Quand une oeuvre vidéoludique ferait un meilleur film
Alors que les communs des mortels que nous sommes, nous humains qui vivons dans un monde porté par la pop-culture plutôt que de l’Art avec un grand « A ». Nous pensons que les superpouvoirs sont une justification pour portés un slip rouge par-dessus un pantalon bleu mal assorti qui certes est un déguisement ridicule, mais permet de pécho facile au lieu d’aller chasser à la dure en boîte ou « discothèque » pour le terme des papa et autres maman. Certaines oeuvres ont essayé de démythifiés ces symboles en justifiant ces pouvoirs surnaturels par leurs origines. Wolverine et son expérience scientifique qui a mal tourné par exemple, donne une image à connotation dramatique de ces-dits pouvoirs.
En 2004, le monde du jeu vidéo s’est vu arriver à quelques mois d’intervalles deux jeux qui ont démonté des pouvoirs sois-disant « cool » en tares non souhaitées qui peut détruire la vie de plusieurs personnes, dont le héros lui-même. Ces deux jeux sont Psi-Ops et Second Sight, portant tous les deux sur le même sujet, les pouvoirs télépathiques. L’un est pas terrible et l’autre non plus, mais Second Sight, s’en tire tout de même avec quelques qualités non négligeables.
Réveillé dans un laboratoire à l’esthétique aseptisé et ressemblant à n’importe quel laboratoire expérimental du méchant gouvernement américain. John Vattic, protagoniste chétif et pataud, adopte la plus grosse gueule de bois que seul un héros de jeu vidéo puisse avoir, il ne se souvient de rien de ce qui lui est arrivé. Sauf qu’il découvre en posant ses deux pieds par terre qu’il a la faculté d’ouvrir les portes sans les toucher et faire voler les deux à trois éléments du décor qui sont dotés de moteur physique. « Mon dieu truc de guedin » se dit notre protagoniste, en sortant de sa chambre, il croise un garde et commet une exaction en le faisant virevolter de l’autre côté du couloir.
Après le scrupule qu’éprouve notre héros en ayant tué un personnage qui ressemble aux trois cents autres employés du laboratoire, il prend la tangente par le biais d’un ascenseur, une migraine virulente lui prend alors la tête et nous nous plongeons tous ensemble dans un flashback qui nous envoie quelques mois plus tôt. Nous retrouvons John Vattic, scientifique émérite avec des lunettes de papy et sans alopécie, à effectuer un entraînement militaire intensif de dix minutes à la veille d’une opération dangereuse et importante pour le bien de l’humanité. L’objectif de cette mission devient plus clair après un briefing avec l’équipe qu’on pourrait résumer avec un simple post-it sur le réfrigérateur :
Chers amis,
Nous partons à la recherche d’un méchant scientifique russe qui lui aussi possède un laboratoire expérimental aseptisé caché dans les montagnes de Sibérie et fait probablement des saloperies de communiste avec des pouvoirs télépathiques. Vous savez tous comment le communisme peut détruire plus de vies que le capitalisme, soyons fiers mes frères, j’ai convié pour la réussite de cette opération un scientifique n’ayant que dix minutes d’entraînement en expérience militaire, une psycho rigide spécialiste en paranormal et quatre gugus voulant devenir les nouveaux Expendables dans un remake d’Inception. L’opération WinterICE (parce qu’on est dans la neige et dans les montagnes capiche ? LOL) sera une mission non approuvée par le gouvernement américain, enfin un peu, mais pas trop, on aura quand même le droit aux marines avec des guns en hélicoptère à la fin de la mission pour finir sur un plan final à la Michael Bay.
Bisou,
Le Général Samuel « Wannabe » Jackson
Après cette première heure trépidante et originale à s’en taper le crâne contre votre table, pour la critique de Murdered : Souls Suspect, vu que je savais déjà grâce à mon fameux sixième sens du routard pataud du jeu vidéo qu’il n’allait pas être terrible. Je me suis dit, pourquoi pas prendre un jeu que j’avais adoré durant mon adolescence, le genre de jeu que je pouvais écrire quatre pages dessus avec passion sans cracher allègrement sur la tronche des développeurs, le souvenir d’une oeuvre qui m’avait pris aux tripes, un jeu excellent et sans défauts probants en somme, décidément, le temps est un enculer, c’est pas comme si le jeu est réellement mauvais mais le temps, mon jugement et les standards que j’avais étant ado ont évolué en 10 ans.
