SOMA
7.5
SOMA

Jeu de Frictional Games et Mikael Hedberg (2015PC)

Tout bien considéré, un jeu plutôt mignon

J'aime assez Frictionnal. Amnesia était bien couillu. Il était aussi plein de défauts. Sauf que ces défauts, Frictionnal (en tout cas Thomas Grip) les avait correctement identifiés. Justine, un simili DLC gratuit sous crack, en réglait une partie et laissait présager le meilleur pour Soma. Soma est sorti maintenant, j'y ai joué, la plupart des défauts sont toujours là, mais le jeu est quand même chouette. Adonc, voici mes impressions, c’est en trois parties, c’est un peu long et, honnêtement, sans doute un peu chiant. Mais, qui sait, peut-être y trouverez-vous une ou deux réflexions intéressantes.


Au niveau du gameplay : des mécanismes bien huilés, mais cependant un peu usés et ne supportant pas la distance


Soma aurait pu offrir 4 ou 5 heures de jeu passionnantes, il en offre 10 sympathiques. Soma est rempli de ces scènes commençant bien, produisant leur petit effet, puis devenant lassantes à force d’être prolongées (un exemple typique : la promenade en aveugle dans les abysses). Beaucoup de séquences se répètent aussi dans Soma, des séquences qui marchent généralement bien la première fois, moins la seconde, et plus du tout la troisième (genre les courses poursuite scriptés).


Dans un autre jeu, cela ne serait pas forcément un si gros problème. La répétition a une utilité : elle permet d'apprendre le système de jeu. Mais Soma n'est -volontairement- pas un jeu où il est question de système à maitriser. Les devs de Frictionnal Games pensent qu'un jeu trop gamiste nuit à l'immersion en poussant le joueur à réfléchir de manière trop abstraite. D'où le choix de mécanismes simplistes, parfois obscurs, auxquels le joueur ne doit pas trop penser. Mais la conséquence de ce type de design, c'est un jeu qui supporte mal la répétition ; et en 10 heures, à moins de bénéficier de moyens extraordinaires, répétition il y aura.


Au reste, le gameplay ne fonctionne pas trop mal. La formule, bien qu'elle ne soit plus aussi unique qu'à l'époque d’Amnesia, a été améliorée depuis. Le jeu a un bon feeling. Les énigmes, très simples, parviennent à garder le joueur actif sans le frustrer. Les monstres sont plus variés et moins accessoires que dans Amnesia (pour commencer, ils ne disparaissent pas après vous avoir tué). Enfin, si l’essentiel du jeu consiste à se rendre d’un point A à un point B en activant des leviers pour ouvrir des portes, au moins ces leviers sont souvent funs (et cruels) à activer. D'un autre côté, c'est aussi un gameplay auquel on commence à avoir l'habitude maintenant. En fait, assez ironiquement vu le genre, c'est un gameplay plutôt confortable, disons peu déstabilisant, dans lequel on a jamais peur de faire de grosses bêtises, si ce n'est à très court terme. Le héros a beau être pris de grande terreur existentielle, au niveau du gameplay, l'inquiétude ne dépassera pas "survivre au prochain monstre".


Un jeu bien écrit, mais dont l’intérêt ne se situe pas au niveau des thématiques philosophiques explorées.


Un des gros points forts du jeu s’avère être son écriture. D'abord, l'histoire est réussie. Si les thèmes philosophiques explorés ne sont pas originalissimes et en soi n’ont pas un intérêt fou, le setting est excellent. Mais ce qui fait vraiment Soma, ce sont les dialogues ou plus précisément la relation qu’entretiennent Simon et Catherine. Une relation particulièrement intéressante, car intimement liée à la situation on ne peut plus extrême dans laquelle ils se trouvent. Les dialogues entre eux ont ce qu'il faut d'humour et de bons mots pour rendre les personnages sympathiques et détendre l'atmosphère quand nécessaire, mais sans pour autant paraitre inappropriés au vu de la tragédie qui est la leur. Lors des moments les plus poignants, ils sonnent très juste et n’hésitent pas à prendre des risques (le craquage de Simon, le détachement -voire l'indifférence- de Catherine). Il y a un mélange de légèreté et de pure noirceur que l’on ne retrouve pas ailleurs et qui donne à Soma énormément de charme.


