Décembre 2003. Sonic est encore dans une période de flou. Depuis l'arrêt de la Dreamcast, on attend avec impatience Sonic Heroes, son premier jeu en 3D sur les consoles des constructeurs de l'époque. Mais si les possesseurs de 128-bits se demandent encore à quoi va bien pouvoir ressembler un Sonic sur console non-Sega, les joueurs de Game Boy Advance les regardent d'un oeil amusé. Eux ont déjà pu profiter de trois jeux exclusifs du hérisson bleu, les deux premiers Sonic Advance ainsi que l'anecdotique Pinball Party. Et aujourd'hui, voilà qu'un quatrième jeu vient compléter leur collection, un jeu de combat qui plus est, le premier de la série depuis 1996 !
3D Blast
Sonic Battle est donc un jeu de baston en arène close. Petit exploit technique, si les personnages sont représentés avec des sprites, les environnements sont eux bel et bien en 3D. C'est cubique, mais c'est fluide et on peut s'y déplacer librement, un peu comme dans Power Stone.
Forcément, sur GBA on se retrouve vite limité par le nombre de boutons disponibles. Sonic Battle est donc plutôt simple à prendre en main : on saute avec A, on attaque avec B, les attaques spéciales sont sur R et L sert à se guérir. Voilà pour les bases, à partir de là il existe beaucoup de variations de coups (Dash, attaque aérienne, combo...) qui permettent d'éviter au jeu d'être trop répétitif, tout en restant accessible à tous. Evidemment, un expert de Street Fighter trouvera toujours que les options sont trop peu nombreuses, mais un gamin biberonné à Smash Bros comme moi appréciera que ce jeu ne requiert pas une connaissance encyclopédique de ses coups, ce qui était le cas de son prédécesseur Sonic the Fighters.
En outre, tous les personnages du jeu sont entièrement différents ! Certes, il n'y a que 9 gameplays au total (+ Emerl dont le gimmick est de pouvoir équiper toutes les attaques existantes), mais chaque perso est parfaitement retranscrit dans ses capacités (Amy utilise son marteau, Cream attaque avec Cheese...) et ses stats (Sonic est rapide, Knuckles est puissant...). Ca fait de ce petit jeu GBA un des plus fidèles de la série dans ses animations, ce qui devrait déjà être suffisant pour intéresser tous les initiés de l'univers du hérisson.
La musique du jeu n'est pas en reste et est fidèle à l'esprit de la série. Si on compte peu de remixes (le seul vient de l'inévitable Green Hill Zone), la variété est au rendez-vous. Certains thèmes sont inquiétants, d'autres enjoués, les musiques de l'overworld parviennent à poser de bonnes ambiances... La puce sonore de la GBA est parfois mise à rude épreuve (d'autant que tous les personnages sont doublés, un ajout sympathique !), mais des versions épurées des musiques sont trouvables sur Internet pour qui voudrait en profiter dans une meilleure qualité.
Deux musiques seront d'ailleurs reprises par la suite, dans Sonic Advance 3 puis dans Generations. Preuve que ce petit jeu aura réussi à imposer sa patte dans la série.
Un mot aussi sur la DA vraiment cool. Les personnages ont un léger changement de look et ressemblent désormais à des versions comics d'eux-mêmes. C'est plaisant à regarder, j'aimerais vraiment que ce style revienne un jour.
Parlons du contenu. 9 personnages (+1) et 11 arènes sont disponibles, ainsi que de nombreux modes. Le mode Bataille bien sûr, pour faire des matchs contre l'ordi ou vos amis (à condition que ceux-ci possèdent une cartouche), le mode Challenge, qui consiste à enchaîner plusieurs batailles à la suite avec des conditions de victoire différentes, un mode Training qui n'a pas besoin d'être présenté, et un mode Mini-Jeux anecdotique mais qui permet de jouer seul ou à plusieurs (en fonction du jeu) sans même avoir besoin d'autres cartouches.
Sauf que le jeu renferme un dernier mode, et non des moindres. Jusque-là, vous aviez un jeu de combat amusant et original, quoiqu'un peu léger en terme de personnages jouables. Mais le coeur du jeu, voyez-vous, c'est le mode Scénario.
"Montre-moi ton pouvoir. Ou je n'obéirai pas."