Second Sight a été développé par les créateurs de la saga Time Splitters aka le studio Free Radical dont je vous avais parlé de la formation et de l’histoire du studio pour la critique de Time Splitters 2. À l’origine, le jeu dans son état initial en 2000 se nommait « Redemption » (qui est d’ailleurs le nom du dernier chapitre du jeu), l’idée du jeu était de vivre l’aventure d’un héros qui pouvait changer le futur au fur et à mesure de sa progression. Redemption devait être le premier jeu du studio après sa création par les anciens développeurs star de chez Rare. Mais l’idée était trop ambitieuse et les finances ne suivraient pas le développement de l’oeuvre, ils se sont contentés alors de commencer avec le premier Time Splitters. Une fois le succès affirmé des deux premiers jeux et de la possibilité de faire deux équipe de développement l’un sur le troisième volet de la saga déjanté et l’autre sur leur projet laissé en plan.
Premère surprise, Second Sight prend la forme d’un TPS (vue troisième personne) avec un mélange action-infiltration, un exercice aux antipodes de ce que fait habituellement le studio. Un travail qui se révélera plus dur que ce que l’équipe de développement pensait, selon le chef de projet Derek Littlewood qui livrera a Gamasutra en 2011 que le jeu était une torture à rendre équilibré.
L’équilibrage dans le jeu vidéo est un processus important dans le développement, si vous n’accordez pas un minimum de challenge cohérent et fun à prendre en main pour le joueur, il va déchanter très vite auquel cas si dans le fait contraire vous insistez trop sur le challenge putassier soit vous réussissez et vous faîtes un Dark Souls II au succès inexplicable, soit vous faîtes une production qui va faire abandonner de rage un kilo-tonne de joueurs. Le niveau en particulier auquel les développeurs se sont arraché les cheveux et celui de l’asile, le quatrième niveau du jeu vous donne comme objectif de chercher Jane, la psycho-rigide experte en paranormal de l’opération WinterICE, capitonnée dans une des chambres de ce bâtiment plutôt austère. Ce niveau était à l’origine prévu plus gros et plus grand, mais durant les nombreux playtest, les joueurs test ne comprenaient pas les différentes voies et la difficulté de certaines parties du niveau ont convaincu les développeurs à réduire la map et les plusieurs possibilités de s’infiltrer.
Et c’est là où on arrive à un des premiers défauts du jeu, son level design est bordélique. Au fur et à mesure de la progression, vous allez remarquer que les niveaux soit s’enchaînent de façon logique, la progression se fait tout en douceur façon couloir/cutscene/action, je n’ai pas dit que c’était original, mais l’enchaînement est cohérent et le design des niveaux suit la construction de l’action. Certains niveaux quand a eux, jouent avec votre propre santé mentale quitte à vous faire balancer la manette à travers le salon, bon moi j’ai un petit appart donc c’est du lancer de deux à trois mètres( à l’œil nu), mais imaginez-vous, jouer à Ico en phase d’escorte avec des gardes qui respawnent à l’infini si vous n’avez pas emprunter la bonne « voie » ou la bonne façon de vous débarrassez des ennemis coriaces, c’est le problème de finition de certains niveaux comme l’asile qui va frustrer plus d’un joueur. On retrouve aussi les stigmates des troncages de niveau, genre on peut se balader sur des endroits qui ne servent à rien et n’ont aucun lien logique avec le déroulement de la mission.
Et encore si ce n’était que le level design en demi-teinte, le gameplay est lui aussi archaïque. Entendons-nous bien, Free Radical s’est lancé dans un concept qu’il ne connaissait guère. La gestion et la jouabilité dans un monde 3D en tant que TPS n’est pas la même sur un jeu de flingue, même si Free Radical étaient des pros en vue à la première personne, reste à constater que créer un jeu TPS chez eux, ça a du rapidement se transformer en chantier version bataille 14-18 foirée des Sentiers de la Gloire. La gestion de la caméra est un exemple et une suite logique d’un développeur habitué à se limiter à un champ de vision 180° qui veut faire du 360°, bien non, la reconversion n’est pas parfaite.
