. Pourtant, il y avait de bonnes idées à exploiter des autres épisodes comme Resident Evil 3 qui suggérait que Léon n’a accepté de devenir un agent du gouvernement que pour protéger Sherry et donc malgré lui.


Ça aurait donner du caractère au personnage et un petit twist en milieu de partie si ce côté enrôlé contre son gré avait été correctement travaillé. Par exemple, une fois le plan ennemi connu (à l’insu de l’antagoniste pour que ça reste cohérent), il aurait pu recevoir un ordre comme de supprimer Ashley de la part de l’agence pour être sûr qu’elle ne soit d’aucun danger et il aurait du manœuvrer entre sa volonté de la protéger parce qu’il aurait eu de vrais raisons de s’attacher à elle entre temps, l’obéissance dont il doit faire preuve au moins en apparence le temps de trouver une solution pour qu’il ne subisse plus leur chantage... Il y avait quelque chose à faire de ce scénario mais aucune idée un peu originale ou travaillée ne se dégage de toute la campagne principale.


Heureusement et à ma grande surprise, la campagne annexe Separate Ways, que je considère indispensable une fois le jeu fini, résout pas mal de ces incohérences et nous met aux commandes d’un personnage plus charismatique, aux intentions et à la personnalité plus travaillés que Léon le héros à la moralité exemplaire. Mais il s’agit d’une petite campagne annexe qui n’était même pas disponible à la première version commercialisée du jeu, la campagne principale qui occupe le plus long temps de jeu n’est pas à la hauteur sur ce qui attrait au scénario. Ça m’a fait étonnamment plaisir de redécouvrir le scénario d’un autre point de vue, je pensais que c’était mort et enterré, ça me conforte dans l’idée qu’on pouvait en faire quelque chose mais ça n’efface pas tous les problèmes posés par l’aventure.


Et ces problèmes en sont quand le jeu contient quand même pas de dialogues qui se déclenchent automatiquement au fil de l’avancée, il ne serait pas grave de ne pas raconter d’histoire du tout et dans ce cas-là je n’en parlerai même pas mais là il y a une histoire et elle est mal fichue. Bien sûr Shinji Mikami ne veut pas dire bon scénario, j’ai même tendance à penser qu’il veut dire mauvais scénario vu que j’ai jamais joué à un jeu signé Mikami avec un bon scénario sauf pour The Evil Within où son incompréhension allait bien avec l’ambiance psychédélique du machin, c’est donc en assumant sa narration pas terrible qu’il a une chance d’en faire quelque chose j’ai l’impression.



CONCLUSION : 7 / 10



S’il fallait juger Resident Evil 4 uniquement sur ses mécaniques de gameplay et son contenu, entre son innovation, sa maîtrise et sa générosité il serait un chef d’œuvre, sauf qu’il raconte aussi une histoire pas terrible du tout et qu’il accuse un peu son âge visuellement sans jamais avoir été véritablement remasterisé malgré toutes ses commercialisations. Ce qui fait que je trouve au final que Resident Evil 4 est un bon jeu qui aurait le potentiel d’être un très grand jeu s’il y n’avait pas les défauts cités précédemment, en tout cas je considère qu’il est à faire pour le gameplay qu’il propose qui met en évidence la platitude d’autres TPS moins inspirés.

damon8671
7
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le 17 févr. 2017

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damon8671

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