Sonic trouve un jour un robot sur la plage. Il s'agit d'un être nommé "Gizoid", que le hérisson renommera vite "Emerl". D'abord frêle et incapable de se défendre, Tails découvre qu'il peut utiliser le pouvoir des Chaos Emeralds pour devenir plus intelligent et apprendre des techniques de combat. S'ensuit une course contre-la-montre entre nos héros, poursuivis par Shadow, Rouge et Eggman qui veulent chacun s'approprier le robot dans un but précis.
Le mode Scénario est là où vous pourrez obtenir des améliorations pour Emerl et les utiliser dans le mode Bataille. Celles-ci se débloquent aléatoirement, mais en-dehors de certaines techniques spécifiques, vous devriez obtenir toutes les capacités des personnages après de courtes sessions de farm.
Ce mode est une excellente porte d'entrée pour les débutants, puisqu'on y apprend la base des techniques à utiliser. Son seul problème est qu'il a tendance à être un peu trop répétitif dans ses affrontements, nombreux seront les personnages qui, après une défaite, se relèveront et demanderont une revanche, ce qui relancera un combat similaire à celui que vous venez juste de boucler. C'est probablement ce qui poussera beaucoup de joueurs à abandonner leur quête. Ca, et le bossfight craqué contre Knuckles à la fin du chapitre 1.
Pourtant, ceux-ci auraient tort de réagir ainsi, car ils se priveraient d'une écriture frôlant la perfection. L'histoire de Sonic Battle est en effet très prenante car, même si elle ne démarre véritablement qu'à l'avant-dernier chapitre, elle est parsemée de références aux jeux précédents (particulièrement Sonic Adventure 1 et 2) et de fusils de Tchekov. Mais surtout, elle témoigne d'un grand soin apporté à ses personnages, tous cohérents avec leurs représentations passées. Un détail tout bête par exemple, c'est que Cream n'est pas une combattante, elle déteste la violence et ne s'est battue dans Sonic Advance 2 uniquement parce qu'elle avait une bonne raison de le faire (sauver sa mère). Ici, tous les combats auxquels elle prend part ont lieu dans des situations désespérées, où elle ne peut pas faire autrement que de se lancer dans la mêlée. Et pour ne rien gâcher, son chapitre est un des plus touchants du jeu.
Parce que oui, malgré l'animation simpliste des scènes de dialogue, on rentre à fond dans l'histoire. On rit des mésaventures de Knuckles, on ne peut pas s'empêcher de détester Rouge, Shadow nous pose un dilemme moral...et pendant ce temps, Emerl grandit, rencontre de nouvelles personnes, éprouve de nouvelles sensations, et tel un Pinocchio d'acier, finit par devenir un humain capable de réflexion et d'empathie, mais sans jamais perdre son attitude cool inséparable de l'esprit de la licence.
Tout cela culmine dans un final angoissant et déchirant, où Eggman montre une nouvelle fois son sadisme.
Bref, j'ose le dire : Sonic Battle a le meilleur scénario de toute la série. Il convoque le côté mystique d'Adventure, l'héritage laissé par Adventure 2 et Emerl rivalise de profondeur avec Merlina, de Sonic & the Black Knight. Tous les ingrédients sont là, et la cohérence du scénario ne pourra que plaire aux fans de la série. C'es un des seuls jeux, si ce n'est LE seul, où je trouve que le scénario apporte un réel plus à l'expérience de jeu. Celle-ci ne serait pas la même si on passait les cinématiques ou si on ne faisait pas l'effort d'assembler les pièces du puzzle.
Sonic Advance 3 et Sonic Chronicles construiront en partie leur intrigue sur les éléments introduits dans Battle, et ça me fait vraiment plaisir de voir que ce jeu souvent oublié au sein même de la fanbase aura suffisamment marqué les développeurs pour qu'ils aient envie d'en produire des suites. Son héritage se ressent même encore aujourd'hui dans les comics !
Si, sur la base de son gameplay seul, Sonic Battle est déjà un jeu solide, son scénario lui permet de prétendre à la place du meilleur spin-off de la licence. Et vu que la concurrence est rude, avec entre autres les excellents Sonic & Sega Racing, le qualifier de simple jeu réussi serait lui faire honte.
Un indispensable de la GBA quoiqu'il en soit, aux côtés du premier Sonic Advance (oubliez les 2 autres par contre, pour votre bien).