La gestion est simple quand vous vous baladez tranquillement dans les niveaux, mais devient un peu plus confuse quand vous devez vous infiltrez ou vous battre avec vos ennemis, certains peut vous tirez dessus dans votre dos et le temps de vous tournez pour les dézinguer vous êtes foutu. Les Gunfights justement, point d’orgue du studio qui en a fait son emblème, ici les armes sont aussi amusantes que d’utiliser un spray de désodorisant sur le nez d’un asthmatique, je sais pas si la pratique en elle-même est amusante, mais en tout cas tirer avec une arme dans ce jeu vous amène dans un état de profond ennui, la visée est nulle, le feeling quasiment inexistant, bref, la jouabilité, les phases de gunfight et les phases d’infiltration sont rédhibitoires et frustrantes à jouer, ça tombe bien, ce sont les 75 % du gameplay général.
Néanmoins, le tour de force du gameplay et le plaisir de jeu, ce sont les pouvoirs télékinésiques. Là les développeurs ont su jouer subtilement avec cette feature. Alors bien sûr, la variété des facultés psychiques de John Vattic est présente, on nous offre l’invisibilité, la possession, le soin ou la force télékinésique à la Jobe dans le film Le Cobaye de Brent Leonard. Je dois vous dire que d’envoyer pêtre mes ennemis dans le décor, les étrangler ou quand bien même les entre-tuer en les possédants me procure une jouissance coupable, par contre, l’impossibilité d’utiliser une tondeuse de l’esprit pour leur tondre le cerveau me rend triste et mélancolique.
Cependant, contrairement à Psi-Ops, les développeurs ont eu l’intelligence de limiter l’utilisation des pouvoirs, sans que ça devienne un foutoir confus et incompréhensible, cela se limite souvent en durée d’utilisation via la barre présente dans le HUD, là où ça devient plutôt agréable, c’est quelle se recharge toute seule au fur et à mesure et non d’être obligé de chercher des « munitions » de l’esprit pour combler le manque, n’est pas Psychonauts qui veut.
Mis à part l’utilisation des pouvoirs télékinésiques, vous vous demandez probablement : « En Faîtes c’est un jeu de merde ? » Je vous aurais donné raison si c’était la totalité du jeu qui était à jeter. On va commencer sur un autre point fort pour prouver que le jeu en vaut la chandelle. Déjà l’ambiance du jeu est réussi, on se sent réellement plongé dans un thriller, on nage dans les 3/4 du jeu dans le mystère en se demandant constamment ce qui va arriver par la suite, on sent une aura de drame se profiler autour de John Vattic en essayant coûte que coûte de découvrir ce qui s’est passé et de survivre. La performance est autant impressionnante que non seulement l’esthétique loufoque si chère au studio Free Radical rend l’ambiance Thriller dans un mélange de ton entre humour et sérieux. Un humour qui se profile également dans les éléments du jeu, assez typique de ce que fait Hideo Kojima dans les Metal Gear Solid.
Par exemple, encore dans le niveau de l’asile, dans les ordinateurs on peut trouver des notes de service où les infirmiers décident de la création de mot de passe pour les fichiers sécurisés via des concours de jeu de mots. On retrouve également des clins d’oeils aux productions antérieurs du studio avec notamment la partie du jeu en Sibérie qu’on a déjà vu dans Goldeneye 64, Time Splitters 2.Les travaux d’Hideo Kojima dont MGS2 en tête aura aussi beaucoup influencé les développeurs (qui d’ailleurs ne s’en cachent pas), entre les phases de planque dans les tuyaux d’aération ou dans des casiers pour échapper à l’alerte, les passages d’infiltration et également les cutscene qui servent à l’histoire qui ont un soin particulier notamment pour les animations faciales qui sont fascinantes. Le jeu est presque aussi cinématographique que les productions du cinéphile japonnais, sans les messages antimilitaristes.
On retrouve notamment un sound-design semblable au niveau du Tanker de MGS2 tout au long du jeu. Graeme Norgate, le compositeur attitré des productions du studio de Rare, Free Radical succédé par Crytek UK (Oui il a aussi composé pour la trilogie merdique des Crysis) s’est inspiré des travaux du compositeur Norihiko Hibino (MGS, Zone of the enders) en proposant tout au long du jeu une OST lorgnant sur le côté éclectique des thèmes de Hibino tout en ajoutant des notes de piano et de synthétiseur pour donner une part de mystère, malheureusement, l’OST reste le cul sur deux chaises, entre les musiques qui se ressemblent toutes et le theme principal maîtrisé de bout en bout, la musique ne restera pas dans les annales du genre. Il y a un détail qui m’a amusé également sur la partie sound-design, ce sont les doublages. Il y a certains joueurs qui ont critiqué négativement ces doublages en les trouvant un peu surjoués.