La façon dont est menée l’histoire se distingue de surcroit par son élégance. Le joueur va de découverte en découverte, mais sans pour autant que cela se fasse sur le mode de la révélation. Plutôt, le jeu laisse le joueur deviner de quoi il en retourne petit à petit. L’absence des effets de manches habituels à ce genre de fiction est rafraichissante.


Ceci étant, quelques poncifs entachent un peu l’expérience. Je pense notamment à ce putain de passage, complètement ridicule, dénotant prodigieusement avec le reste du jeu et ce d’autant plus qu’il a le mauvais goût de se situer à un moment clé de celui-ci (elle concerne le WAU, Ross et un poisson pour ceux qui y ont déjà joué). Alors, c’est dommage, mais ça reste mineur. Le jeu, globalement, brille par son écriture.


Un jeu qui fait peur, mais pas trop, et c’est bonne chose


Beaucoup de critiques déclarent que le jeu ne fait pas peur. Quel mensonge ! Ces gens-là doivent avoir le cervelet bousillé par l’avalanche des jeux de flippes de tarés qui se sont abattus sur nos gueules ces dernières années. Pour les joueurs pas trop masos, qui sagement se sont tenus à l’écart de cette vague, le jeu fout clairement la trouille. S'il était comparé aux jeux d'horreur antérieurs à cette maudite mode, il n’aurait certainement pas à rougir des frissons provoqués.


Quelques remarques cependant.


Du fait de la longueur du jeu (décidément), la peur s'évapore peu à peu. C'est normal, au bout de quelques heures, on commence à s'y habituer aux bruits bizarres, aux distorsions d'écrans (qui, servant de radar, deviennent même rassurantes). On commence à comprendre comment il fonctionne le jeu, comment gérer les monstres, comment distinguer une zone sans risque d'une zone dangereuse (elles ne sont pas construites de la même manière). Bref, comme dans Amnesia et comme dans tant d'autres jeux, la peur ne résiste pas au temps qui passe. Au bout de quelques heures, elle s'évapore, ou du moins devient lassante et prévisible.


Ceci posé, Soma souffre moins de ce mal que la plupart de ses congénères. Premièrement, car les monstres sont variés, il y en a de plusieurs types et ils ne fonctionnent pas tous de la même manière. Ensuite, car Soma est un des rares jeux d'horreur à ne pas chercher à faire peur du début à la fin. Soma propose de multiples passages peu effrayants, parfois presque rigolo, et c'est une très bonne chose. Primo, car les passages flippants conservent leurs attraits plus longtemps ; secundo, parce que cela rend le jeu nettement plus agréable à jouer.


En effet, si une grosse frousse peut devenir après coup un bon souvenir, pour beaucoup de joueurs c'est rarement une expérience plaisante sur le moment, et c'est toujours un traitement auquel on ne se soumet qu’avec quelques réticences. Du coup, il peut être intéressant de ne pas avoir un jeu ultra intense 100% du temps ; et cela est d’autant plus vrai pour les jeux longs. A la limite, lorsque le jeu est passionnant de A à Z, sans le moindre temps mort, bref, quand il ne dure qu’une heure, il n'est pas dur de passer outre la peur tant l'excitation de la découverte peut être forte. Mais lorsque ce n'est pas le cas, lorsque le jeu dure, par exemple, 10 heures, les risques d’abandons sont alors très élevés. Il suffit souvent d’avoir arrêté le jeu durant un passage un peu chiant pour ne jamais y retourner. Il est probable que cela me serait arrivé avec Soma si celui-ci n'avait pas eu la judicieuse idée de ménager ses effets. Ce ne fut pas le cas, tant mieux.


Pour finir...


En relisant ma critique, je me rends compte que j’ai trop insisté sur des défauts ou des manques certes importants, mais qui ne suffisent pas à rendre l’expérience désagréable ; et qu’au contraire, je n’ai pas suffisamment développé ces points forts qui rendent le jeu unique et intéressant. Comme j’ai la flemme de trop modifier mon pavé, retenez juste ceci : Soma est un excellent jeu, et si vous n’êtes pas allergique aux « jeux expériences », vous devriez y jouer.

GéhenneFleurie
8
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Créée

le 14 oct. 2015

Critique lue 726 fois

4 j'aime

GéhenneFleurie

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