L'art de la fausse enquête
Un jeu basé sur l’univers et les personnages de Sir Arthur Conan Doyle avait de quoi réjouir les joueurs en mal de véritables enquêtes. Malheureusement, le jeu n’est pas à la hauteur des...
le 18 août 2015
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Jeu de Frogwares et Focus Entertainment (2014 • PlayStation 3)
Bien que je n'aie jamais touché à un livre de Doyle, je suis attiré depuis longtemps par son célèbre détective. Un jour ou l'autre, il faudra que je découvre le personnage original, loin des clichés ringards qui habillent généralement ses adaptations. Je savais que Frogwares avait respecté cette vision littéraire, je n'ai donc pas été déçu. L'ambiance de fin du XIXè est excellente, parfois poisseuse, parfois altière, souvent désolée. Les jolis graphismes enveloppent toute chose d'une rigidité un peu compassée, donnant l'impression au joueur de traverser une suite de tableaux où se terre le mystère.
Six mystères, en fait, pour autant d'enquêtes malheureusement très dirigistes. On est tenu par la main presque en permanence, les indices se lient entre eux presque tous seuls, nous mâchant le travail de réflexion la plupart du temps. Holmes sait déjà où fouiller, qui interroger, quelles théories élaborer. On se sent parfois aussi largué et inutile que Watson mais bon... Les conclusions, étrangement, nous offrent bien plus de liberté et constituent, pour ainsi dire, les seules véritables difficultés du titre. Après deux ou trois heures d'enquête où l'on a suivi plus ou moins indolemment le parcours tracé par les développeurs, notre jugeote est enfin sollicitée: l'identité du coupable ne coule pas toujours de source. Parfois, c'est grâce à un travail d'écriture de très bonne facture. D'autres fois, paradoxalement, c'est à cause de l'insuffisance du scénario qui ne permet pas de discerner avec infaillibilité l'identité du coupable. Les enquêtes oscillent entre l'excellence (le meurtre dans les thermes qui se transforme en aventure archéologique) et la médiocrité (le meurtre dans la maison aristocrate, résolu en deux temps, trois mouvements ).
Si le plaisir de jouer n'est donc pas toujours au rendez-vous, celui de suivre les nombreux dialogues, interprétés avec de savoureux accents anglais, est bien présent. Même quand je n'avais pas à réfléchir beaucoup, j'étais hypnotisé en écoutant tout ce petit monde torturé, mais aussi en lisant des lettres piquées dans des tiroirs, en menant des petites expériences aboutissant à la découverte de nouveaux indices et à accomplir les nombreux mini-jeux qui viennent casser la routine. On se retrouve, pour ainsi dire, devant un enième film interactif, de qualité toutefois.
Et puis, notre moment de gloire, comme je disais. Les conclusions qui nous permettent parfois de choisir entre trois ou quatre combinaisons de coupables. Et une fois notre choix effectué, il faut encore se décider entre l'absolution ou la condamnation du coupable. Si ce choix moral a renforcé considérablement mon immersion en me donnant l'impression d'avoir finalement une réelle utilité dans la vie de Holmes, j'ai fini par être déçu de constater que chaque enquête (sauf une) est écrite de manière à plaindre le coupable. La victime est toujours un salaud, un type violent ou orgueilleux qui va détruire des existences avec le sourire aux lèvres. Il méritait de crever, nom de Dieu ! Mon Holmes finissait logiquement par relâcher tout le monde ou par atténuer les peines des coupables alors que le cadavre était encore chaud sur la table du légiste. S'il arrivait au véritable Holmes de faire preuve d'empathie quand la situation s'y prêtait, le côté systématique de ce genre de forcing dans le jeu finit par être un peu ridicule.
Vous l'avez compris, Crimes & Punishments ne vient rien révolutionner dans le monde des jeux d'enquête. Il cherche avant tout à poser une ambiance, un rythme lent et entêtant et de bons dialogues qui ne sont pas dépourvus d'humour. Une manière sympathique de découvrir ou redécouvrir contemplativement l'un des personnages de fiction les plus éculés et pourtant les plus intéressants.
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Créée
le 12 août 2015
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