Ce côté acteur studio rentre très bien dans ce délire un peu cliché justement, le jeu est surplombé par une lourdeur d’écriture au niveau des dialogues et de la narration, alors forcément le faîtes que les acteurs exagèrent ou surjouent leurs voix, ce n’est pas réellement une faute. À savoir également que tout le casting ne fussent pas forcément des professionnels, Andrew Lawson, la voix derrière John Vattic est aussi le co-scénariste du jeu et c’était la première fois qui doublait un personnage de jeu vidéo, il a du mérite de ce coté-ci. À noter que de métier il est Animateur 3D chez Disney, il a notamment bossé sur La Reine des Neiges ou Frozen ainsi que Les Mondes de Ralph.
Arriver a ce stade où potentiellement je devrai poser une conclusion pour dire que finalement le jeu que j’avais aimé plus jeune n’est plus la merveille auquel j’avais vu, mais non, il y a un détail qui fait que Second Sight fait parti de ces jeux qui marquent la playhistoire par leur force narrative spécifique au jeu vidéo, malgré qu’on retrouve des tonnes de clichés tout au long du jeu comme la vieille série B qu’il a voulu être probablement, les tenants et les aboutissants du scénario sont incroyables face à la fadeur du début. Attention tout de même, c’est à partir d’ici que ça va spoiler l’intérêt principal du jeu, ne vous inquiétez pas, j’insère les balises du futur.
[BALISE DU FUTUR TROP 2014] Spoil
« If you know what is going to happen then you can stop it… »
Au début du jeu, on nous donne l’objectif de trouver ce qui s’est passé en Sibérie, l’équipe entière de WinterIce s’est trouvée décimée à part John Vattic. Au fur et à mesure des flashback, dans le temps présent on retrouve au fur et à mesure les protagonistes principaux de l’opération soi-disant évincés. C’et alors qu’au fur et à mesure de l’aventure quand on commence à prendre de plus en plus de pouvoir et de flashback sur les événements antérieurs. John Vattic et le joueur se rendent compte que finalement, le destin de l’équipe se joue en Sibérie.
Toute la partie où John vattic s’est réveillé dans le laboratoire n’est en faîtes que le fruit de l’imagination des cobayes du méchant communiste Docteur Grienko précédemment nommé au début de la review. Leurs pouvoirs de précognition (Second Sight en V.O) poussent John Vattic à réfléchir sur qui sont les vrais antagonistes de l’histoire en lui créant un futur possible si l’opération foire. Ce twist permet d’induire le joueur en erreur sur les intentions de départ de l’opération, les enfants que le docteur Grienko a utilisés comme expérience sont en faites le but initial la mission, en quelque sorte, les méchants c’est nous et les gentils c’est eux. Je l’avoue ce second twist est mauvais, mais sans le côté de la précognition, le jeu n’aurait pas une fin aussi originale et fine. Je suis même surpris que ça n’ait pas été réutilisé par d’autres jeux. L’autre détail amusant de toute l’histoire du jeu, comme je l’avais précédemment noté, c’est que Second Sight pourrait être un excellent film de seconde zone tant qu’il emprunte beaucoup de son découpage au film de sous-genre.
[FIN DE LA BALISE SO 2014]
Second Sight n’est pas un grand jeu, il fait partie de la catégorie des jeux peu amusants à prendre en main, ni esthétiquement et graphiquement dingue à regarder. Le jeu a été d’ailleurs un petit bide pour l’éditeur Codemasters, avec seulement un million d’exemplaires vendus sur quatre plateformes, le choix d’en faire une suite est définitivement clos. Bien sûr le jeu possède son charme ici et là, mais l’expérience reste en demi-teinte, on est plus cobaye d’un TPS un peu bâtard qu’une oeuvre vidéoludique à part entière. Pourtant, je vous conseille à tous d’y jouer et de pousser le vice jusqu’au bout pour le finir. C’est un jeu qu’on n’oublie pas grâce à sa fin plutôt bien amenée et plus fine qu’il n’y paraît.
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